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L'histoire des commerces fermés




L'histoire des commerces fermés
«Sabah El Kheir!», ainsi dit-on chez nous à quelqu'un qui semble découvrir ce que tout le monde sait depuis longtemps. A attendre les hurlements, contre les commerçants qui n'ont pas ouvert durant l'Aïd dans la capitale, on a l'impression qu'ils sont poussés par des Martiens qui débarquent en Algérie. Les commerces qui restent fermés durant les fêtes sont une réalité constante depuis l'indépendance. Depuis 50 ans. C'est ainsi et pour encore des années. Aucune contrainte réglementaire ne pourra changer quoi que ce soit. On a envie de dire que c'est culturel. Ou presque, puisqu'il s'agit de mouvements de population. Lors des fêtes légales, les grandes villes et notamment la capitale, se vident. C'est le reflux. Quant au flux, celui-ci a commencé en 1962. Entre le 19 mars et le 5 juillet de cette année-là et il s'est poursuivi les années suivantes. S'est-il arrêté' Pas tout a fait! Il faudrait pour cela que le «renouveau rural» que s'échine à rendre possible notre ministre de l'Agriculture, Rachid Benaïssa, réussisse. Malgré tout et même dans ce cas, le processus exige du temps. L'explication des villes désertes durant les fêtes dans notre pays est simple. Ce n'est que le résultat de l'exode rural. Avant l'indépendance, la colonisation avait poussé les Algériens hors des villes du Nord. Ce que les occupants appelaient «l'Algérie utile». Les Algériens n'avaient, à l'époque, le droit que de vivre dans le reste du pays qui l'était moins, à savoir les montagnes, les Hauts-Plateaux et le Sud. Donc le mouvement migratoire de nos populations du Sud vers le Nord s'inscrit dans un processus de notre histoire récente. C'est pourquoi le déracinement ne s'est pas encore opéré et que l'on assiste à de brefs moments de reflux qui sont autant de ressourcements. Notre urbanité n'est en réalité qu'un effet de langage. Nous portons tous en nous un capital culturel rural. On ne s'en débarrasse pas en seulement un demi-siècle. Alors, où nous situer' Comment désigner cet état de fait' Abderrazak Bouhara (Allah Y a Rahmou!) avait, pour y répondre, inventé la formule. Il qualifiait, à juste titre, les Algériens vivant dans les villes comme étant tous des «rurbains». Contraction de rural et urbain. Il n'y a dans ce qualificatif ni fierté ni indignation (mal placée) à avoir. C'est notre histoire, c'est notre patrimoine immatériel. Cette précision s'impose car il y a, ici et là, des tentatives à dénaturer cette partie de nous-mêmes. Pour d'obscures raisons psychologiques difficiles à cerner. Certains poussent même à s'inventer une descendance bourgeoise d'avant-l'indépendance alors que l'histoire nous enseigne qu'il n'y avait qu'une poignée de familles algériennes qui vivaient relativement à l'aise. C'est-à-dire qui avaient moins de soucis que d'autres pour manger à leur faim. Pas plus. Aucune famille algérienne n'atteignait le confort du dernier des colons. Hormis une dizaine dans tous le pays et à leur tête celle du célèbre limonadier Hamoud Boualem. Ceci devrait, au contraire, nous rendre encore plus fiers car en un demi-siècle et partis du dénuement le plus total, nous comptons un demi-siècle plus tard, des milliers de milliardaires et un pouvoir d'achat conséquent pour tout le reste. C'est autant de signes de développement et de progrès qu'il est utile de rappeler au moment du bilan du cinquantenaire de l'indépendance. Voilà jusqu'où peut mener la réflexion des rideaux fermés le jour de l'Aïd. Le phénomène se poursuivra les fêtes prochaines. Aucune sanction, aucune loi, aucun gouvernement ne peut stopper un mouvement inscrit dans notre histoire, dans notre patrimoine sociétal. Toutes les sociétés fonctionnent de la même manière. De l'autre côté de la Méditerranée, ce sont les «épiciers arabes» qui restent ouverts les jours fériés et tard la nuit. Nous n'avons pas l'équivalent, c'est tout!
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