Algérie - Revue de Presse

«Je ne me ferai jamais au départ de mon fils»



Récit de la mère d’un harrag On parle souvent des harraga, des raisons qui les poussent à risquer leur vie, mais on oublie, la plupart du temps,la détresse des parents qui souffrent autant de la déraison de leurs enfants. En effet, que de mères et de pères pleurent le départ d’un enfant. Leur souffrance est décuplée lorsque ce même enfant est porté disparu. Une souffrance qui ne disparaît pas même si le «rejeton» arrive à bon port. Fatima est une de ces mères. Elle habite Mers El-Kébir, une commune dont les jeunes ne jurent que par la «harga», de «boté» et de programme de départ. Du balcon de son appartement, cette mère ne cesse de contempler la mer. Cette mer qui a séduit son fils «Habib» et qui a été fort heureusement tendre avec lui. En fait, la traversée de Habibo a été spectaculaire.Habib est issu d’une famille modeste. Un père retraité et une mère qui n’a jamais quitté le foyer. Une femme qui a couvé ses enfants particulièrement Habibo, son préféré. «Il a grandi. Il est même devenu un beau jeune homme, mais pour moi il est resté mon bébé. Je l’ai toujours appelé ainsi», dira Fatima qui a les larmes aux yeux dès qu’elle invoque le nom de son «bébé». «Il était sur mes pas, à chaque recoin de la maison. Il me couvrait de câlins et de bisous, mon bébé me manque tellement, je ne me ferais jamais à son éloignement». Racontant le départ de son fils, elle dira : «Un jour il m’a demandé d’aller passer la nuit chez un ami à lui, je me suis douté de quelque chose, mais je ne pouvais rien lui refuser. Le lendemain, mon fils ne revint pas, c’est alors que j’ai su qu’il était parti avec le groupe qui a pris le départ la veille. J’en suis devenue folle. Je pleurais et me lamentais sans cesse. Je me suis emportée contre mes deux autres garçons sur qui j’ai rejeté la responsabilité du départ de leur jeune frère. Je faisais les cent pas allant au balcon, parlant à la mer au loin, et lui demandant de prendre soins de mon bébé. J’étais sur des charbons ardents et ne me suis apaisée que lorsque Habibo a appelé». En effet, le lendemain, Habib a appelé pour dire qu’il est arrivé sain et sauf et qu’il se trouvait en compagnie de jeunes Marsouins qui avaient régularisé leur situation en Espagne. Pour Fatima, c’était assurément «Daâwat El-Kheir» qui veillait sur son petit. Depuis, elle regarde d’un œil bienveillant la mer qui a été tendre avec son fils. Pourtant, tout ne s’est pas aussi bien passé. Au cours de son récit, Habib raconte à sa maman qu’au large, la mer s’est déchaînée et il s’est retrouvé par-dessus bord. Heureusement pour lui, l’enfant de la côte, il était bon nageur. Il a dû lutter contre les vagues pour regagner l’embarcation. Le Bon Dieu a continué à veiller sur Habibo lorsqu’il a été pris par les garde-côtes espagnols. En fait, pour un coup de chance, c’en était un. Le policier espagnol a omis de fermer les menottes qu’il a passées aux poignets de Habib. Profitant d’un moment d’inattention des policiers, Habib prend la fuite, passe la nuit dans les bois et prend le lendemain le départ vers Alicante où il rencontre ses amis marsouins qui se serrent les coudes à l’étranger. Habib s’est rendu par la suite chez des parents à lui vivant en France. Voilà, plus d’une année qu’il se trouve en France, il n’a toujours pas régularisé sa situation et sa mère continue de souffrir de son départ et veiller à ce que ses frères ne soient pas tentés de prendre, eux aussi, le large. Habib a déconseillé à ses grands frères de faire la même chose que lui, non seulement pour le danger que représente la traversée, mais aussi pour le fait qu’être un clandestin signifie ne pas pouvoir circuler librement mais surtout connaître l’exploitation esclavagiste de l’emploi au noir. Amira B.
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