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La chronique de Maurice Tarik Maschino


La chronique de Maurice Tarik Maschino
L'histoire, dans bien des pays, paraît stagnante. Rien ne se passe, chaque jour reproduit le précédent, les mêmes gredins détiennent toujours le pouvoir et continuent de voler l'argent du peuple tandis que le peuple, qui ne croit plus à rien et n'attend rien de personne, se morfond dans l'ennui et, pour tenter d'oublier son malheur, se saoule, prie ou trafique. Pourtant, même si l'horizon paraît bouché, il peut soudain s'éclaircir et c'est même de cette façon-là, inattendue, surprenante et joyeuse, que bien des sociétés, sortant d'une apparente léthargie, ont renoué avec l'histoire.C'est ce que démontre l'éditeur et écrivain Eric Hazan dans un livre très riche, très documenté et que chacun, surtout s'il est découragé, devrait lire. S'appuyant sur de nombreux exemples, La Dynamique de la révolte montre de quelle façon des insurrections se sont déclenchées dans des sociétés qui paraissaient assoupies.C'est le moment initial de l'insurrection que le livre saisit et les conditions qui l'ont rendue possible qu'il analyse. Contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas des leaders politiques ni des partis qui déclenchent une insurrection. Révolution mexicaine de 1910, révolution cubaine, Mai 1968 en France, de très nombreuses révoltes éclatent sans parti dirigeant, sans leader reconnu, sans militants aguerris et politiquement instruits.Ceux qui, en 1789, se dirigent vers la Bastille ne sont pas des lecteurs de Montesquieu, mais des habitants du quartier Saint-Antoine, des artisans, des commerçants à bout et dont la conscience politique va «se former dans le cours même des événements». «Le 12 juillet 1789, je ne savais rien de la Révolution», raconte un ouvrier orfèvre. «Les grandes foules anonymes qui marchent sur Versailles, poursuit E. Hazan, ne connaissent ni Condorcet ni Mably, elles marchent sous le coup de la colère, de la peur et de la faim.»Comme «marchent» à Saint-Pétersbourg, en 1917, ouvriers des usines métallurgiques et ouvrières du textile, qui surprennent, souligne un historien soviétique, «les socialistes et les bolcheviques». Comme dans la France de 1789, enchaîne Eric Hazan, «ce sont la colère et la faim qui ont mis les foules en mouvement, sans chef ni idées politiques autres que ?ça ne peut plus durer !'»Mais l'insurrection, elle, n'a de chance de durer et de devenir une véritable révolution que si les insurgés réussissent à «retourner» militaires et policiers. «Dans le déroulement des insurrections, la défection de la police et/ou de l'armée constitue un tournant décisif», souligne Eric Hazan. Mais si soldats ou policiers ne se retournent pas contre le pouvoir qu'ils sont censés défendre, «l'insurrection est presque toujours écrasée et c'est le massacre».S'interrogeant sur la possibilité d'une alliance forces armées/militants révolutionnaires dans la France actuelle, Eric Hazan rappelle que le ralliement et d'abord la passivité des forces de l'ordre se prépare, qu'il appartient aux révolutionnaires de «faire monter la pression parmi les flics de base, mal payés, mal considérés», autrement dit «dans le tout-venant de la police française d'aujourd'hui, les femmes, les Noirs, les Arabes».Victorieuse, une insurrection se heurte souvent à des forces hostiles qui la rendent inefficace. «Il est habituel qu'une assemblée élue dans la foulée d'une victoire de la révolution soit contre-révolutionnaire», le suffrage universel donne la parole à «une masse flottante dont le sentiment dominant est justement la peur de l'inconnu, du chaos» et cette masse se rassure «en votant pour des hommes qu'elle connaît? Le parlementarisme fonctionne comme fossoyeur des mouvements populaires», constate Eric Hazan, et les partis dits de gauche prêtent généralement main forte aux fossoyeurs ou se transforment eux-mêmes en fossoyeurs. «Il faut savoir terminer une grève», décrétait le communiste Maurice Thorez en 1936.Le même ministre de De Gaulle à la Libération, invite les travailleurs à «retrousser leurs manches», le «socialiste» François Mitterrand, en I968, estime urgent de «remettre l'Etat en marche», comme les usines, et le libéral-socialiste François Hollande confie à un jeune banquier, promu ministre, la gestion de l'économie française. La révolution par le peuple ' Bien sûr : sans lui, qui la ferait ' Mais pour le peuple ' C'est une autre affaire, tant les voleurs de révolutions, faux frères, faux camarades, sont habiles à s'emparer du pouvoir et prompts à dominer, au besoin à matraquer ceux qu'ils ont privés de leur victoire.




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