Algérie - Apiculture

«Le miel algérien est hautement toxique



«Le miel algérien est hautement toxique
»
HACÈNE ZAOUI, expert agricole et formateur à l’Institut technique des élevages de Baba Ali

La Chambre de l’agriculture de la wilaya de Bouira a organisé, mercredi et jeudi derniers, une formation ouverte au profit des apiculteurs intéressés par l’élevage des abeilles et la production de la gelée royale. Selon les chiffres de la Chambre de l’agriculture, ce sont 1 204 apiculteurs qui exercent dans la région. En 2017, l’on a recensé quelque 122 000 ruches pleines, produisant environ 550 000 kg de miel. L’élevage des reines et la production de la gelée royale nécessitent un savoir-faire et des techniques que vulgarisent, justement, des spécialistes comme M. Hacène Zaoui, formateur à l’Institut technique des élevages de Baba Ali (ITELV). Celui-ci affirme qu’il est grand temps de se mettre au diapason des normes internationales en matière d’apiculture, la qualité du miel algérien laissant à désirer. Selon l’expert, le miel produit en Algérie est… «hautement toxique».

La Dépêche de Kabylie : Que pensez-vous de la filière apicole ?
Hacène Zaoui: Aujourd’hui (ndlr, la semaine dernière), nous sommes à Bouira pour assurer une formation au profit des apiculteurs, pour leur expliquer comment élever les reines et les techniques de production de la gelée royale. Ces techniques nécessitent un certain savoir-faire. Il s’agit d’élever des reines et de les féconder, un processus qui demande pas mal de courage, de volonté et un certain bagage. Il faut avoir exercé, au préalable, dans la filière pour maîtriser ce travail qui ne nécessite pas un grand matériel. Il faut, bien sûr, savoir reconnaître une reine, une ouvrière, un bourdon et tout le microcosme de la ruche. La plupart des gens ont appris l’apiculture sur le tas et de manière artisanale. D’autres ont découvert l’apiculture par Internet. Cette formation va leur permettre de profiter des mes 43 années d’expérience dans la pratique de l’apiculture. Je travaille à l’institut de Baba Ali, un établissement de recherche et d’expérimentation, et nous avons bénéficié de formations à l’étranger avec des experts mondialement reconnus. Nous allons transmettre cette expérience, acquise au fil du temps, à celui qui veut bien apprendre. L’Algérie fait actuellement une apiculture traditionnelle, et cela ne va pas nous mener très loin. Il faut travailler et faire quelque chose d’exceptionnel et surtout de professionnel. J’invite l’ensemble des apiculteurs à apprendre en écoutant, en regardant, en manipulant et en suivant les consignes du formateur. Il leur appartiendra, ensuite, de faire leur propre expérience.

Comment expliquez-vous que la production du miel varie d’un endroit à un autre ?
Cela s’explique par le fait que les gens n’ont pas le savoir-faire requis. Actuellement, avec nos méthodes et techniques, nous pouvons réaliser une production de miel variant entre 70 à 100 kg par ruche. Et je vous assure que des apiculteurs réalisent aisément ce chiffre. Il y a, aussi, des gens qui produisent des reines, ce qui est facile comme bonjour. En Algérie, nous n’avons pas d’apiculteurs professionnels, nous avons uniquement des chasseurs de miel. Les gens implantent leurs ruches dans des endroits différents et leur donnent des traitements chimiques pour traiter différentes maladies, alors que ces traitements sont nocifs, les médicaments utilisés étant interdits dans le monde. Il n’y a ni date de production ni de péremption sur ces produits que les apiculteurs locaux ont depuis les années 1980 (période où l’Algérie les avait achetés). Ces stocks existent toujours et les produits sont revendus sur le marché, alors qu’ils laissent des résidus toxiques dans le miel et dans la cire. Des gens prennent ce miel en pensant qu’il peut les guérir, alors, qu’en réalité, sa consommation peut provoquer des maladies, parfois incurables. Miel, gelée royale, pollen… sont autant de produits de la ruche hautement toxiques qui rendent malade le consommateur, qui peut facilement attraper une maladie grave, comme le cancer. Nous interdisons l’usage des produits chimiques et préconisons l’usage des produits bios. Nous interdisons également de donner du sucre aux abeilles. Le sucre est sucre et le miel est miel. Certains disent : «On donne du sucre et le sucre se transforme en miel». Cela me fait sortir de mes gonds. C’est le nectar qui est transformé en miel ! Il faut savoir que certains apiculteurs donnent du sérum glucosé de l’hôpital, car c’est une solution sucrée. D’autres donnent de la confiture périmée aux abeilles. Toutes ces pratiques sont à bannir, il faut les alimenter avec de bons produits naturels. En procédant de manière traditionnelle, un apiculteur ne peut pas vivre de ses ruchers. Mais avec nos techniques modernes et scientifiques, on peut vivre de l’apiculture sans s’adonner à ces pratiques empoisonnantes.

