Algérie

La valse d'hésitation


Pourtant la multiplication de ces initiatives n'a pas été forcément synonyme de réussite puisque ces accords ont en commun d'avoir débouché sur des résultats mitigés voire négatifs dans la plupart des cas. Si ses partenaires ne sont pas exempts de tout reproche dans ces échecs, il n'en reste pas moins que l'Algérie endosse la plus grande part de responsabilité.
Du moins, beaucoup d'économistes le pensent et parmi eux Nachida Bouzidi M'hamsadji, professeur à  l'Ecole nationale d'administration et économiste, qui a animé dernièrement une table ronde sur la question de l'intégration régionale de l'Algérie, à  l'initiative de la fondation allemande Friedrisch Ebert. Pour cette économiste, l'intégration de l'Algérie peut se résumer en une phrase : «C'est la valse d'hésitation». Les raisons sont d'abord une «volonté politique qui fait défaut», mais ce n'est pas tout. Le statut actuel de ces accords régionaux avec l'UMA, l'UE, l'OMC, ou la ZALE suggère que «l'intérêt de la l'Algérie pour la régionalisation est limité». Elle s'explique également par «une incompréhension des enjeux ou le refus de mettre fin au statut de pays rentier», estime-t-elle.
Quelles qu'en soient les véritables raisons, le constat est que l'intégration régionale de l'Algérie n'est pas un modèle de réussite, à  commencer par l'UMA qui, géographiquement parlant, est la zone la plus rapprochée de l'Algérie et donc théoriquement l'initiative qui avait sur le papier le plus de chance de réussir. Force est de constater que non.   L'UMA otage des clivages politiques   L'UMA a été jusque-là un «échec», a remarqué Mme Bouzidi. Le commerce de cette zone ne représente que 3 ou
4% du commerce mondial. Le commerce intra-UMA est à  moins de 2% et pour l'Algérie, les échanges commerciaux avec les autres pays de cette zone se situent à  seulement 1 à  2%. Le professeur Bouzidi a expliqué cette état des lieux par «des blocages d'ordre politiques», à  leur tête «la question sahraouie». En clair, «des considérations politiques ont prévalu sur l'aspect économique», a-t-elle dit entraînant «un coût du non Maghreb qu'on estime entre 2 et 3% de points de croissance». Un chiffre contesté par d'autres économistes qui considèrent que même avec «une ouverture totale, il ne semble pas évident qu'on puisse transférer 2  à  3% de points de croissance vers un autre pays». La construction maghrébine ne garantit pas le développement du commerce maghrébin, car ces pays ont des productions davantage concurrentes que complémentaires. D'où l'intérêt, selon Mme Bouzidi de rechercher la dynamique dans «le commerce croisé».    
L'ancien diplomate Abdelaziz Rahabi estime que c'est davantage «un problème de solidarité entre les pays de l'UMA». «Il n'y a pas eu de solidarité quand l'Algérie vivait des moments difficiles. La Tunisie et le Maroc ont signé des Accords d'association avec l'Union européenne sans nous», a-t-il ajouté, en précisant que ce n'est pas à  l'Algérie d'assumer le coût du non-Maghreb puisqu'elle paye déjà «au Maroc et à  la Tunisie 7 à  10% de droit de passage de son gaz vers l'Europe».
L'UE et la ZALE, même constat
Si l'UMA a été un échec, que dire alors de l'Accord d'association signé avec l'UE en 2002 dans une conjoncture politique nationale difficile et internationale marquée par l'isolement de l'Algérie sur le plan diplomatique. Dans ce cas également, les considérations politiques ont encore prévalu sur les intérêts économiques et les résultats se font jusqu'à présent sentir sur l'économie algérienne. Mme Bouzidi a fait état d'un «constat amer», parlant d'un «fort déséquilibre de la balance commerciale avec pour chaque dollar exporté pour l'Algérie, 20 dollars importés, 2,5 milliards de dollars de pertes fiscales entre 2005 et 2008 et 8,5 milliards de dollars d'ici à  2017».   
L'entrée en vigueur de la Zone arabe de libre-échange en 2009 a donné lieu à  quasiment le même constat d'échec. Avec une augmentation de 46% des importations algériennes depuis cette zone et la baisse de 50% de ses exportations. Des chiffres qui sont toutefois à  relativiser pour certains économistes qui affirment que «les importations de l'Algérie ont augmenté avec tous les pays et cela suite au programme présidentiel et non au crédit à  la consommation». Du coup, les dernières décisions prises pour supprimer le crédit à  la consommation ou encore réduire les importations s'expliquent par le fait que «le pays a toujours eu des velléités protectionnistes lorsque la rente est importante», estime-t-on.   
Que ce soit pour l'Accord d'association ou pour la ZALE, les raisons qui ont poussé l'Algérie à  y entrer sont politiques, estiment économistes et diplomates, mais les conséquences se font quand à  elles ressentir sur le plan économique. L'Algérie s'est lancée «à l'aveuglette, dans la précipitation», dit-on. Dans le cas de l'Accord d'association, «on a démantelé beaucoup et unilatéralement, exposant l'économie algérienne à  la casse», souligne-t-on, en ajoutant que  «les Algériens sont naïfs à  l'international». Pour Mme Bouzidi, les échecs des processus d'intégration régionale de l'Algérie sont à  rechercher dans son «manque de préparation». «On applique une décision politique. Il n'y pas de doctrine», conclut-elle.
Si l'Algérie n'endosse pas seule la responsabilité de ces échecs, elle en porte du moins une grosse part. Certains économistes se demandent en effet comment on peut réussir une intégration régionale si nous n'avons pas encore tranché la question du libéralisme.               
 
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