Algérie

Journée internationale des zones humides : Menace sur le flamant rose



Abdelhakim Bouzid est enseignant chercheur à l’université Kasdi Merbah de Ouargla. Ses recherches portent sur l’étude écologique et des zones humides ainsi que sur les espèces aviennes qui y vivent.


Quels dangers guettent nos zones humides ?
Les zones humides algériennes, comme la plupart des zones humides du Tiers-Monde, sont menacées d’extinction et ne deviendront que des marécages amenant maladies, moustiques et mauvaises odeurs aux riverains. En Algérie, les zones humides sont considérées comme des zones d’épandage ou exutoires recevant les ordures et les eaux usées charriées à travers des réseaux dits d’assainissement ; le pire, c’est que quelques zones humides sont maintenant utilisées comme des décharges publiques où, quotidiennement, des tonnes d’ordures ménagères sont déversées comme c’est le cas de la zone humide de Aïn El Beïda (Ouargla) connue aussi et officiellement sous le nom de Chott Aïn El Beïda et considérée comme une zone humide d’importance internationale (site Ramsar* n° 1414 retenue le 12 décembre 2004).
Quelle définition donnez-vous d’une zone humide ?
Les zones humides sont des écosystèmes abritant une faune et une flore variées. La flore est représentée essentiellement par des halophytes ; cette végétation est une source alimentaire pour la faune inféodée à ces sites, et elle représente aussi son habitat. Quant à la faune, elle est très variée, comprenant des oiseaux, des mammifères, des reptiles, des poissons et des amphibiens.
Quelles sont les espèces les plus menacées actuellement ?
La principale classe d’animaux d’ailleurs répertoriés est la classe des oiseaux surtout les oiseaux d’eau. Les espèces sujettes à des agressions diverses (braconnage, destruction des nids, pollution du milieu, etc.) appartiennent aux Anatidae, aux Charadriidae, aux Phoenicopteridae, aux Podicipedidae, aux Ardeidae, aux Ciconiidae, aux Threskiornithidae, aux Recurvirostridae, aux Rallidae, aux Scolopacidae, aux Laridae et aux Sternidae. C’est suivant la position géographique de la zone humide que l’espèce acquiert son statut, elle peut être estivante, hivernante, sédentaire ou de passage.
Et en Algérie ?
La menace pèse beaucoup plus sur les espèces nicheuses que sur celles de passage et parmi les espèces nicheuses les plus menacées actuellement en Algérie le flamant rose, dont le seul site naturel de nidification est Sebkhet Ezzemoul (Hauts-Plateaux). Cette espèce est reconnue pour sa sensibilité aux différents types de dérangement et la nidification n’a réussi que grâce à l’intervention de chercheurs appartenant au laboratoire de recherches dans les zones humides, présidé par le professeur Samraoui Boudjema, qui ont sensibilisé les riverains tout en prenant des mesures de sécurité durant la période de reproduction.
Quel constat avez-vous établi à Ouargla ?
Au chott Aïn El Beïda (31°58’n° 005 22’E ; 6,853 ha), six espèces d’oiseaux d’eau sont nicheuses en l’occurrence l’échasse blanche, l’avocette élégante, le gravelot à collier interrompu, le héron cendré, le tadorne casarca et la poule d’eau. Toutes ces espèces prennent comme habitat la végétation qui entoure le chott à l’exception du gravelot qui est plus lié aux endroits dégagés. Les riverains exploitent cette végétation, il y en a même des espèces qui deviennent de plus en plus rares, telles que Sueada sp. ; la chasse et la destruction des nids par les enfants sont quotidiennes durant la période de reproduction ; le déversement des eaux usées représente une menace sérieuse pour cette faune vu l’appauvrissement du milieu en ressources alimentaires et les problèmes de toxicité qui peuvent y résulter ; il y a aussi ces décharges éparpillées sur les rives devenant une source de maladies pour les riverains et pour le peuplement d’oiseaux avoisinants et surtout les fumées asphyxiantes se dégageant chaque matin et pouvant y rester toute la journée.
Quelles mesures ont été prises pour les protéger ?
Les autorités de Ouargla font la sourde oreille à l’alarme faite sur le devenir de cette zone humide, même le wali (haute autorité) a été saisi par lettre recommandée lui demandant d’intervenir avant que la situation ne devienne irréversible ; mais depuis rien n’a été remarqué comme changement et la situation devient de plus en plus grave. Les autorités, les scientifiques et la population riveraine sont responsables de ce désastre et s’il n’y a pas de coordination, de rigueur et de rapidité d’intervention, toute la zone humide sera détruite et on assistera alors à un déséquilibre écologique dont les conséquences seront catastrophiques sur les humains et l’environnement.
Avez-vous un message ?
J’espère que cet appel sera entendu et que nous pourrons assister un jour à l’édification d’un écotourisme, dont une de ces constituantes sera la zone humide saine, propre et fascinante. Nous disons aux autres, laissons les zones humides dans leur état naturel et ne bouleversons pas l’équilibre naturel.
Entièrement d'accord avec Mr BOUZID ! Mais malheureusement nos autorités locales n'ont pas encore atteint l'esprit d'initiative et même quand ils sont sollicités pour la résolution d'un problème, ils ne donnent pas suite. C'est le cas des pays du Tiers Monde où les autoriés sont des exécutants et non de preneurs de décision.
CHENNOUF Khadidja - Ingénieur d'Etat en aménagement du territoire - OUARGLA
10/05/2008 - 1285

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