Algérie

Ils demandent l'intervention de l'Etat Des pharmaciens dénoncent les «barons du médicament»



Les pénuries à répétition du médicament a mis à nu toutes les défaillances d'un système qui a montré ses limites pour, d'un côté, maîtriser le marché et de l'autre, assurer la disponibilité de tous les produits durant toute l'année. De l'importation jusqu'à la commercialisation du médicament, plusieurs acteurs interviennent pour imposer, selon les déclarations des professionnels dans le domaine de la pharmacie, « sa loi ». Plus grave encore, ces derniers accusent ouvertement ce qu'ils qualifient de « barrons du médicament » qui sont derrière cette déstabilisation du marché. Cette dernière rupture des stocks que les pharmaciens dénoncent avec force a été la goutte qui a fait déborder le vase et pousser importateurs, distributeurs et gérants d'officines à dévoiler les dessous d'un marché régi, pourtant, par une réglementation et des lois. Or, tel que le décrivent les professionnels, le marché obéit encore à la politique du monopole et le malade qui est le dernier maillon de la chaîne risque d'encaisser, le plus, les frais d'un système considéré comme archaïque. Pourquoi cette pénurie de médicament si, du côté officiel, notamment le ministère de la Santé, aucune perturbation n'est à signaler et toutes les dispositions ont été prises pour assurer un approvisionnement permanent des officines. Rencontrés, jeudi, à la 4ème journée pharmaceutique, organisée à l'hôtel Sheraton, par le syndicat national algérien des pharmaciens d'officines (SNAPO), les participants à cette rencontre, les gérants d'officines, ont été unanimes à exprimer leur inquiétude de ne plus pouvoir satisfaire la demande des clients dans les prochains jours. Chacun parle de « dépannage auprès des confrères » pour un tel produit ou un autre, puisque n'arrivant plus à se procurer le médicament auprès des fournisseurs. La liste des produits indisponibles a augmenté de 30 à 50 médicaments ces derniers jours et risque de s'allonger encore plus, affirment les pharmaciens. Les sociétés de distribution qui assurent l'approvisionnement de 2.000 pharmacies à l'ouest ont aussi leur mot à dire à ce propos. Un distributeur, outré des perturbations que connaît le marché actuellement, estime que « si pénurie il y a, elle ne peut être que préméditée par les barons du médicament ». Il révèle, à ce propos, que l'exclusivité des marchés détenus sur certains médicaments complique davantage le problème et donne le droit aux détenteurs de ces marchés de les gérer selon leurs intérêts ». Notre interlocuteur n'est pas allé avec le dos de la cuillère en accusant les importateurs de faire dans la concomitance avec les fournisseurs. « Nous sommes obligés », dira-t-il, « de prendre d'autres médicaments lorsque nous faisons une commande. C'est à prendre ou à laisser. Nous n'avons pas le choix ». Cette pratique est devenue courante et contrarie énormément nos accords avec les clients. Pour résumer la situation et décrire le marché tel qu'il se présente, ce distributeur revient des années en arrière pour faire une comparaison avec les anciennes galeries qui étaient envahies lorsqu'une rumeur sur la pénurie d'un quelconque produit alimentaire faisait le tour de la ville. « La même situation se reproduit actuellement pour le médicament. On crée la pénurie pour déstocker tous les produits et écouler ainsi la marchandise facilement en nous imposant toutes les règles. Nous obéissons à ces règles du jeu de peur d'avoir une rupture de stock ». Pour ce professionnel, la situation est dramatique du fait que la liste des médicaments non disponibles est plus étendue que celle des produits disponibles au moment même où on annonce une augmentation de la facture de 600 millions de dollars à 1,2 milliard de dollars. « Une telle hausse de la facture devrait généralement signifier que la population a doublé. Or ce n'est pas le cas et cette hausse n'est pas expliquée ». Le remède à ce problème réside, selon ce distributeur, dans la lever du monopole et l'ouverture du marché à des sociétés de l'ouest, centre et est pour approvisionner ces régions sans avoir à répondre au diktat des détenteurs de l'exclusivité du marché. La facture va diminuer ainsi de 50 % sans le générique ». Evoquant la politique du générique mise en application par le ministère, le même interlocuteur estime qu'elle est vouée à l'échec, puisque même pour le générique, les règles du jeu ne sont pas claires. Quant au président du SNAPO, M. Abed, rencontré à la 4ème journée pharmaceutique, il se montre pessimiste sur cette dernière évolution du marché du médicament et lance un appel aux pouvoirs publics d'intervenir pour réguler le marché. Il confirme, pour sa part, que « cette crise est due aux barons de l'importation qui continuent à faire la loi et le ministère ne réagit pas ». Le premier responsable du SNAPO révèle que « les stocks sont épuisés à tel point que nous, pharmaciens, nous nous échangeons les produits par taxi. Nous avons avisé le ministère, la direction de la pharmacie de cette situation et rien n'a bougé. C'est le blocage ». Evoquant la nouvelle loi sur l'augmentation du taux d'importation du générique à 45 %, le même responsable considère cette décision ambiguë, car elle va à contresens avec la politique de l'encouragement de la production locale appliquée par le gouvernement. « D'un côté, on veut renforcer la fabrication du médicament et de l'autre on la casse en augmentant le taux d'importation des génériques. Il y a confusion ». Pour remédier à cette situation, les professionnels demandent l'intervention de l'Etat pour réguler ce marché qui est désormais livré à lui-même.


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