Algérie

L’ancien ministre des Finances, Hidouci, avait tiré la sonnette d’alarme avant que Bouteflika ne dénonce la mauvaise politique économique



Même constat à 3 mois d’intervalle… Le président Bouteflika aurait-il lu le dernier entretien de Ghazi Hidouci, l’ancien ministre de l’Economie sous le gouvernement Hamrouche? En faisant un diagnostic sans com-plaisance sur l’état de l’économie nationale et la politique de privatisation et d’investissement telle que menée actuellement, en affirmant que la politique économique a complètement échoué, le président Bouteflika arrive à la même conclusion que l’ancien ministre. Entre l’entretien de Ghazi Hidouci publié sur un site on-ligne et le cri de détresse du président Bouteflika, trois mois à peine se sont écoulés. L’ancien ministre des Finances, qui vit depuis une décennie à Paris, avait déjà manifesté sa désapprobation envers la politique économique telle que menée actuellement par les pouvoirs publics. Dans cet entretien qui est passé inaperçu ici en Algérie, l’ancien ministre converti, aujourd’hui, en professeur d’université, avait écorché certains responsables et mis en garde «certains cercles algériens» (qui) parlent de privatisation. «Aujourd’hui, dit-il, ils donnent le sentiment de considérer qu’il n’existe d’appropriation que sous la forme de la société anonyme ou personnelle. Cette hypothèse résulte, peut-être, de la pratique décourageante des sociétés nationales des années 70. Il en résulte une compréhension erronée des enjeux et du processus de ce qui est appelé les mécanismes de marché dans la transition. Elle a entraîné en particulier la guerre à toute forme de propriété publique et, hâtivement dans l’élan, la guerre à la régulation étatique (ou sous d’autres formes collectives de coordination) des activités productives à moyen et long terme. On ne passe pas d’une forme à l’autre en empruntant, brusquement et sans discernement, aux évaluations dites de marché, surtout lorsque ces marchés n’existent pas par ailleurs. Il faut d’abord séparer dans les fonctions des anciennes sociétés nationales. Il faut mettre en évidence séparément les fonctions productives évaluables en termes de marchés, (en faisant attention à ce que la production ne s’effondre pas au passage, ce qui n’est nullement garanti)». L’ancien ministre avait aussi indiqué que l’augmentation récente des prix mondiaux, qui a amélioré la balance des payements, «ne s’est encore nulle part traduite par une manifestation d’autonomisation de la décision économique». Selon lui, le gouvernement «continue de compter sur l’amélioration des conditions d’endettement pour se maintenir à flot». Il ajoutera même que les politiques, pour l’avenir, «sont sacrifiées», laissant la voie libre à «l’exode rural, la ruine des agricultures vivrières et la privatisation sauvage des services publics de réseaux». Pour en sortir, l’Etat doit, selon lui, «être profondément transformé, d’où également l’importance stratégique du développement territorial». Enfin et concernant un risque de choc financier majeur, M. Hidouci prévoit des «déperditions et des détournements de toutes sortes (qui) peuvent se développer». Dans cette absence d’encadrements responsables, avancera-t-il, «personne ne répond à long terme pour les pertes sur les comptes d’investissement, alors qu’elles sont punissables de peines de prison par la loi. Les gérants de portefeuille sur les marchés attirent les nôtres par des numéraires ridicules à court terme pour les mener à l’abattoir ensuite». Prié de donner son avis sur l’actuelle politique économique du pays, l’ancien ministre des Finances finira par dire que même si l’Algérie a effectivement remboursé de manière anticipée des dettes au FMI, à la Banque mondiale, au Club de Paris et aux banquiers privés, «je n’ai jamais déclaré à ce propos qu’il ne fallait pas se débarrasser de ces titres. J’ai défendu l’idée d’une stratégie alternative à deux volets: -Plutôt que de rembourser des dettes accumulées quelquefois de façon illégitime et souvent pour des raisons inavouables, il vaut mieux d’abord les auditer, ce qui est valable aussi pour la dette interne, puis négocier une restructuration des dettes qui partagerait les coûts de façon moins inéquitable pour les finances publiques et les citoyens. C’était déjà ce que j’avais tenté en 90, sans pratiquement de marges, alors qu’aujourd’hui nous en avons les moyens. -Ne pas laisser passer une opportunité historique pour réduire les stocks volatiles en laissant flotter le dinar vis-à-vis d’un dollar en chute libre, construire une politique budgétaire, financière et monétaire propre pour investir sur le marché intérieur plutôt que sur un marché financier défaillant». En ce qui concerne les réserves engrangées par le Trésor algérien, M. Hidouci possède son point de vue sur cette question qui mérite d’être relevé: «On ne cesse également de se féliciter de l’accumulation d’actifs à l’étranger, constitués fondamentalement par des réserves internationales. Pour être objectif, il faut comparer le mouvement des réserves à celui de la dette interne à fort taux d’intérêt et dont il faudra bien assurer le service, qu’il faut alors déduire des réserves et aussi comparer aux dépenses utiles citées antérieurement. Le Trésor rembourse la dette interne à des taux élevés alors qu’il reçoit des intérêts de plus en plus bas pour ses placements à l’étranger, négatifs en dollars constants. Heureusement, au passage que la libre circulation des capitaux n’est pas encore à l’ordre du jour; de telles mentalités, associées au laxisme fiscal et aux taux d’intérêt élevés, produiraient les conditions de la ruine explosive du pays par les spéculateurs. Mais cette évolution n’est-elle pas annoncée? Il faut regarder de près l’endettement interne des compagnies qui investissent dans l’énergie et ailleurs et se couvrent pour l’amortissement de leurs dettes. Il faut voir ce que peut leur rapporter comme profits spéculatifs sur une année l’évolution comparée du dinar et du dollar sans qu’ils ristournent au fisc ces bénéfices». Saïd Farhi
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