Algérie

L'éternel revenant


L'éternel revenant
Quand Ouyahia parle, son auditoire pense qu'il récite une dictée. On le dit impopulaire, il ne dit pas le contraire. Il endosse et se tire. Il reste incompris en allant… très rassuré en revenant.Il n'est pas un Saïdani tonitruant et explosif. Lui, contrairement à l'autre qui vilipende des noms et bafoue la con venance politique, il use toujours d'un langage nuancé et calculé. Si l'un exige avec fermeté d'être une locomotive en obligeant l'autre d'être un wagon, lui refuse d'être l'un et l'autre en pensant se poser sur des voies parallèles menant à une unique destination. L'Algérie, sans zaâma, ni leadership. Les deux sont venus sans passage par les urnes. « Essendoug » reste un écrit, une méthode d'un centralisme démocratique disparu chez tous les partis. Ils sont en train de faire apprendre aux autres et à leurs propres militants que la grâce du seigneur ne s'obtient plus par l'urne mais par l'inspiration et le souffle du seigneur. Il ne s'est point empêché d'entonner à son retour que son parti s'opposera à « toute tentative de substituer la volonté de conclaves politiques aux choix souverains du peuple par la voie des urnes ». Là, il parle d'un autre choix, d'une autre élection, d'un autre personnage. Loin des couloirs d'un parti. Il n'est pas aussi un Benflis sérieux, menaçant et projeteur de conquête. L'homme continue ses bouts de chemin au gré de situations fort changeantes. Une fois réinvesti dans le poste qu'il a quitté, l'homme semblait emmagasiner le manque à parler. Sa langue n'était pas dans sa poche mais s'entendait. Le voilà redécouvrir tout son atticisme. Il semble être, comme toujours, en mission commandée. Flirtant avec tout le monde, embrassant différemment ce même monde, il ne constitue nullement, en sa qualité de chef de parti, une quelconque menace politique. Son retour est un bris de glace dans la politique façadière. L'homme, en fait, n'était pas apathique, ni en congé. Il laissait s'interpréter qu'il était toujours là à écouter et regarder ce qui se meut dans une actualité diversement discutée et contestée. En termes de loquacité, chiffres et volubilité, rien ne l'égalerait dans son volume de Premier ministre. Il est des moins mauvais. Néanmoins, il possédait l'usage de substances allégoriques pour endosser le rôle d'explicateur politique. N'était-ce son sourire brillant et sa frimousse qui prend de jour en jour de blancheur, toute son adresse oratoire souffrirait dans l'hésitation de ses auditeurs. Il crée l'événement en le forçant à être commenté.La politique qui se pratique est en voie de devenir une affaire de maléfice. Personne n'arrive à déchiffrer de quoi sera fait notre lendemain. On n'arrive plus à suivre les logiques qui obéissent à des déraisonnements. Malgré des indicateurs probants, des signes criards que le système est voie de mutation, l'analyse bute toujours sur ce mur de l'incompréhensible, de l'incertain et du versatile. Un plus un ne font que deux. Mais, toute la différence ne réside pas dans le résultat, mais l'élément à additionner. Car ce « un » peut se transformer par magie et spontanément en un autre chiffre, et voilà le résultat totalement faussé ! Le rapide et serein retour d'Ouyahia, la désignation de Saïdani, le recrutement des ministres dans le CC, une lettre de félicitation, pourquoi pas la virée de Hollande ; tous ces faits intervenus en même temps ne peuvent toutefois passer comme un simple et anodin hasard de calendrier. Il y a quelque chose qui se prépare. La trajectoire va vers une succession qui ne s'annonce pas mais qui le demeure. Difficile de le confirmer. Nous vivons un problème d' « unités », de nombre à additionner, pas de somme ni de résultat.C'est dans une telle conjoncture insondable que l'homme pourvu d'un long empirisme s'attelle à aller vers la rencontre d'une étoile. Il est donné pour favori, selon des études prospectives américaines. Mis à maintes fois en porte-à-faux avec le président, il avait su maintenir la case successorale toujours à son avantage. En plus des doutes qui pèsent sur sa personne, on lui attribue encore ce facile tact qui lui permet des alliances curieuses avec tout rapport de force de toute tendance. Ainsi, à chaque sensation de vent défavorable, il tient à se mettre en sécurité envers tout revers. Quand le temps ne lui sourit pas, il l'excite et met de son côté les conditions convenables à un énième amour. Il était toujours là. Il provient du creux des viscères systémiques ; là