Algérie - Aérien

Le petit canard russe reprend de l’altitude


Il se peut que l’Antonov 2 est un vieux coucou, un biplan qui a été lancé après la fin de la Seconde Guerre Mondiale mais c’est cet avion-là que les Russes estiment être de loin le plus adapté aux conditions extrêmes de leur nature hostile à toute activité humaine. Je m’explique. Lorsqu’il y a une dizaine d’années on s’est mis à introduire massivement les Airbus en Russie, il fallait leur faire faire les tests obligatoires pour toute technique susceptible d’être impliquée dans le processus de transport aérien. L’une des épreuves à passer était celle du soi-disant pôle du froid qui se trouve en Yakoutie dans la région d’Oïmiakon. On se gèle à fond là-bas la température ambiante descendant à moins 55 degrés centigrades. Et pour envenimer les choses il vente très fort. Or, un mètre par seconde équivaut à un degré centigrade supplémentaire ce qui en cumulant le total fait chuter le thermomètre jusqu’à 90 degrés centigrades objectifs. Et voilà que pour qu’un modèle d’avion soit accepté sur les lignes aériennes russes, il faut que son propulseur démarre après une nuit passé au stationnement à ciel ouvert par moins cinquante degrés. L’Airbus 320 a su se tirer d’affaire et son moteur a bel et bien démarré en un quart de tour. Mais au roulement on entendait de sinistres bop-bop-bop comme si les roues de l’avion heurtaient quelque chose au sol. Lorsque les mécanos ont vérifié ils ont rapidement découvert qu’après une nuit de Yakoutie, les pneus des roues du train d’atterrissage de l’appareil européen ont pris une forme octogonale d’où le bruit au roulement. La morale est lapidaire : pour qu’un avion survive à l’enfer arctique, il faut qu’il soit simple à l’exploitation et ne craint pas les températures extrêmes sans parler des pistes d’atterrissage qui en province sont plus que cahoteuses et recouvertes de nids de poule par-dessus le marché.

Antonov 2 est fruste et simple. La forme du biplan lui permet la manœuvre la plus osée ce qui n’est pas négligeable quand il faut atterrir en pleine campagne ou voler en rase-motte au-dessus de la taïga. La partie mécanique de l’avion rend possible les réparations de fortune en-dehors de l’atelier un peu comme le petit coucou de Saint-Exupéry tombé en panne en plein désert. L’appareil détient le record absolu de l’ancienneté de production, car son concept date de 1947. Alors quand on apprend que les Russes ont décidé de réanimer 680 unités pour assurer le service médical dans les régions excentrées du tréfonds provincial à Pétaouchnok ou au diable Vauvert, il ne faut pas trop s’en étonner. On peut dire que le concept d’un Antonov 2 répond à celui d’une Lada : la technique n’est pas faite pour le luxe mais pour durer.

A croire l’Agence Fédérale d’Aviation de la Fédération de Russie cette solution est très astucieuse parce qu’elle permet à la fois de donner du travail au secteur aéronautique russe avec la modernisation des vieux Antonov qui seront dotés de nouveaux moteurs américains et d’une nouvelle avionique de bord et, en même temps, couvrir les besoins les plus pressants des petits villages délaissés depuis plus de 20 ans. Et n’allez pas imaginer que le pilotage de ces petits appareils est de tout repos. C’est un travail éreintant et périlleux dans les conditions extrêmes que l’on a décrites au tout début de l’article.

Ainsi on ne peut que saluer la renaissance de l’aviation régionale destinée à combler le vide béant du ciel provincial russe.
Alexandre Artamonov
Lire la suite: http://french.ruvr.ru/radio_broadcast/67041912/98623380/

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