Algérie

La République des juges ?




La présidente du tribunal criminel de Blida en charge du procès de la caisse principale d?Al Khalifa Bank est propulsée malgré elle sous les feux de la rampe. Elle est devenue au fil des audiences, de ses interventions pertinentes, de ses rappels à l?ordre fermes qui n?épargnent pas même les ministres traités comme de simples citoyens une bête noire redoutée et redoutable mais aussi une espèce d?icone, d?exutoire et de rempart contre l?enrichissement illicite et rapide, la rapine à l?ombre de l?Etat. Partie avec des préjugés plutôt défavorables compte tenu des réalités de la justice dans notre pays qui se voit avec ce procès inédit se tailler une robe exagérément ample pour sa fragile silhouette, Madame Brahimi est parvenue, au fil des jours, à se forger une image de juge des pauvres et des faibles, et a contrario, de bourreau et d?exécutrice testamentaire des corrompus de tous poils : hauts responsables en col blanc ou en survêtement sportif. Cette mission de justice citoyenne qu?elle semble vouloir incarner ne laisse en tout cas pas indifférent. Entre la justice et les citoyens elle a réussi, d?une certaine manière, à provoquer un déclic dans le sens apaisé du terme. Bien qu?il faille savoir raison garder et attendre la fin du procès pour pouvoir se prononcer objectivement sur le sens à donner à ce qui se passe au tribunal criminel de Blida. Pour apprécier si la manière avec laquelle le procès a été conduit par le tribunal est annonciatrice d?un véritable renouveau du système judiciaire ou s?il ne s?agit que d?un simple effet théâtral d?une pièce où le scénario est écrit ailleurs que dans l?enceinte du tribunal criminel de Blida. Car il faut bien se rendre à l?évidence, aussi téméraire et battante qu?elle ait pu paraître au cours de ce procès, la présidente Brahimi et l?institution judiciaire qu?elle représente ne peuvent pas aller plus vite que la musique du système en place qui n?a pas fondamentalement renouvelé son répertoire pour croire que la justice algérienne a fait sa mue avec ce procès. L?hirondelle ne fait pas le printemps. Pas plus que la large couverture médiatique dont a bénéficié le procès ne peut être, à elle seule, un gage de transparence et de quête de la vérité, de toute la vérité sur ce scandale. Mais ceci n?enlève rien au mérite de la présidente du tribunal qui a cassé des tabous en tançant des ministres et en désavouant, par endroits, publiquement l?action du procureur de la République. Une démarche hautement symbolique qui traduit, si elle est dénuée d?arrière-pensées, une profonde révolution dans le sens de l?approfondissement de l?indépendance des magistrats du siège par rapport à la chancellerie et au pouvoir politique. Il est comme cela des coups de tonnerre qui ont traversé ce procès et qui ont poussé le commun des Algériens à se surprendre, l?espace d?un instant, à rêver d?une République des juges en Algérie.

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