Algérie - HISTOIRE

La véritable histoire de la conquête française de l’Algérie




Contexte de la polémique Jean-Michel Aphatie, journaliste connu pour ses positions tranchées, a suscité une vive controverse en février 2025 lors d’une émission sur RTL. Il a comparé les exactions commises par l’armée française en Algérie au massacre d’Oradour-sur-Glane, perpétré par les nazis en 1944, déclarant : « Chaque année, en France, on commémore ce qui s’est passé à Oradour-sur-Glane, c’est-à-dire le massacre de tout un village. Mais on en a fait des centaines, nous, en Algérie. Est-ce qu’on en a conscience ? » Ces propos ont provoqué une indignation immédiate sur le plateau et dans les sphères politiques, notamment à droite et à l’extrême droite, qui ont dénoncé une « falsification de l’histoire » et une « insulte » aux rapatriés d’Algérie. RTL a initialement mis Aphatie en retrait pour une semaine, une décision perçue comme une tentative d’apaiser les tensions. Cependant, le 9 mars 2025, le journaliste a annoncé sur X qu’il ne reviendrait pas à la radio, refusant de valider ce qu’il considère comme une « punition » et estimant ne pas avoir commis de faute en rappelant des faits historiques. Les faits historiques selon Alain Ruscio L’historien Alain Ruscio, spécialiste de la colonisation française, est intervenu dans À l’air libre pour contextualiser les propos d’Aphatie. Il a rappelé que la conquête de l’Algérie (1830-1871) fut marquée par une violence extrême, documentée dès l’époque par des témoins et des opposants comme Lamartine. Parmi les épisodes les plus emblématiques : Les "enfumades" : En 1844-1845, sous les ordres du général Bugeaud, l’armée française a employé une tactique brutale consistant à asphyxier des populations dans des grottes. L’enfumade du Dahra en 1845, par exemple, a causé la mort d’environ 800 personnes (hommes, femmes, enfants) qui s’y étaient réfugiées. Le lieutenant-colonel Pélissier, responsable de cette opération, a rapporté les faits sans remords à l’époque. D’autres cas similaires, comme à Nekmaria ou Zaatcha (1849), ont entraîné des centaines, voire des milliers de morts. Massacres et razzias : Dès 1830, la prise d’Alger s’est accompagnée de pillages et d’exécutions sommaires. Par la suite, les campagnes de « pacification » ont visé à briser la résistance des tribus algériennes, notamment celle d’Abd el-Kader. Des villages entiers furent rasés, leurs habitants massacrés ou déplacés. À El-Ouffia en 1832, 500 personnes furent tuées ; à Zaatcha en 1849, plus de 1 000. Selon Ruscio, ces opérations s’inscrivaient dans une logique d’extermination partielle pour terroriser et soumettre la population, avec des estimations de 500 000 morts algériens entre 1830 et 1847 (Ismaÿl Urbain, 1862). Continuum de violence : La brutalité ne s’est pas limitée à la conquête initiale. Les révoltes ultérieures, comme celle de 1871 sous Mokrani, ont été réprimées dans le sang, et la guerre d’indépendance (1954-1962) a vu d’autres exactions, dont les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata en 1945 (entre 1 500 et 20 000 morts selon les sources). Ruscio souligne que ces faits, bien que parfois exagérés dans leur ampleur par la propagande anticoloniale, sont largement attestés par des archives françaises et des récits contemporains. Il critique l’amnésie collective française et le refus de certains de reconnaître cette « litanie de massacres et de razzias ». Analyse de la comparaison avec Oradour-sur-Glane La comparaison d’Aphatie avec Oradour-sur-Glane (643 civils tués par les SS en 1944) est historiquement discutable, bien que symboliquement percutante : Points communs : Les enfumades et Oradour impliquent des massacres de civils, souvent dans des espaces clos, avec une intention d’anéantissement. La cruauté et l’inhumanité y sont évidentes. Différences : Oradour s’inscrit dans le cadre génocidaire nazi de la Seconde Guerre mondiale, avec une idéologie raciale explicite et une exécution systématique. Les exactions en Algérie, bien que brutales, relevaient d’une logique coloniale de conquête et de domination, sans visée d’extermination totale de la population algérienne. Des historiens comme Pascal Plas estiment que le parallèle est maladroit, car il mélange des contextes et des objectifs distincts. Cependant, Ruscio défend l’idée qu’Aphatie visait à secouer une mémoire française engourdie, même si la formulation était provocante. Réactions et enjeux contemporains Polémique politique : Jordan Bardella (RN) et Éric Ciotti (UDR) ont dénoncé une « falsification » et un « rôle de prédicateur algérien ». Ces réactions s’inscrivent dans un climat de crispation autour de la mémoire coloniale, où la droite et l’extrême droite valorisent une vision nostalgique de la colonisation. L’Arcom a ouvert une instruction le 26 février 2025 pour évaluer si RTL a manqué à ses obligations, reflétant la sensibilité du sujet. Médias et liberté d’expression : La mise en retrait d’Aphatie par RTL, suivie de son départ, illustre une frilosité médiatique face aux pressions politiques et publiques. Fabrice Arfi (Mediapart) a dénoncé cette censure implicite, contrastant avec la tolérance passée envers des figures comme Éric Zemmour, condamné pour racisme. Le soutien d’Alain Ruscio et de certains journalistes (ex. L’Humanité) met en lumière une fracture entre ceux qui prônent une reconnaissance des crimes coloniaux et ceux qui les minimisent. Contexte diplomatique : En mars 2025, les relations franco-algériennes sont tendues, marquées par des différends sur les migrants et la mémoire coloniale. La déprogrammation parallèle du documentaire Algérie, sections armes spéciales sur France 5 (voir votre précédent message) renforce l’idée d’une autocensure face à ces tensions. Conclusion Jean-Michel Aphatie n’a pas « commis de faute » au sens factuel : les massacres qu’il évoque sont historiquement établis, comme le confirme Alain Ruscio. Cependant, sa comparaison avec Oradour-sur-Glane, bien que visant à provoquer une prise de conscience, prête le flanc à la critique pour son imprécision. Son départ de RTL révèle une difficulté française à confronter sereinement son passé colonial, entre déni, repentance et instrumentalisation politique. L’intervention de Ruscio dans À l’air libre offre un contrepoint essentiel, ancrant le débat dans une réalité historique trop souvent occultée. Ce cas, loin d’être anecdotique, reflète les fractures mémorielles d’une France en quête d’un récit commun, 63 ans après l’indépendance de l’Algérie.
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