Algérie

L'ouverture des islamistes version Ennahda Une stratégie pour diviser les démocrates tunisiens



L'ouverture des islamistes version Ennahda                                    Une stratégie pour diviser les démocrates tunisiens
Ennahda, qui a ouvert le bal islamiste dans les dernières lignes des printemps arabes, entend demeurer plus que l'exemple de la prise de pouvoir par les urnes.
Son congrès s'est terminé par un projet politique qui prône le juste milieu pour ne pas inquiéter les milieux modernistes arabes et les opinions occidentales. La daâwa, toujours la daâwa, pour souder les ouailles et stigmatiser les opposants, jusqu'à les dissoudre dans le magma islamiste. 'Notre futur est entre nos mains." Le parti islamiste au pouvoir en Tunisie, Ennahda, s'est doté d'un projet politique et son happy end slogan 'Pour une démocratie stable et immuable" cache mal les intentions hégémonistes dont c'est la raison d'être des formations islamistes, comme, d'ailleurs, tous les autres systèmes autoritaires militaires et civils. La présence d'invités étrangers à ce congrès, comme le chef du Hamas palestinien, Khaled Mechaâl, le président du Conseil nation libyen de transition (CNLT) Mustapha Abdeljalil, le chef du parti islamiste de la Oummah soudanais, Sadok Mehdi, ou encore le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, en dit long sur ce qu'envisage Ennahda pour la Tunisie. Son leader, Ghannouchi, qui est resté maître à bord en dépit de ses multiples promesses de prendre sa retraite, a beau donner l'impression de vouloir forger un modèle de société hybride, laissant place à certaines valeurs modernes et progressistes, sa motion sociale est claire : elle renvoie sans ambages à la question islamiste. Et son modèle doit se propager au sein de la société tunisienne, jusqu'à en rester l'unique référent. Le congrès a, en effet, traité prioritairement de la place de la religion à travers notamment la question de la femme, de la famille, de l'art, des médias et même du sport ! Et ce projet, vu de près, n'est pas très loin de celui que veulent imposer les salafistes par contrainte et violence physique. D'ailleurs, Ennahda, c'est un secret de Polichinelle, marche presque la main dans la main avec cette mouvance extrémiste qui a mené plusieurs opérations coup-de-poing dont la plus illustre est celle de la mi-juin, avec le haro des salafistes sur une petite exposition artistique dans la banlieue de Tunis, selon eux, insultante pour l'islam ! Le lendemain, des émeutes éclataient dans plusieurs régions et un couvre-feu nocturne pendant trois jours a dû être imposé. Ennahda, qui a le pouvoir, s'était contenté de condamner à la fois les violences et les atteintes au sacré. Ghannouchi, le père de l'islamisme tunisien, a même avoué que la furie salafiste lui rappelait sa jeunesse ! De là à conclure que les salafistes sont le bras armé d'Ennahda, il n'y a qu'un pas. Realpolitik oblige et plus expérimentés sur les arcanes politiques, les chefs d'Ennahda consentent néanmoins à avancer à pas mesurés, quitte à composer, dans une première étape, évaluée par eux à une dizaine d'années, avec les formations démocratiques, c'est-à-dire reconduire les alliances politiques d'Ennahda avec deux formations de centre-gauche, le Congrès pour la république, du président de la République Moncef Marzouki, et Ettakatol, dirigé par le président de l'Assemblée constituante, Mustapha Ben Jaâfar. Ennahda ne veut cependant plus être prisonnier dans ce triangle. Le parti islamiste se propose d'élargir sa coalition à d'autres formations proches de son idéologie, et ce n'est pas ce qui manque dans le vaste patchwork partisan tunisien, pour affaiblir le poids de ses deux compères imposés par le printemps du Jasmin. Des dizaines de nouveaux partis islamistes, dont les salafistes, ont obtenu leur agrément. Ghannouchi a dû, durant les cinq jours de congrès, mettre de l'ordre dans sa formation, concilier ses différents courants, entre 'les modérés", d'une part, et les tenants d'une ligne idéologique plus radicale, d'autre part. Il a dû ferrailler dur avec ces derniers, majoritaires, qui piaffent d'impatience d'établir l'ordre islamiste en Tunisie et pas du tout satisfaits de l'annonce par leur leader au printemps de renoncer à ce que la charia soit inscrite comme principale source d'inspiration de la Constitution en cours de rédaction par l'Assemblée nationale constituante. Ce n'est que partie remise pour ces contestataires qui ont pour eux le nombre.
D. B


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