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Le patriotisme positif et le patriotisme négatif


Le patriotisme positif et le patriotisme négatif
Deux événements suscitent des débats ces derniers temps. Le premier a trait aux nouveaux regroupements des entreprises publiques qui sont censées booster l'économie industrielle, et le second concerne le patriotisme économique. Cette dernière notion demeure un concept aux contours insuffisamment définis.Les politiciens lui font souvent appel. Il concernerait trois acteurs majeurs : l'Etat, les chefs d'entreprise et les citoyens en tant que consommateurs. Chacun aurait une partition claire à jouer dans ce contexte. Il y a beaucoup à dire sur le patriotisme économique. En premier lieu, même les pays développés les plus industrialisés en font usage. Lors d'un essai de prise de contrôle de l'entreprise française Danone par des investisseurs étrangers, l'ancien Premier ministre Villepin usa de la puissance publique pour dissuader les potentiels repreneurs, disant : «Je souhaite rassembler toutes nos énergies en faveur d'un véritable patriotisme économique? Il s'agit de défendre la France et ce qui est français.»La législation française fut durcie plus tard. Arnaud Montebourg disait : «Le choix que nous avons fait est un choix de patriotisme économique». Le libéralisme pur existe rarement en pratique. Il y a toujours des tentatives des Etats pour donner un coup de pouce à leurs entreprises et à leurs produits. Ce n'est pas une invention algérienne. Mais des questions importantes demeurent en suspens concernant ce phénomène.Par exemple, pourquoi les pays qui affichent clairement leurs politiques favorables au patriotisme n'arrivent pas à en tirer de grands dividendes ' Pourquoi dans de nombreux pays asiatiques où les gouvernements n'affichent pas officiellement des pratiques favorables au «patriotisme économique» les citoyens et les entreprises prennent des décisions d'achat et d'investissement plutôt favorables à leur économie nationale 'Le patriotisme en actionIl y a toujours quelques formes de patriotisme économique parfois sous-jacentes aux politiques économiques choisies par les Etats même les plus libéraux. Par exemple, le refus de vendre des ports américains aux entreprises chinoises en est une expression des plus visibles. Par contre, le FMI, la BCE et l'Union européenne sont en train de forcer la main à la Grèce pour vendre quelques-uns de ses ports à ces mêmes Chinois au nom de la compétition et de l'efficacité économique.Le problème n'est pas de faire ou de ne pas faire du patriotisme économique, mais d'entreprendre des mesures qui donnent des résultats. Les comportements des agents économiques sont donc au centre des intérêts des décideurs. L'idée est de pratiquer une forme de «patriotisme économique» qui fonctionne et non juste de s'approprier des slogans avec une efficacité communicationnelle très limitée. Cela est un problème de méthode et de communication. On doit se poser les questions sur les formes d'interventions qui boostent l'économie nationale.La question du «made in» fait beaucoup parler d'elle dans le domaine de la recherche en marketing. Est-ce que des efforts de sensibilisation induisent dans la plupart des cas des comportements de consommateurs favorables à la production nationale 'La réponse s'avère souvent complexe. Ceci s'explique par le fait qu'il ne faut pas la prendre d'une manière isolée. Beaucoup de pays africains, sud-américains et européens ont entrepris, d'une manière soft ou intense, des projets de sensibilisation des consommateurs et des investisseurs locaux à la situation économique de leur pays. Il fallait qu'ils investissent au sein de leur pays, que l'Etat les protège mieux et que les consommateurs aient des attitudes favorables à leurs produits.On a cependant remarqué que ceci a beaucoup plus de chance de fonctionner pour les produits du terroir que pour les biens internationalisés. C'est-à-dire les consommateurs algériens seraient plus enclins à acheter le produit national s'il s'agissait du couscous, de l'huile d'olive, etc. que l'on considère comme faisant partie du patrimoine national. L'efficacité est beaucoup moindre pour les produits mondialisés : café, boissons, etc. ; à moins que le rapport qualité/prix ne soit en faveur des produits nationaux.Donner aussi de la fierté et de l'espoirLes pouvoirs publics avaient tenté à plusieurs reprises de convaincre les acteurs économiques d'orienter leurs priorités selon les intérêts nationaux. Cela fait plus de dix ans que les pouvoirs publics évoquent le patriotisme économique d'une manière récurrente. Le FCE avait entrepris une fameuse campagne de sensibilisation sur la nécessité de consommer national.Entre-temps, les importations ont continué à grimper de plus de 15% par an, l'une des plus fortes croissances au monde. La situation devient intenable avec la réduction des ressources extérieures, suite à la dépression du marché de l'énergie. Il faut donc une remise à plat du concept et de ses implications pratiques. Il faut se rendre compte d'une chose : dans la vaste majorité des cas, le patriotisme économique doit aller de l'avant avec une véritable libéralisation des initiatives privées et une amélioration du climat des affaires. Les deux ne doivent pas aller dans des directions opposées.Par ailleurs, une analyse profonde des expériences internationales montre que le patriotisme «positif» a plus de chance de réussir. Ce dernier est ouvert, optimiste et donne de l'espoir réel aux entreprises et aux consommateurs.Dans ce cadre d'idées, l'Etat conçoit avec les acteurs économiques, suite à une large concertation, une approche (stratégie) non seulement pour défendre les marchés nationaux, mais surtout pour exporter et gagner la bataille de la mondialisation. Il donne de la fierté et de l'espoir aux hommes d'affaires, aux citoyens et aux institutions du pays.Le patriotisme «négatif» qui consiste à se défendre uniquement est rarement efficace. Il peut l'être uniquement à court terme dans une vision qui consiste à se propulser parmi les pays émergents. Il décourage les citoyens et les acteurs économiques.Un patriotisme uniquement défensif est dangereux, car il démoralise les citoyens et le monde des affaires. Il leur stipule indirectement : «Nous sommes incapables de nous propulser parmi les meilleurs, nous devons nous entraider pour survivre». Ceci expliquerait pourquoi le patriotisme économique échoue au Ghana, au Bangladesh, mais réussit en Corée et en Malaisie. Alors, à quand le passage d'un patriotisme «négatif» à un patriotisme «positif» '(*) PH.D en sciences de gestion




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