Algérie

L'assaut contre la caserne de Batna a fait vaciller l'occupant



BATNA - L'assaut contre la caserne de l'armée française, à Batna, dans la nuit du 1er Novembre 1954, a surpris l'occupant et l'a fait vaciller, se souviennent encore Beyouche Mohamed Benamor et Oucif Lakhdar Benmessaoud. Ces deux moudjahidine font partie des trois hommes ayant participé à cette attaque historique et qui sont encore de ce monde (le troisième est Djoudi Keyour).
Ces combattants de la première heure se rappellent que la sentinelle qui faisait le guet devant l'entrée de la caserne s'était enfuie en voyant arriver un groupe d'hommes armés. Le soldat en faction n'avait pas tiré un seul coup de feu, ni crié une sommation, ni encore moins donné l'alerte, rapportent les deux hommes.
"Nous n'avons pas compris son geste. Etait-ce la peur ou n'avait-il pas de munitions ' Il paraissait en tous cas ahuri car ni lui, ni les autres soldats et leurs chefs ne s'attendaient à une action aussi téméraire", témoigne Oucif, 82 ans.
Au cours d'un entretien avec l'APS, Beyouche, visiblement fatigué par le poids de ces 87 ans, jure cependant se souvenir des moindres détails de cette glorieuse nuit. "Comme si cela s'était passé hier et non pas il y 57 ans", soutient-il.
Même l'endroit de l'attaque, qu'il n'avait pas vu auparavant, il s'en souvient fort bien : "la porte de la caserne se trouvait à droite et nous nous y sommes présentés du côté gauche", précise-t-il en indiquant que les 14 combattants appartenant à son groupe, dirigé par Baâzi Ali Benlakhdar, "portaient tous des treillis de couleur kaki, ressemblant beaucoup à ceux des soldats français".
Arrêtant de temps à autre son regard sur Oucif, comme pour l'inviter à le relayer dans l'évocation de ces événements, Beyouche se redresse bien droit sur son siège et affirme que les djounoud, en fait, n'avaient pas accordé beaucoup d'intérêt au comportement bizarre de la sentinelle. Ils s'étaient directement dirigés vers le poste de police, ouvrant le feu et tuant sur le coup trois soldats et leurs deux chiens.
"Il nous était impossible de nous emparer des armes car dès les premiers tirs, les sirènes d'alarme avaient retenti de toutes parts et nous avons à peine eu le temps de battre en retraite", ajoute-t-il avant de préciser que moins d'un quart d'heure après, le centre-ville de Batna était bouclé par les soldats et les blindés. "Nous, nous étions déjà loin", dit-il avec un petit sourire.
Les deux témoins-acteurs précisent que leur groupe était divisé en deux. Neuf devaient donner l'assaut et cinq autres, parmi lesquels Mohamed Ben Nadji et Mohamed Benbar, s'étaient postés près de la route de Lambèse, à côté de l'actuel lycée Salah-Eddine pour couvrir le repli de leurs camarades vers la région d'Arris.
Le mot de passe était Khaled et Okba (deux compagnons du Prophète de l'Islam). "Nous avons alors cassé deux lampadaires pour plonger les lieux dans le noir et cacher nos mouvements", ajoutent-ils.
L'objectif : emporter les armes
Beyouche et Oucif ne cachent pas que le but assigné au groupe, lors de la réunion à Dechrat Ouled Moussa sous la présidence de Mostefa Ben Boulaïd, était de pénétrer dans l'enceinte de la caserne et de s'emparer d'armes. Toutefois, indiquent-ils, notre arrivée en retard par rapport à l'heure fixée pour l'assaut (minuit), nous avait laissés trop peu de temps pour agir".
"Le camion de Salah Benboussaad qui devait nous transporter de Dechrat Ouled Moussa vers les abords de la ville de Batna avait fait défaut et il avait fallu louer un autre camion appartenant à Bella Benkeboudj, d'Arris, à qui il a été fait croire qu'il allait servir au transport d'une famille vers un hammam à Biskra", se souviennent les deux hommes. Benmesaoud précise que le chauffeur, lui, n'était pas dupe. Il avait eu vent de l'action des moudjahidine et semblait tout excité à l'idée d'y participer.
"Nous étions descendus du camion sur les hauteurs de la ville de Batna vers une heure du matin et nous avons marché à pied sur deux km avant d'atteindre la caserne", assurent les deux moudjahidine.
A leur grande surprise, personne ne les attendait plus, ni à la fontaine des spahis, ni près de la piscine. C'est alors que d'un commun accord, ils décidèrent d'accomplir leur mission contre vents et marées. "Le peu de temps qui nous restait ne nous avait même pas permis de jeter les deux bombes artisanales que je portais sur moi", affirme Beyouche.
"Jour J" de la Révolution : "nous savions"
A l'instar des moudjahidine de la région de Kimel, le groupe était au courant de l'approche du grand jour de déclenchement de la lutte armée. Beyouche se rappelle que Adjel Adjoul, l'un des proches lieutenants de Mostefa Ben Boulaïd, leur avait ordonné de rester au village de Kimel et de ne le quitter qu'en cas de nécessité absolue, puis, le 29 octobre, il leur dévoila le jour "J".
"Adjoul nous avait ordonné, à Oucif, à Tahar Kiyour, à Djoudi Kiyour et à moi-même, d'aller à la rencontre d'un autre groupe à Djebel El-Hara, puis d'un second groupe à Tafrent Ouled Aïcha sur oued Labiodh avant de nous diriger vers la maison de Baâzi Ali Belakhdar à Hedjadj après avoir atteint le nombre de 30", rapporte encore le vieux Beyouche Mohamed Benamor.
Le 31 octobre en fin d'après-midi, Mostefa Ben Boulaïd et ses lieutenants sont venus contrôler les armes et ordonné à chaque membre du groupe de prendre son arme. Ils ont remis des chaussures et des gourdes à ceux qui n'en avaient pas et procédé ensuite à la désignation des groupes avant de les séparer. Le groupe auquel appartenaient les deux témoins comptait 14 membres originaires de Kimel et d'Ichemoul. Ils se mirent à attendre le camion qui allait les transporter vers Batna et sa caserne.
L'impact purement militaire de leur action (trois soldats français tués) était peut-être dérisoire, mais son retentissement politique fera vaciller l'ordre colonial. Les historiens français parleront de "Toussaint rouge"'.
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