où il est né. Il semble être à l'origine de la renaissance répétitive du système lorsque celui-ci se trouvait en phase finale de condamnation. La tête était ailleurs que dans une actualité trop controversée, mais dans un avenir qu'il essaie de contraindre à son profit. Mais à sa décharge, est-il seul à manier les leviers de la gestion globale de remplacement et de succession ' A-t-il une marge de liberté dans ses actions ' Il ne le dit pas, ne le déclare pas, mais il le suggère. Son retour à lui seul vaut une première caution pour ce faire. Il résiste à tous les coups de boutoirs qui dans un sens l'amuseraient et le feraient passer dans la peau d'un mal aimé, d'un homme trop dangereux pour certains intérêts et peu défenseur pour d'autres.Il calcule en éternel professionnel l'incroyable et ultime tournant couronnant son chemin. Patient et bûcheur, le monsieur ne s'attire pas uniquement des applaudissements et des vivats. L'on sent qu'il fait tout pour qu'il s'installe dans des dispositions peu désirables. Il réveille les démons endormis, en voulant les débusquer. Quand Ouyahia parle, son auditoire pense qu'il récite une dictée. C'est justement ce côté énigmatique dans son discours politique qui fait craindre ses multiples opposants. Il se met de la façon la plus expresse dans le collimateur de détracteurs qu'il semble sciemment rechercher. Pris pour un gestionnaire usé aux approches obsolètes, comportement dans lequel il se plait, il s'en fout qu'il soit impopulaire dans ses mesures. L'essentiel, c'est qu'il persévère dans son inflexibilité budgétaire et économique, tout en critiquant ceux à qui elle profite en toute impunité.Là, sa dernière sortie en citant nommément Haddad, une nouvelle orientation vient d'être tracée pour une conception nouvelle de sa vision économique. La fortune privée reste incontournable et utile si elle est performante et transparente mais qu'elle n'aille pas envahir le noyau décisionnel. Qu'elle n'aille pas crécher autoritairement dans un nouveau monopole, ya Si Ahmed ! L'acte d'imposer, de régler toute transaction commerciale au moyen d'un chèque lorsque le montant dépasse les 500 mille dinars, arrangera-t-il ces gens ' L'on savait de qui émanaient les premières réticences. L'opacité et l'esbroufe avaient pris le dessus sur cette initiative de salubrité financière. Ce n'étaient pas les pauvres fonctionnaires qui par cumul de rappels achetaient leurs voitures qui allaient rouspéter contre une telle mesure. Ni les gens qui allaient honorer par apport personnel, le financement de leur logement LSP. Mais ce furent ces registres de commerce, sans noms ni identifiant fiscal qui par la caisse des sachets et le poids des liasses allaient s'abattre sur la promotion immobilière, l'import et le montage de charpentes. Le chèque pour eux, aurait été une mise à nu. La règle du 49/51 est une règle que l'homme a édictée en faveur de la protection de l'économie nationale. Destinée foncièrement aux partenaires étrangers, elle a engendré des vagues contestataires tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Elle est toujours sous la menace de son abolition, sinon de son « arrangement ». La peur de cet homme, la vraie dissuasion un peu tempérée par son dernier discours de réinvestiture, se trouverait donc dans ses anciennes intentions de verrouiller le système de la rapine. Depuis 2009, cette règle a-t-elle pour autant fait atténuer la voracité et exténuer le râlement des gloutons et des boulimiques des faveurs bancaires ' La concession automobile reste cependant la pire hémorragie économique de l'épargne nationale. Le surendettement que provoquent un faux luxe et un confort précaire aux ménages n'est pas sans effet d'atteindre petit à petit une situation de faillite générale et une cessation de paiement généralisée. Ceci ne rimera à rien si on est arrivé juste à remplacer une technologie étrangère par une manie financière locale.Donc Ouyahia, en revenant un peu assiégé, assagi et plus « compréhensif », serait dans un devoir historique et compatible avec ses débuts de « patriote économique » de bien vouloir contenter ceux et celles qui le soutenaient d'en bas pour « la souveraineté économique de l'Algérie » qu'il vient encore de réitérer lors de sa réinstallation. Il conserve toute la latitude de pouvoir ainsi effacer de la mémoire collective la triste ponction de salaires au lieu d'imposer les grosses fortunes alors naissantes, le calvaire des cadres dirigeants au lieu de jeter un regard dans les mécanismes