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La Casbah, une cité qui agonise en silence



La Casbah, une cité qui agonise en silence
Est-il venu le temps d'accomplir la prière mortuaire sur La Casbah ' Sagit-il d'accorder un autre sursis avant de se plier à l'oraison funèbre d'une médina qui peine à sauver son âme ' Cela fait près de quarante années que les organismes publics, BET, ateliers, cellules, offices, etc., se relayent, élaborent des plans, souvent partiellement appliqués, initient des opérations qui restent inachevées, fourbissent des actions sans perspective.Chaque changement de direction se traduit par une réorientation pour espérer atteindre un objectif indéfini. Ainsi, chercheurs, journalistes, spécialistes, lors des différents colloques, rencontres, symposium, etc., écrivent, décrivent, critiquent, proposent, recommandent, ? sans le moindre effet sur la situation. Les associations se réunissent, implorent les institutions algériennes et étrangères d'agir, font des réunions, organisent des débats, formulent des propositions, clament leur opposition, réconfortent les habitants, encouragent les propriétaires. L'Association sauvons La Casbah d'Alger (ASCA) a mené des actions concrètes sur le terrain, sans pouvoir assurer un suivi permettant de pérenniser l'expérience.La Casbah n'est même plus une réserve de marginaux, elle est devenue un dépotoir de déchets, un réceptacle d'ordures à ciel ouvert, un puzzle de terrains vagues sans destination précise, une usine de production de vrais-faux sinistrés, un asile d'attente pour l'obtention d'un logement. Faut-il rappeler qu'au mois de septembre 2010 a été conduite l'opération «Eradication des bidonvilles de La Casbah», pour laquelle on a convié les associations à des séances d'information-approbation de mesures arrêtées et déjà en cours d'exécution, sans que l'OGEBC ait été associé ni consulté pour le choix des parcelles à libérer. Or, il est censé être l'organe le mieux informé et le mieux placé pour inscrire cette action dans ses préoccupations et suivre leur déroulement sur le terrain.Résultat, les squatteurs ont gagné un appartement et l'office a perdu la confiance durement acquise auprès des familles demeurées sur place, fautives d'avoir cru à son approche et ayant facilité la mise en ?uvre de son programme d'étaiement. L'opération a été lancée sans projet destiné à combler les parcelles libérées par les bidonvilles. Dès lors, une série d'interrogations nous apostrophent. Quelle est la destination des terrains vagues ' Quels sont les critères retenus pour bénéficier d'une maison ' Pour quels équipements publics 'A partir de quelles données socio-économiques 'L'habituelle rançonLes maisons cassées-classées sont régulièrement prises en otages et périodiquement libérées contre un gîte. «Les relogements incitent et invitent à la dégradation de notre patrimoine. A peine le prochain relogement annoncé, les occupants du 61, rue Sidi Driss Hamidouche (Casbah), ont payé les services d'un ferronnier pour sectionner les tirants en acier maintenant la stabilité de l'édifice? dans l'espoir de faire partie du lot de sinistrés à reloger en urgence», révèle Djaffar Lesbet, sociologue, architecte et consultant de l'Association des amis de La Casbah d'Alger. Il répète à l'envi qu'«il est inadmissible d'attribuer un logement à chaque preneur d'otage».Et de marteler : «Tant que l'on ne cessera pas, définitivement, les relogements des pseudo cas sociaux de La Casbah au nom de la paix sociale, et que l'on ne substituera pas le ??don'' d'appartement à un hébergement temporaire, le temps nécessaire aux services sociaux de trouver une solution définitive à chaque cas, on se condamne à reconduire les mesures (politiciennes) de complaisance, à favoriser l'assistanat et à pérenniser le processus de destruction au détriment de la sauvegarde de notre patrimoine.Ce recours simpliste n'est viable ni à court, ni à moyen, et encore moins à long termes.» Rappelons que l'Etat a attribué plus de 11 000 logements, soit plus de deux fois la capacité d'accueil de La Casbah, l'équivalant de la population d'une ville nouvelle, sans baisser le Taux d'occupation par logement (TOL). Notre interlocuteur met l'accent sur «les alternatives qui auraient été plus profitables à tous». Autrement dit, substituer l'autoconstruction, formation sur le tas, au don d'un logement gratuit. «Les chercheurs du Cnerib, explique-t-il, mettent une large gamme de matériaux locaux innovants et performants à disposition d'un éventuel chantier-école».A-t-on tiré le moindre bilan des opérations de relogement successives, avec ou sans programme annoncé ' Non, assène-t-il. La raison, selon M.Lesbet, est que «cette prodigalité arrange tout le monde. Une simple corrélation entre l'identité du sinistré ayant bénéficié d'un logement social à un moment donné et le nom de l'occupant actuel du même logement acheté sur le marché libre, par le biais du désistement, nous renseigne et nous enseigne sur les circuits de détournement du bien public». «Le relogement au nom de la paix sociale est le chemin le plus efficace qui mène à la disparition de La Casbah», estime-t-il.Aujourd'hui, les «sinistrés» sont entassés dans une pièce, dans une maison insalubre et qui menace de s'effondrer sur les occupants. Ils attendent dans l'angoisse l'attribution d'un gîte. «Il serait plus sage de confier les 200 logements que la wilaya s'apprête à octroyer prochainement à l'agence de sauvegarde.Cette dernière hébergera les auto-sinistrés. Ils cohabiteraient dans des logements sains, en attendant que les services sociaux trouvent une solution à chaque cas particulier, dans un délai n'excédant pas une année, une solution provisoire mise en pratique dans de nombreux pays», poursuit-il, en faisant remarquer que «l'ASCA souhaite récompenser les habitants qui préservent notre patrimoine, alors que le relogement encourage les occupants indélicats de la maison la plus dégradée».Des questionnements en suspensL'objectif à atteindre, selon M. Lesbet, devrait résulter d'un accord consensuel entre différents départements (culture, Intérieur, habous, habitat, ville, Solidarité, Environnement, etc.) qui doivent, au préalable, renégocier pour apporter une réponse précise et collective à un nombre de questionnements : que veut-on faire de La Casbah ' Quelle est la finalité et avec quels moyens ' Sommes-nous animés de la volonté de sauvegarder La Casbah avec ou sans ses actuels occupants ' Doit-on mettre en demeure les propriétaires récalcitrants de prendre en charge la préservation ou la démolition de leur maison, l'enlèvement des gravats, l'entretien de leur parcelle ' Quelles mesures prendre lorsqu'il s'agit des opérations d'expropriation en urgence ' Des suggestions seraient concevables en fonction des priorités qu'envisageraient les pouvoirs publics.C'est à ces conditions qu'un plan de sauvegarde aura des chances d'être appliqué avec l'efficacité souhaitée. Sinon, ce n'est qu'un énième v?u pieux qui s'ajouterait à la longue liste des lois-v?ux préexistantes, conclut M. Lesbet.


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