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Le dur combat des non-voyants



Le dur combat des non-voyants
Etre non-voyant n'est pas synonyme d'inutilité», martèle âmmi Mohamed, qui a perdu la vue en 1992 suite à une erreur médicale dans un hôpital algérois.La victime de cette négligence n'a jamais été indemnisée. «J'avais des problèmes de vue, mais je pouvais quand même me déplacer tout seul», précise-t-il. Ancien fonctionnaire dans un ministère, il a quitté l'administration pour se consacrer à un commerce de textile, à l'ouverture du marché. «Je voyageais, j'entretenais des contacts à l'international. Lorsque je me suis fait opérer, tout a basculé. Je suis devenu aveugle. Heureusement que j'ai le soutien de ma femme et de mes enfants, qui ont su gérer et comprendre mon handicap. Mais depuis plus de 20 ans, c'est le néant. Les conditions auraient été très pénibles sans le soutien familial. J'ai la chance de trouver de la compréhension, mais ce n'est pas le cas de beaucoup de non-voyants que j'ai eu l'occasion de connaître dans les cours de braille», raconte âmmi Mohamed.Dur quotidien pour les malvoyants et les non-voyants. Ils ne se lamentent pas, mais revendiquent l'application de leurs droits sociaux, comme stipulé dans la Constitution et les lois de la République. Les discriminations à l'embauche, la non-prise en charge de leurs spécificités font naître un sentiment d'injustice. Les non-voyants tardifs ont du mal à s'habituer au handicap (lire l'entretien avec M. Kacemi, président de l'association El Israr).Perdre la vue à la fleur de l'âge bouleverse toute une vie. Certains éprouvent des difficultés au sein de leur famille, leur entourage commence à les ignorer. «Devenir non-voyant, ce n'est jamais perdre ses qualités humaines», souligne Nordine, 62 ans, qui se sent seul depuis la perte de ses capacités visuelles. Ce dernier, qui a perdu son emploi (il était agent communal) vit dans une précarité atroce. L'aide sociale ne peut aucunement remplir le couffin.Sa femme a été obligée de devenir chef de famille. Elle travaille. Ses enfants se débrouillent en vendant des produits de nettoyage. «Mais nous vivions beaucoup mieux lorsque je travaillais», se souvient-il. Il existe en Algérie une trentaine d'écoles destinées aux non-voyants. D'après les militants associatifs, il faudrait construire d'autres établissements et recruter du personnel qualifié, car ce nombre n'est pas suffisant pour permettre une meilleure éducation. Mohamed Kacemi indique pour sa part que «des centres de formation en kinésithérapie seraient l'idéal pour les non-voyants, afin d'offrir des débouchés pour notre catégorie». «Rien n'est concrétisé dans ce sens. Le sentiment d'injustice est ressenti chaque jour. Pourquoi ne pas appliquer les textes et développer un programme pour les malvoyants et les non-voyants, alors que tout est simple à réaliser '» indique-t-il. L'université est l'un des rares endroits qui ne distinguent pas les voyants et les non-voyants.Aide sociale misérableSelon des statistiques d'associations, «chaque année, près de 2500 non-voyants sont promus». Mais la bataille est plus rude lorsqu'il s'agit d'accéder à l'emploi. Les patrons d'entreprises ne veulent pas les recruter. Comme l'explique M. Kacemi, «il suffirait d'appliquer la loi pour mettre fin à ces obstacles». Présentement, l'aide accordée aux non-voyants par l'Etat se chiffre à 3000 DA/mois. C'est un montant dérisoire, «honteux», qui n'est pas évalué en se basant sur les indices financiers actuels.Des associations souhaitent introduire une demande pour revaloriser les aides, «en attendant, comme l'a déclaré M. Kacemi, que la loi s'applique et que les non-voyants gagnent leur place dans le circuit de l'emploi».Rappelons aussi la détresse des 5000 travailleurs de l'ex-Enabros, licenciés suite à la fermeture de l'entreprise, sur un ensemble de 15 unités. La presse a relaté à maintes reprises cet épisode. Les importateurs de balais et leurs relais dans le pouvoir ont déchiré des familles.Enfin, citons cette étude présentée par l'hebdomadaire Imag, qui avait soulevé «le non-accès des non-voyants au logiciel Jaws en raison de son coût exorbitant, qui varie entre 1500 et 2000 euros».Ali Hayouna, président de l'Association nationale des éducateurs et enseignants spécialisés pour les personnes aveugles, avait déclaré sur ce support que «l'outil informatique doté d'un programme adéquat permettrait aux non-voyants d'être à chances égales avec les personnes normales».


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