Algérie

L'ocre et le bleu de Khadda



Ocre paradisiaque, le soleil émerge au large de Mostaganem(1). «Bleuâtre vers les côtes». Le soleil est au Zenith. Le fin pinceau de Mohamed Khadda (1930-1991) continue inlassablement d’effleurer par de petites touches soyeuses, la toile si sensible, si intime, qu’on dirait qu’elle chuchote (crissement en ré mineur du pinceau), qu’elle parle d’une voix si fine, si musicale, si mélodieuse avec cet homme brun, petit de taille mais aux yeux si pétillants, si lumineux qu’il n’a - ô intelligence créatrice - que peu de temps pour allumer la lumière. Et parfois, il oublie carrément d’allumer cette lampe, tout à fait spéciale que Najet (sa femme) a pris soin de la placer là où il fallait, juste au- dessus de la cimaise, dans ce salon (de leur appartement du Télémly) aménagé, par le couple (Mohamed et Najet), en atelier de peinture. Un salon qui ne reçoit la lumière du jour qu’entre 9h et midi. C’est-à-dire que le peintre - si sensible - aux doigts fiévreux n’avait pas de temps à perdre pour juger des couleurs si particulières, si personnelles qu’il avait créé : ce bleu et cet ocre à «la Khadda». Deux couleurs que notre peintre a mélangées, triturées jusqu’à les personnaliser.
Comme M’hamed Issiakhem qui a créé ce bleu et ce rouge tout à fait issiakhemiens, Mohamed Khadda a, lui aussi, inventé son bleu et son ocre. Je reconnais une toile de Khadda à 100m. Je reconnais ses touches, ses labyrinthes créés avec les lettres arabes et... ses couleurs  sorties des méandres de son génie parmi des milliers de toiles jetées pêle-mêle !
Khadda était timide, modeste (la modestie est la vertu des savants !) et généreux, mais ses tableaux sont si lumineux, si géniaux qu’on dirait -presque - divins ! J’ai connu Khadda en 1981. J’avais juste 29 ans. Sa vie et son génie me fascinent jusqu’à présent. Ils me fascineront jusqu’à ma mort ! Najet Khadda m’a invité dernièrement à revisiter l’ex-atelier de son mari à l’occasion du tournage de mon documentaire Le monde selon Dib. J’ai senti l’odeur de la peinture, des pinceaux et j’ai fermé les yeux pour revoir les doigts de mon défunt ami. Ô comme c’était bleu, ocre. Ô comme c’était beau et paradisiaque ! La même chose m’est arrivée en visitant l’exposition du Mama (2). Je suis sûr que mon ami Mohamed est au Paradis, assis devant une cimaise portant une toile que ses fins doigts caressent avec des pinceaux d’ange.   Note : 1) Lieu de naissance de Khadda
2) Au Mama jusqu’au 30 juin 2011
 
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