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Il était une fois : un village colonial, des fontaines, des hommes, des bêtes



Il était une fois : un village colonial, des fontaines, des hommes, des bêtes
Il était une fois : un village colonial, des fontaines, des hommes, des bêtes

Il n’y pas si longtemps, hommes, blancs et gris, animaux de toutes les couleurs et de toutes les espèces, vivaient apparemment en paix dans un village colonial qui avait les pieds au frais, dans les vagues d’un lac de paix nommé Méditerranée et la tête dans les nuages des monts Dahra. Ce petit bourg colonial se nomme Gouraya. Il se trouve à environ 120 km. à l’ouest d’Alger.

Il était équipé : d’un hôpital, d’une clinique, d’une marie, de deux écoles, une pour garçons et une autre pour les filles, d’un port. Il est traversé par une route nationale numéro 11, impeccablement goudronnée et richement bordée de platanes, qui relaie Alger à Ténès. Ce village était habité par une dizaine de roumis. Parmi eux : 5 petits vignerons, deux boulangers, deux gendarmes, un garde-forestier, un artisan maçons, un artisan peintre en bâtiment, des pêcheurs maltais. A partir de 1950, les écoliers indigènes, garçons et filles, étaient largement majoritaire. Les autochtones étaient beaucoup plus nombreux. Tout le monde semblait vivre en paix.
Ma tribu montagnarde, spoliée de ses terres dès 1830, qui survivra à plusieurs tentatives de génocide et autres violences coloniales entre 1830 et 1850, les rares survivants trouveront refuge dans l’arrière pays de Dupleix, Damous actuellement. Plus tard, vers 1890, suite à une querelle familiale, mon ancêtre patronymique, Sidi Benyoucef, sera chassé de sa tribu par son père, par Sidi Abderrahmane. Il s’installera sur le versant ouest de la Valée de Kellal, à environ deux kilomètres à vol d’oiseau du bourg colonial, dans ce qui va devenir le douar Aghzou-Yettou, soit une dizaine de foyers en 1954.

Entre 1945 et 1953, pour cause d’insubordination à l’administration coloniale, notamment à sa maréchaussée et à son caïd, mon père, N. Djelloul, avait fait l’objet de plusieurs arrestations suivies de maltraitances, de condamnations à des peines de prisons fermes, d’interdictions de séjours et à de lourdes amendes pécuniaires.

Pour survivre et faire survivre sa petite famille, mon père exercera une multitude de métiers : chasseur cueilleurs, ouvrier agricole, artisan cordonnier, artisan maçon et maraîcher.

Dès l’âge 10 ans, à dos d’âne, je livrais des fruits et légumes à certains commerçants indigènes du village. Très vite, j’avais remarqué qu’en me rendant au marcher, bien que surchargé, mon âne allait toujours gaiement, en trottinant à vive allures et en tambourinant la piste de ses quatre fers. Tandis que léger, sur la piste du retour, il était toujours triste et ralentissait son pas. Ce mystère m’a hanté pendant plus de 45 ans avant d’en comprendre son sens.
En effet, en janvier 1990, en me rendant au bain, je lisais sur une ardoise d’école affichait à son entrée : « Pas d’eau douce. » J’ose quand même franchir le seuil de l’établissement et commande un ticket. Tandis qu’avant de satisfaire ma demande, le gérant me rappelle qu’il n’y avait pas d’eau douce. Je lui confirme ma commande. Une fois sous la douche, je constate que mon shampooing et mon savon refusaient de mousser.
C’est alors que je me suis remémoré de mon âne, médité sur les causes de ses joies et sur peines d’antan. Au temps des « Koffar », Jusqu’à 1962, le village de Gouraya, sans doute comme tous les autres villages d’Algérie, leurs entrés étaient dotés d’abreuvoirs sur montés de robinet qui coulaient 365 sur 365 et 24 heures sur 24. Les hommes et leurs bêtes pouvait étancher leur soifs, se laver, se rafraichir. En lieu et place des points d’eau de jadis, je constate la présence d’un tas ordures où pullulent d’énormes rats et d’où se dégageait une odeur nauséabonde.

A l’eau tantôt boueuse tantôt stagnante de l’oued Kellal, j’avais remarqué que mon âne préférait l’eau limpide et fraiche des fontaines de roumis.

Est-ce là la seule source de son bonheur ? Je me suis également souvenons que les jours du marches, les mercredis, il y avait toujours autour des abreuvoirs d’autres animaux : moutons, chèvres, vaches, ânes et ânesses, qui attendaient leur tour pour étancher leur soif. Vu que mon âne était haut sur pattes, musclé, arborant fièrement sa robe gris-argenté, toujours en chaleur pendant le période des amours, il était souvent sollicité par des propriétaires d’ânesses pour des saillies reproductrices. Parfois même il y allait sans y être invité.
Le FLN nous empruntait souvent l’animal endurant pour transporter différents produits alimentaires ou matériel de sabotage des pistes, des lignes téléphoniques et électriques. Un jour de 1957, alors qu’il transportait des pelles et des pioches, il a été repéré par un T26 (avion jaune) qui l’avait pris pour cible et tué de plusieurs balles de calibres 12/7.
L’Algérie de 2.300.000 km2, de 1200 km de côtés autrefois très poissonneuses, pays agricole par excellence, doté de ressources naturelles : gaz, pétrole, fer… confortables. Je pense, mon âne aurait pensé également, que dirigés par des hommes et des femmes compétents et honnêtes, les algériens, hommes et animaux, vivraient au moins aussi heureux dans leur pays que leurs congiaires et voisins, tunisiens et marocains à qui Allah a épargnés de ses malédictions, du gaz et le pétrole.

Heureux les martyrs qui n’ont pas vu : Alger la Blanche transformée en décharge et ses hôpitaux en porcheries…


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