Algérie

Khelli l'bir beghtah Entre laxisme et fermeté



Entre l'autorisation tacite du président de l'APC et sa menace de recourir à la démolition des bidonvilles en «cas de pépin», il y a manifestement plus grave qu'une gestion approximative, une velléité à expédier les affaires courantes. Une cécité qui caractérise l'incompétence d'une gouvernance qui édite une loi pour aussitôt la renier selon la conjoncture. Il est en effet aisé de faire le parallèle entre la soudaine bienveillance des pouvoirs publics envers les revendeurs informels largement tolérés parce que porteurs de menaces d'émeutes et cette indulgence pour l'illégalité dans le but évident d'acheter la paix sociale. Bien sûr, il aurait fallu, dès le départ, être intransigeant vis-à-vis de ces occupants illicites qui, en un temps record, ont édifié des baraques dans l'espoir de se voir reloger à court terme.
Mais cela aurait nécessité une gouvernance solide basée sur des promesses fermes de considérer attentivement les listes des logements à attribuer, ce qui n'est pas le cas. Parce que nous le savons, le logement constitue le point nodal qui traduit le mieux la gabegie et toutes les conséquences désastreuses qui en découlent. Oued Koriche constitue l'exemple même de ces incompréhensibles tergiversations de l'autorité qui gère la chose publique et, plus grave, la société même selon la conjoncture : il y a quelques semaines, l'ambiance générale était à la fronde compte tenu de la situation de révolution qui régnait dans les pays alentour. Alors on a laissé faire, on a toléré l'édification de baraques avec l'arrière-pensée de les raser dès que les choses se tasseraient. Et en ramenant les bulldozers, on pensait que les choses s'étaient tassées, que la conjoncture était donc plus propice à moins de laxisme, plus de fermeté. Nous pouvons aisément faire exactement la même lecture concernant le commerce informel, et il n'est pas exclu que cette apparente bénédiction des pouvoirs publics ne se transforme en répression tous azimuts qui ciblerait les innombrables étals de pacotille qui jonchent les rues de nos villes. Tout est question de rapport de force, et cette population aujourd'hui ménagée par une soudaine complaisance étatique peut faire l'objet d'une sévérité retrouvée au gré du respect strict de la loi.
Et c'est ainsi, n'est-ce pas, qu'on «provoque» l'émeute, devenue le seul canal d'expression populaire. L'émeute en tant que point final de contestations moins violentes comme ces nombreux sit-in qui se tiennent partout à travers le territoire national, mobilisant toutes les corporations jusqu'aux non-voyants et aux chercheurs. S'il est établi que l'Algérie n'est ni la Tunisie, ni l'Egypte, ni la Libye, eu égard aux gouvernances de ces pays menées de main de fer durant de longues décennies, déclenchant ainsi les colères populaires, il n'en demeure pas moins qu'il existe maintenant une revendication nationale de plus de justice sociale, de revenus plus équitables et, plus important encore, de reconfiguration du paysage politique.
C'est sans doute pour ces raisons que la revendication prend de l'ampleur, et ce n'est plus devant les sièges des APC et ceux des wilayas que l'on organise des sit-in mais devant la plus haute institution, à savoir la présidence, comme ce fut le cas des enseignants contractuels qui menacent d'un suicide collectif. Cette ultime bravade signifie que les départements respectifs des différents corps de métiers ont échoué dans la gestion qui leur est dévolue. Sinon pourquoi ne pas interpeler directement le ministère de l'Education nationale auquel incombe obligatoirement le devoir de résoudre les épineux problèmes ' Idem pour les chercheurs, les gardes communaux, les non-voyants, les médecins résidents et tous les nombreux grévistes qui préfèrent recourir à l'arbitrage du premier magistrat du pays. Enfin, de quoi je me mêle ' Khelli l'bir beghtah.


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