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Kiosque arabe
Par Ahmed Halli[email protected]/* */On se tue, et on s'entretue même, à vous le répéter depuis des siècles : il n'y a pas de clergé en Islam, et donc pas d'intermédiaires entre les musulmans, et leur Dieu, supposé être aussi celui des autres. Comme il y a loin de la coupe aux lèvres, de la théorie à la pratique, la réalité est loin de refléter un postulat censé être fondamental, mais qui est délibérément ignoré par nos intermédiaires. Ce sont d'ailleurs les mêmes qui se plaisent à nous répéter à l'envi que l'Islam n'a pas de pape ni de cardinaux, faisant mine d'oublier que chaque État musulman est un État pontifical de fait. Au-dessus de tous ces États qui gèrent l'Islam, au nom de la Constitution, règnent, si j'ose dire, les gardiens autoproclamés de La Mecque, pérégrinant entre derricks et minarets. Le tout servi par des armées de cheikhs, guides plus ou moins inspirés qui gèrent les peurs et les angoisses spirituelles à coups de fatwas plus percutantes que les foudres de Jupiter. Avec les chaînes satellitaires diffusant le tout religieux, à longueur de journée, les cheikhs ont acquis une influence considérable, et la terreur de l'Au-delà , leur arme fatale, a gagné en puissance de feu. Les «cheikhs cathodiques», comme on les appelait avant la disparition du fameux tube, arrivent désormais à supplanter en audience et en popularité les cheikhs des villes et des quartiers.Il y a quelques jours, nous avons eu l'insigne honneur et le rare privilège de recevoir parmi nous le cheikh jordano-émirati, Youssef Wissam, imam en attente de la Grande Mosquée d'Abou Dhabi. Comme tous les visiteurs du Machrek qui l'ont précédé, il a fait l'éloge du pays, de sa beauté, et de ses beautés, puisqu'on lui a même fait rencontrer une Kabyle, en tenue d'apparat, et très comme il faut. Il est donc reparti, après avoir mis le pays dans sa poche, à l'exception de quelques grincheux, comme ceux du Hamas qui n'ont pas apprécié ses charges contre les Frères musulmans. En fin de compte, et si on excepte les fortes et attendues réserves de votre serviteur à son encontre, cheikh «Youyou» a attisé beaucoup plus de rancœurs qu'il n'y paraissait. Encore tout imprégnée de l'aura du cheikh Wissam, la chaîne Al-Nahar, qui avait organisé les détails de son séjour, a invité, le jour d'après, sur son plateau, un imam syndicaliste. Le sujet était tout autre, puisqu'il s'agissait de connaître le point de vue d'un religieux sur la situation des écoles coraniques, en particulier sur leur rôle dans notre système éducatif. Avant de se lancer, notre imam a donc prononcé les formules rituelles, qui donnent le temps de préparer ce qu'on va dire, et sans lesquelles aucun discours politique ou religieux n'est admissible.Puis, devant le journaliste interloqué et sans doute sanctionné, l'imam a dénoncé les prédicateurs étrangers qui viennent nous donner des leçons, allusion claire au commentaire de Youssef Wissam sur la «fatwa de la zalabia». Comme quoi, même si ce n'est pas la discorde annoncée par Mokri, ça lui ressemble, et cheikh Ferkous a des soutiens, jusque dans le syndicat des imams. Les auteurs de fatwas ne sont pas tous logés à la même enseigne, puisque l'un d'eux, un cheikh d'Al-Azhar, auteur d'édits non conventionnels, croupit actuellement en prison. Mohamed Abdallah Nasr, plus célèbre sous le pseudo de «Cheikh Mizou», a été condamné à cinq ans de prison, le 26 février dernier, en vertu de la loi sur la diffamation des religions. Ce cheikh, assez original, défraie la chronique depuis plusieurs années, mais il n'a jamais été inquiété, tant que ni citoyen, ou membre du barreau ne s'est avisé de le traîner en justice. Or, à force de déclarations fracassantes et de fatwas provocatrices, cheikh Mizou, considéré jusque-là comme un personnage truculent, à ne pas prendre au sérieux, a fini par inquiéter. En octobre dernier, il a jeté un premier pavé dans la mare en publiant un appel sur sa page Facebook, proclamant qu'il était le «Mehdi attendu», et dont un hadith a annoncé la venue.Il a donc affirmé qu'il était revenu sur terre pour unir les sunnites et les chiites ainsi que tous les autres peuples de la terre, et il leur demandait de venir lui faire allégeance. Quelque temps après, il a tempéré son propos en déclarant qu'il avait prétendu être l'imam attendu, juste pour unir les musulmans divisés. Par la suite, Mizou a multiplié les déclarations, plus ou moins fantaisistes, ou plus ou moins crédibles sur certains points de la Charia et de la tradition islamique. Mêlant habilement l'humour et l'érudition, il s'est acquis rapidement de nombreux admirateurs et adeptes, mortifiés par sa condamnation, comme l'attestent leurs réactions indignées. La presse égyptienne rappelle les fatwas et déclarations du cheikh d'Al-Azhar, qui l'ont conduit en prison, pour diffamation de la religion, outre sa prétention à incarner le «Mehdi attendu». Parmi les plus provocantes, on citera celle affirmant que la danse orientale, ou danse du ventre est halal, et qu'il n'y a aucun texte divin qui l'interdit. «Au reste, a-t-il ajouté, la danse est préférable à ces étudiantes portant des tentes noires qui barrent la rue Salah-Salem et détruisent des installations d'Al-Azhar.» Mizou a également décrété que le niqab était «haram», son port ne figurait nulle part dans le Coran comme une obligation, et que Dieu avait interdit que l'on dissimule son visage.Autre provocation de taille du cheikh Mizou : il a affirmé que la relation sexuelle entre un homme et une femme hors mariage n'était pas de l'adultère, mais qu'elle relevait de l'acte charnel rétribué. Mais, toujours est-il que l'avocat qui a déposé plainte contre cheikh Mizou, un certain Samir Sabri, a invoqué seulement, à l'appui de sa plainte, la remise en cause du recueil de hadiths de Boukhari. C'est le même chef d'accusation qui a valu une condamnation, pour une peine moindre toutefois, au penseur Islam Behaà'ri, après ses attaques contre ce même Boukhari. Il ne serait pas étonnant de découvrir que l'avocat en question a figuré dans la liste des personnes qui ont intenté une action en justice contre Islam Behaà'ri. Aux dernières nouvelles, cheikh Mizou aurait entamé une grève de la faim pour protester contre sa condamnation. Une pétition demandant sa libération est d'ores et déjà en circulation sur Facebook et sur d'autres réseaux sociaux. Personnellement, si on me demandait de choisir entre cheikh Youssef et cheikh Mizou, je n'hésiterais pas une seconde. Libérer cheikh Mizou, c'est retirer la main qui bâillonne les peuples d'Islam.
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