Justement, que pensez-vous de la qualité du miel produit actuellement en Algérie ?
Les produits chimiques avec lesquels les apiculteurs travaillent sont de mauvaise qualité. Prenez n’importe quel miel en Algérie, et les apiculteurs vous diront qu’ils utilisent plus d’une dizaine de produits chimiques très nocifs et interdits. Ces pesticides restent dans le miel, la gelée, la cire… et nuisent à l’organisme humain. Si l’on analyse le miel au niveau des laboratoires de la Police scientifique, l’on retrouvera des antibiotiques et des résidus de produits hautement toxiques. Une véritable bombe à retardement ! C’est infect, je le répète ! J’ai moi-même fait des analyses, dont les résultats se sont avérés catastrophiques. Il y a, heureusement, quelques personnes qui ne recourent pas aux produits chimiques, mais ils sont rares ces gens qui font du miel essentiellement pour leur propre consommation. Je le dis une fois de plus : le miel algérien est hautement toxique ! Idem pour les sous-produits de la ruche qui sont également contaminés, et, donc, à jeter. Si vous vous rendez dans une foire de miel à Blida, Tizi-Ouzou ou Alger et que vous demandez la provenance du produit exposé, l’on vous répondra que c’est un miel local. Si vous demandez l’emplacement du lieu de production avec exactitude, l’on ne vous répondra pas, car le miel vendu provient de Chine. On vous montrera du miel de jujubier (sedra) de couleur verte, un autre vous montrera le même miel de couleur rouge, chez un autre apiculteur, il sera jaune…Je leur ai fait la remarque à plusieurs reprises et les ai renvoyés à leur conscience, car ils mentent aux consommateurs et les empoisonnent. Ne donnez pas de sucre aux abeilles, ne les nourrissez pas avec de la confiture périmée ! Il existe des substituts naturels avec des fruits sains et bios. Malheureusement, on ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque apiculteur.

Combien de kg de miel produits en moyenne une ruche, en Algérie ?
Nous avons déjà réussi à produire plus de 100 kg par ruche avec les techniques modernes et scientifiques. Au niveau international, au Canada à titre d’exemple, les apiculteurs arrivent à produire 280 kg de miel par ruche. Ils disposent de ruches de très bonne qualité, contrairement à nos ruches d’Adam. Les ruches canadiennes en bois rouge, qui peuvent contenir entre 120 000 et 150 000 abeilles, peuvent survivre à des températures pouvant aller jusqu’à -45°. Ici, on dit : «Voilà que la dernière vague de froid a décimé nos essaims !» Aux États-Unis, c’est une quantité entre 250 et 280 kg de miel par ruche qui est produite. En France aussi. En fait, dans le monde entier les rendements sont plus qu’appréciables avec plus de 100 kg par ruche. En Algérie, lorsque vous parlez avec un apiculteur, il vous dit j’ai fait 3 kg ! Je leur dis toujours qu’avant de faire une ruche, allez suivre une formation. Renseignez-vous auprès de votre formateur pour savoir quelle est la fleur qui produit le plus de miel. Je peux donner les différentes fleurs médicinales qui conviennent aux essaims pour un rendement maximum. On peut cultiver ces fleurs et faire du miel et du pollen en quantité et en qualité. En Algérie, la moyenne se situe entre 500 et 600 grammes par ruche. Tout est à revoir. Et malheureusement, il n’y a pas de relève. Notre génération est sur le point de partir en retraite, à travers l’ensemble des 48 wilayas du pays. J’ai transmis mon expérience et mon savoir-faire en espérant que ces techniques seront prochainement appliquées, pour l’avenir de l’apiculture en Algérie. Par exemple, on peut produire entre 150 et 200 grammes de gelée royale par semaine. Actuellement en Algérie, les apiculteurs en produisent 200 grammes… par an ! C’est pourtant simple à réaliser. J’invite les apiculteurs à venir constater la facilité de la chose, et je les encourage à le faire, car ce produit est aujourd’hui importé de Chine. Une gelée royale infecte, de même pour le pollen d’importation. Il faut désormais les produire localement. Je préfère même éviter de vous parler du miel de Chine, alors que nous avons des terrains à perte de vue pour l’apiculture et notre flore mellifère est très prisée. D’ailleurs, un groupe d’Allemands est, récemment, venu en prospection en Algérie, voulant louer des terrains pour produire du miel de thym ! C’est un miel utilisé en milieu hospitalier comme cicatrisant. Pour cela, les investisseurs germaniques étaient prêts à louer à prix d’or des terres, alors que nous, Algériens, pouvons le faire nous-mêmes
Entretien réalisé par Hafidh Bessaoudi


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