Algérie - 08- La guerre de libération

Guerre d’Algérie, Gloire et décadence des maquis : opération Saadouna (1ère partie)


Mon modeste témoignage sur la guerre d’Algérie (1954-1962) se limite à la zone IV de la wilaya IV, à l’arrière pays de Gouraya, département d’Orléanville à l’époque des faits et actuellement de Tipaza.
Je tiens à préciser que cette zone a été investie par les nationalistes algériens à partir de juin 1956, à la veille de l’Aïd el Kébir. Pour la culture dominante des tribus des monts Dahra, la présence du colonialisme français était limitée dans le temps. Son reflux et la libération de l’Algérie étaient donc irrésistibles.
A la veille de l’Aïd el Kébir de 1956, vers deux heures avant le coucher du soleil, un groupe d’hommes du douar Aghzou-Yettou se hissent sur la terrasse de leur « Djémaa » (maison commune) pour jouer aux apprentis astronomes, pour observer le ciel dans l’espoir d’y voir briller le nouveau croissant de lune annonciateur de l’Aïd al Kébir. De mémoire des anciens, le croissant de l’astre de la nuit n’a jamais été observé avant d’être annoncé par le « Berrah » (crieur public), par un certain « 18 », par un non-voyant.
Parmi les apprentis astronomes deux vétérans de la guerre d’Indochine et un jeune appelé encore sous les drapeaux. En permission, ce dernier avait introduit le tout premier poste de radio à transistors, qui était toujours calé sur «La voix des arabes du Caire. » Les tribus de la région étant berbères, analphabète bilingue, ne comprenaient ni l’Arabe ni le Français, cependant l’orateur, un certain Aissa Messaoudi, enflammait littéralement ses auditeurs.
Rumeurs et bruits de bottes. Les fellahs et les bergers des monts Dahra étaient largement informés et de la désastreuse défaite de la France contre les nazis en juin 1940 et de sa cuisante déculottée de mai 1954 dans la cuvette de Diên Biên Phu contre les : «Viêts » (Indochinois).
A Gouraya, « Le Bois Sacré », la résidence d’Eté du gouverneur d’Algérie est investie par le 22ème RI (régiment d’infanterie). Bientôt, le lieutenant Jean Lacoste, le patron du 2ème bureau deviendra la terreur de la région.
Le nez dans les étoiles, les oreilles au Caire, les débats des apprentis astronomes roulent sur les rumeurs d’une arrivée éminente d’une nouvelle génération d’algériens aux pouvoirs magiques. Selon des croyances locales, les moudjahidin posséderaient des amulettes qui les rendaient invisibles à l’ennemi. Donc invincibles. Et des gris-gris qui les protègent également du mauvais œil et du courant électrique. Ils auraient également le pouvoir de se métamorphoser, selon les circonstances : en mouton, en chèvre, en champ de blés, en rocher, en arbre, etc.

Tandis qu’un convoi militaire composé d’un half-track, de deux GMC et d’une jeep PC, remonte le lit de la vallée de Kellal jusqu’à ce que les gorges d’Izerouan lui fassent barrage. Il stoppe. Il déverse sa cargaison de soldats. Dès pied à terre, ces derniers se mettent à crapahuter, au pas de courses, le versant Est de la vallée de Kellal. Ils se dirigent droit vers le plateau de Saadouna. Le trajet accident d’environ 1000 mètres est tantôt boisé tantôt ponctué par des clairières. Le soleil décline rapidement en virant au rouge-sang. Distant d’environ deux kilomètres à vol d’oiseau, de leur observatoire, les apprentis astronomes suivent l’évolution des soldats ennemis grâce aux scintillements au soleil couchant des parties métalliques de leurs armes.
Arrivés essoufflés à leur destinations, les visiteurs sont accueillis par un feu nourri de fusils de chasse chargés de chevrotines. La mitraille va durer environ un quart d’heure avant d’être suivie par un lourd silence.
Environ une heure après la fusillade, plusieurs ambulances frappées de la croix rouge, des GMC chargés de tirailleurs sénégalais remontent la même vallée jusqu’aux mêmes gorges, déversent leurs cargaison. Les tirailleurs africains empruntent le même itinéraire que celui emprunté une heure auparavant par leurs prédécesseurs blancs. Arrivée au plateau de Saadouna, les nouveaux arrivants sont accueillis par un feu nourri non pas de fusils de chasse mais par des armes de guerre automatiques et semi-automatiques.
Le lendemain matin, dès le lever du jour, des jeunes indigènes de la vallée de Kellal, qui guettaient l’occasion de prendre les armes pour découdre avec leur arrogant ennemi, se précipitent vers Gouraya pour s’informer sur les fusillades de Saadouna. De vallée de Kellal pour se rendre à Gouraya, il fallait traverser la base militaire du « Bois-Sacré. » Une dizaine d’entre ces jeunes, parmi eux mon frère N. Mohamed et un voisin, Y. Ahmed, seront raflés, embarqués à bord de camion militaires et dirigés vers le cimetière chrétien de Gouraya pour y creuser des tombes. La mémoire locale a retenu que six soldats métropolitains, des sans familles, y ont été enterrés et vingt-deux tirailleurs africains y ont été incinérés dans leur cercueil. Selon la même mémoire, d’autres cimetières de la région avaient reçu leur lot de dépouilles de soldats métropolitains, toujours des sans familles et des tirailleurs d’africains incinérés dans leur cercueil. Quant aux soldats métropolitains qui avaient des familles leurs dépouilles auraient été rapatriées en Métropole.
Dès l’aube du jour suivant, la vallée de Kella fera échos aux vrombissements de deux avions militaires, un Piper, dit « Mouchard » et un T28, dit « Avion jaune. » Le premier fait du repérage et le second plonge en mitraillant les maquis suspects et remonte en larguant des bidons de Napalm. Cet évènement qui a fait au moins 50 morts dans les rangs de l’armée coloniale, blancs et africains, n’a été rapporté, du moins à mon humble connaissance, par aucun des quelques 4000 livres historiques consacrés à la guerre d’Algérie. Pourquoi ? Nous tâcherons de répondre la prochaine fois.


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