Algérie


Le droit de recommencer fonctionne toujours avec ses vieilles astuces, son scénario éculé. Le bleu de nos cieux est chanté. Le miroir azuré de nos rivages loué à satiété. En chaque période estivale, la pensée vagabonde et forme des songes via le tube cathodique. Des images langoureuses, lustrées et mielleuses fusent à volonté de la lucarne magique pour inciter la grande masse à investir les espaces de loisir et de détente qui s?offrent sans retenue ni parcimonie. Il suffit de se rabaisser et de recueillir l?ample moisson. L?Etat providence veille sur tout et assure des sinécures à bon marché. C?est du moins ce qu?on laisse croire. A l?allure où vont les choses, on se fera un devoir de décréter le pain gratuit en ces lieux marqués du sceau de la féerie. De pleines pelletées de décors admirables, des plages au sable fin, des forêts luxuriantes, des mets appétissants, des estivants qui roucoulent devant l??il de la caméra. Le bonheur est total. C?est le village Potemkine. Grandeur nature. Bien évidemment, le dessus et les dessous sont évités. Tout ce qui chavire et tangue est occulté. On ne parle jamais du coût d?un tel farniente. Le citoyen lambda peut-il s?autoriser un séjour aussi confortable sans se ruiner ? Ce sont là des considérations secondaires qui altèrent l?atmosphère et perturbent l?harmonie. La lucarne ne pipe mot. Motus et bouche cousue. Le filtre cathodique donne corps aux plus hauts délices tout en éludant des impératifs aussi vieux qu?une ruelle. Seule compte la période des ferveurs et des ivresses cousues main. L?idylle bat son plein. Et on prend tout sur la gueule. Le pouvoir d?achat ? Une invention d?aigri. Le tourisme à deux vitesses ? Une lubie de scribouillard atrabilaire. L?information « cocorico » balaie tout sur son passage. C?est un péché mignon qui tourne au leurre sans s?en apercevoir. Le roi est nu mais il refuse de l?admettre. L?avenir pourtant reste ouvert pour miser sur le bon sens. L?utopie n?étant jamais probante.
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