Algérie

Le mérite d?exister



La sortie de films inscrits au titre de la manifestation Alger capitale de la culture arabe donne l?image rassurante d?une relance cinématographique en cours. Il est possible de s?en satisfaire sans, pour autant, le fait que cette image est en trompe-l??il. Le cinéma, en Algérie, n?est plus une activité induite à la suite du démantèlement du réseau de salles et de la liquidation des entreprises audiovisuelles du secteur public. Chaque film qui se fait est donc perçu comme une victoire contre l?emprise du néant ou, au mieux, le fruit de circonstances comme Alger capitale de la culture arabe. Que se passera-t-il lorsque de telles occurrences ne se présenteront pas ? Il convient d?ailleurs de s?interroger sur une production orpheline de structures d?accueil qui empêchent les films algériens de rencontrer -au moins- le public national. Il existe aujourd?hui, dans le meilleur des cas, dix salles de cinéma dignes de ce nom à travers le pays. C?est alors un paramètre totalement dissuasif pour envisager une production cinématographique à grande échelle. D?autant que se posera toujours le problème de cette activité coûteuse et pour tout dire budgétivore. Il faudra pourtant que les cinéastes algériens trouvent de l?argent pour pouvoir tourner leurs films : mais où ? Les investisseurs nationaux et étrangers ne trouvent pas, dans ce créneau, des incitations motivantes. Il faudrait que les règles du jeu soient clairement définies par l?Etat régulateur pour que des initiateurs privés acceptent de s?engager à construire de nouvelles salles de cinéma ou à risquer leurs fonds dans la production de films algériens pour lesquels il n?y a déjà pas de marché significatif. Bâtir une industrie intégrée du cinéma implique de toute évidence l?ouverture du marché du cinéma en amont et en aval, à l?instar de ce qui s?est fait dans les domaines de la téléphonie mobile ou des concessionnaires de véhicules. A charge pour l?Etat de contrôler la transparence et la fiabilité des investissements à travers un cahier des charges validé par les opérateurs. Ce serait, après, la responsabilité des professionnels du cinéma de le faire vivre. Cela nécessite une volonté politique et une stratégie à long terme sans laquelle les acteurs de la sphère culturelle en resteront à se lamenter sur la splendeur d?un passé révolu. Les temps ne sont plus où l?Etat, même par délégation aux collectivités locales, jouait un rôle d?exploitant de salles,où payait des salaires à des effectifs cinématographiques fonctionnarisés par la force de l?inertie. Mais est-ce que la situation actuelle est meilleure et plus profitable ? Non, parce que l?Algérie, à travers le démantèlement de l?activité cinématographique perd un ensemble de corps de métiers qu?il sera difficile de reconstituer rapidement. Peut-on imaginer un pays de la dimension de l?Algérie sans cinéma national ? Ce serait accepter la fatalité de regarder le monde à travers les yeux des autres. Et ce n?est pas sans risques car l?hypothèse de ne diffuser que des films étrangers se heurte aux spécificités culturelles et sociologiques de la société algérienne où la transgression de certains interdits et tabous n?est pas acceptée par la morale ambiante qui ne fait pas forcément bon ménage avec la liberté de vouloir tout montrer. Il faut bien sûr parier sur un cinéma algérien qui a le sens de sa société et sait dire les choses sans basculer dans les excès qui feraient le lit de la censure. La refondation du cinéma en Algérie ne peut être, pour toutes les raisons réunies, qu?une entreprise complexe et de longue haleine. Cela n?enlève rien au mérite d?exister de ces films qui se sont faits contre une adversité nettement signalée. C?est une manière de ne pas désespérer de l?avenir.



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