de l'entreprise, l'article 144 bis et l'incrimination d'une caricature au lieu de moraliser la communication et promouvoir la liberté d'expression. Il peut, le Monsieur, se rattraper, car ses bourdes ne sont pas aussi monstrueuses que celles commises par ses « collègues » chefs de parti. Lui au moins a géré avec responsabilité des périodes difficiles, un terrorisme résiduel, une ressource asséchée. Les autres en ce moment n'en tiraient que les privilèges et les avantages induits par une telle confusion. Avec le temps, on apprend à mesurer l'impact de ses responsabilités. Il ne suffit pas de les justifier contre vents et marées mais les assumer et pleinement. Si une justification était de mise, ce serait celle du factuel, de la circonstance ou de la nécessité de ne pouvoir faire autrement. Pas plus que ça. Nulle autre argumentation n'est apte à tenir la bonne route.Le RND, consentons-le, vient de se donner encore l'occasion de parachever sa trajectoire. Il doit d'abord le faire par l'examen du degré d'engagement de ses élus. Ce qui leur manque le plus souvent, c'est un CV politique et un parcours appréciable dans la lutte partisane, quoique provenant en majorité d'un FLN métastasé. Pour plusieurs, le RND demeure une simple proéminence de l'administration ou un degré dans la hiérarchie professionnelle selon le cas des uns et des autres. A se demander parfois si ce parti dispose ou non, au sein de son élite, d'une mosaïque socialement diversifiée. Comme dans le FLN, ses membres viennent aussi des familles, du clan et de la proximité d'intérêts. Ainsi, il est et ils sont encore loin de la véritable et large société. Inversement, la situation n'est que paradoxale lorsqu'un ministre est inscrit comme militant RND dans la commune qu'il ne visite jamais. Idem pour un député venu d'ailleurs, élu dans une commune qu'il n'a jamais connue. En cas de départ ou de limogeage, le ministre « partisan » ne reconnaîtra point le parti, ni n'assistera à ses séances. Ceci n'est pas propre au RND ; le grand spécialiste de ces voltefaces demeure en évidence le parti unique. Cette pathologie s'est répandue d'ailleurs à toutes les formations politiques. Pire, des activistes agitateurs rendus célèbres par un parti, l'ont vendu pour en faire un autre, une fois leur stature bien assise.L'on a dépassé le nomadisme pour être en pleine transhumance politique. Le RND, comme l'équipe nationale, devrait retourner à l'école et aux centres de formation politique. Ouyahia ne doit pas gérer une corporation de demandeurs d'emploi politique, ni de coureurs de sièges et de préséances. Il doit avoir le désir de reproduire ses bases afin de mieux se placer dans l'échiquier national qui va se faire monopoliser par un Saidani envahissant. Ce dernier n'a-t-il pas déclaré en réponse au renouvellement de l'alliance présidentielle formulée d'emblée par Ouyahia, que son parti n'est pas un wagon mais une locomotive ' Ouyahia se laissera-t-il pour autant se faire tracter par une locomotive dont l'énergie provient en dehors de ses moteurs ' Il vaudrait mieux, en cas de force majeure, suivre ou se faire atteler par un savant fou, qu'un fou tout court, fut-il puissant. La rivalité en politique n'est pas une adversité, plus qu'elle ne se confine dans une diversité de voies et de moyens.Le RND se contentera-t-il de poursuivre une politique de compromis dans un silence fatidique et devant une situation politique pas trop reluisante ' Saura-t-il mettre en avant le sentiment d'impopularité et du vide idéologique qui secoue aussi un FLN tassé, resté aux antipodes de la démocratie et ainsi reprendre la prépondérance qui a fait de lui le délivreur et le sauveur de l'honneur ' Si ce n'était le RND, l'année controversée de 1997 aurait consacré l'anti-démocratie et préparé l'âtre d'où allaient renaître les cendres de la monstruosité décomposée. Il aurait tout de même le mérite d'avoir été, dans des circonstances pénibles, la machine qui a pu assurer le fonctionnement normal des rouages institutifs de l'Etat. Il avait de ce fait servi de pièce de rechange à un système à court de mécanique et en manque de représentativité. Actuellement, ce parti se dit très fort de par sa composante « notre rassemblement est un parti fort de près de 110 parlementaires, de plus de 6500 élus locaux, mais aussi et surtout de plus de 100 000 militants présents à travers tout le pays, et que je salue fraternellement », dixit Ouyahia le 10 juin 2015.


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