En ce mardi 8 Mai
1945, la manifestation pacifique fut stoppée par le sinistre sous-préfet André
Achiary, en costume blanc et entouré de ses policiers en armes.
La porte drapeau
est abattu et le temps s'est arrêté de s'écouler un moment avant de voir
l'emblème national ressurgir et brandi de nouveau. Cette réaction violente par
les armes allait être le commencement d'une répression sauvage méthodiquement
orchestrée par la police, la gendarmerie, l'armée, soutenues par des milices de
800 colons armés. L'entreprise criminelle s'était traduite par des exécutions sommaires
des assassinats, des meurtres, des enfumades et des exactions sans discernement
sur la population musulmane de Guelma et sa région. Dans les campagnes, la
soldatesque coloniale ratissait, bombardait, pillait, incendiait, violait et
tuait en toute liberté, sans témoin, atteignant en somme le fond de l'abjection
dans cette répression bestialement raciste où, pendant des semaines, rien ne
sera épargné à la population civile désarmée.
Dans cette féroce
campagne de terreur d'Etat, qui fit des dizaines de milliers de victimes
qu'aucune comptabilité macabre n'arrivera jamais à dénombrer avec exactitude,
l'horreur avait atteint son paroxysme de violence psychotique, homicidaire et
irrationnelle avec ses expéditions punitives meurtrières, sous l'impulsion d'un
tribunal de salut public dirigé par les responsables politiques locaux.
Au début de
juillet 1945, un relatif retour au calme a été observé, et c'était le temps des
constatations et des justifications. Les massacres étaient choquants et
extravagants. Le pouvoir central de l'ordre colonial savait que sur le nombre
des victimes de ces massacres, plus d'un cinquième (1/5) ont été perpétrés sur
la population de Guelma et sa région reconnue comme paisible et innocente. Pour
cela, les enquêteurs du gouvernement et des partis politiques envoyés sur les
lieux avaient été instruits de prendre la mesure de ce qu'il fallait cacher.
Il fallait coûte
que coûte semer le doute et nier même les évidences sur l'odieux massacre des
populations musulmanes à Guelma, en maquillant les vérités par un hypothétique
complot nazi inspiré de l'étranger. Pour les politiques, le crime ordonné par
le «boucher de Guelma» était inexplicable et injustifiable, à telle enseigne
qu'il fallait parvenir à tromper l'opinion publique française et
internationale.
L'Office of
strategics services (OSS), une agence de renseignements US, avait émis un
rapport décrivant la panique du pouvoir colonial en ces termes : «les autorités
françaises sont honteuses de la sévérité des représailles et ne veulent pas que
le monde extérieur connaisse la vérité» (n°346/45 du 25.07.1945). Les
Américains et les Britanniques en Algérie étaient en contact avec des militants
nationalistes et savaient que les manifestations du 08 Mai 1945 étaient d'ordre
politique et pacifiste, fêtant la victoire sur le nazisme en brandissant les
drapeaux des alliés avec leur propre emblème national, nourrissant beaucoup
d'espoir dans la tenue de la conférence de San Francisco qui allait proclamer
l'indépendance de l'Algérie. Dans un pragmatisme avéré, les activistes du
mouvement national algérien avaient su ancrer son parterre de militants dans le
creuset nationaliste foncièrement établi à Guelma, et si l'ordre colonial avait
versé dans la folie meurtrière pour décapiter toutes les tentations
indépendantistes, il n'avait fait que précipiter sa désintégration dans une
fuite en avant.
En 1947, tout en
pansant les blessures de cette entreprise génocidaire, Mohamed Boudiaf, Larbi
Ben M'hidi et Brahim Chergui se sont retrouvés dans une école coranique à
Guelma pour installer une cellule de l'Organisation secrète (OS). Le combat et
la lutte contre le colonialisme n'ont jamais été interrompus et l'état de
rébellion était permanent face à l'oppresseur. Aujourd'hui, l'on subit encore
le déni de droit à la vérité à travers l'arrogance de la France officielle qui
tourne le dos à son passé colonial, accentuant le mépris jusqu'aux lois
amnistiantes, la réhabilitation de l'OAS, le refus d'accès aux archives et
l'Apologie du système colonial oppressif. Hier, l'on effacait les traces du
Génocide identitaire et du crime contre l'humanité avec les mains éclaboussées
de sang d'innocents des Chataigneau, Tubert, Duval, Tixier, Lestrade-Carbonnel
et Achiary, entre autres. Aujourd'hui, l'on se remet dans l'air du temps avec
des salbes de l'on se remet dans l'air du temps avec des salves de propos
ajustés à la gesticulation et une valse de visites pour tenter d'effacer la
mémoire en troublant les activités dans la multitude d'ateliers de recherches
scientifiques organisées périodiquement par l'Université du 08 Mai 1945 comme
si on lui conteste son nom de baptême qui dérange.
Au Colloque
international sur les massacres du 08 Mai 1945 à Guelma, afflue un aréopage
d'éminents historiens, juristes et universitaires nationaux et étrangers pour
disséquer à coeur ouvert ce crime contre l'humanité et ce génocide de la France
coloniale, dans le but d'éveiller les consciences dans un devoir de mémoire.
Comme en 1945, et à travers ce colloque, Guelma retient l'attention et l'intéressement
au point d'être ciblée par l'agenda diplomatique hexagonal. En visite sur les
lieux le 22 avril 2008, l'ambassadeur Bernard Bajolet (converti quelques jours
après en responsable des R.G. Français) avait fait dans la double détente sur
le front mémoriel franco-algérien en évoquant, certes pour la première fois,
l'expression «d'épouvantables massacres» ce qui est en l'espèce une
reconnaissance dans la qualification de la répression des manifestations
pacifiques d'alors, mais la pesante mémoire avait inspiré aussi une sémantique
recherchée pour cataloguer délibérément les victimes algériennes d'une
«communauté» ou, encore, conclure «que le temps de la dénégation est révolu»
alors que pour la repentance pour ses crimes coloniaux, la France s'éternise
sur «l'intention» de le faire.
En fait, les
travaux de ce colloque vont continuer à avancer dans la recherche historique
vers une plus juste mémoire, et aucun anathème insolent ne parviendrait à
dévier le cours imperturbable de l'Histoire, où la mémoire collective demeure
irréversible.
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Posté Le : 09/05/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Menani Mohamed
Source : www.lequotidien-oran.com