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Gardiens de parkings anarchiques «en attendant que l'Etat bouge!»



Gardiens de parkings anarchiques «en attendant que l'Etat bouge!»
Depuis au moins une quinzaine d'années, des jeunes (et des moins jeunes), sans travail fixe pour ne pas dire carrément sans travail, se sont octroyés un droit absolu de prendre possession de grandes parties de rues pour en faire desparkings. Des parkings anarchiques payants. Au moins 50 DA la place pour une durée de deux heures au maximum. Quand cela dépasse les deux heures, le prix passe à 100 DA. La pièce de 50 DA ou de 100 DA est remise au gardien du parking, sans mot dire, dans la plupart des cas. «Les gens sont simplement fatigués. On n'y peut rien.Ils imposent leur loi et l'Etat ne fait rien, soit pour légaliser et donc réguler l'activité, soir pour assurer la protection des automobilistes», affirme, résigné, un employé d'un établissement public à Alger. Et ce dernier d'insister sur l'absence de l'autorité publique et, pire encore, de la force publique pour justement assurer la protection des biens (véhicules) et des individus : «Si tu ne payes pas, tu risque de trouver ton véhicule, lelendemain, dans un état des plus déplorables. C'est leur manière d'agir. Et encore, c'est gentil quand ils ne font que ça! En effet, beaucoup n'hésitent pas à recourir à l'arme blanche pour menacer celui qui ne paie pas et, dans certains cas, ils passent à l'acte. La police ne fait rien contre cela. En plus, un grand nombre de ces jeunes sont des drogués, tu ne peux pas parler avec eux, aucune communication n'est possible avec eux.» Ce n'est pas faux mais ce n'est pas totalement vrai, répliquent d'autres. «Ce ne sont pas tous des drogués et des voyous! Il y a beaucoup de garçons posés et communicatifs parmi eux. Ils sont au chômage. Ils sont sans travail, sans perspectives d'avenir. Il faut les comprendre ces jeunes. Ce n'est pas de leur faute s'ils ne travaillent pas. Ce n'est pas de leur faute s'ils souffrent autant de leur situation sociale. Il faut bien qu'eux aussi mangent et vivent... », nous dit un homme, la cinquantaine.Pour ce dernier, le mieux est de légaliser cette activité : «Il faut absolument aller vers la légalisation de ce travail. On étouffe sous le poids des véhicules et on ne trouve pas où stationner. C'est un calvaire le stationnement à Alger, et certainement dans d'autres villes du pays. C'est encore plus angoissant de devoir aller au marché, chez un médecin ou autre. Il n'y a plus de place où stationner et il y a aussi cette inquiétude de trouver sonvéhicule cabossé après l'avoir quitté quelques minutes. Je pense donc que le mieux est d'aller vers la reconnaissance officielle de ces parkings et organiser le métier du moment que cela devient un métier...». Pour lareconnaissance officielle, ce serait une contrevérité de dire le contraire. Les parkings anarchiques sont encore plus présents autour des sièges des APC (collectivités locales), daïras et wilayas, de même que les commissariats de police, les banques qu'ailleurs.Ni ces autorités publiques ni le simple citoyen n'osent défier ces jeunes qualifiés, à haute voix, de voyous, de drogués et d'hors la loi, alors qu'ils sont secrètement soutenus et encouragés.Le citoyen est révolté par le fait de devoir payer au moins 50 DA chaque fois qu'il stationne son véhicule mais, au fond, il est convaincu que l'erreur n'incombe pas entièrement à ces jeunes traités de tous les noms. «Tout est la faute de l'Etat. Un Etat complètement absent et défaillant. Nous assistons à de nombreux phénomènes dans notre société et tous ces phénomènes ont des raisons d'être, tous doivent avoir une explication sociologique, psychologique et autre. Tout a une raison d'être dans une société qui peine à retrouver ses repères et, pire encore, à se reconnaître sur le plan individuel et collectif. Si ces jeunes agissent de la sorte, c'est qu'il y a des raisons bien précises à ces comportements. Il ne faut pas les juger, il ne faut pas les condamner mais les comprendre et les orienter. Tout le problème est là», accusent certains. Aussi, poursuivent-ils, «pour résoudre ce problème de chômage, rien n'est fait, malgré les discours officiels, afin de créer un emploi stable et gratifiant pour tous ceux qui en sont demandeurs. Les responsables politiques du pays n'arrêtent pas d'affirmer la nécessité d'encourager la production nationale et de réhabiliter tout produit fait localement par le passé. Des mots sans suivi réel sur le terrain». En attendant, ces mêmes jeunes se débrouillent comme ils peuvent et surtout comme ils savent pour s'en sortir. Ils recourent au «chantage», à la «menace», au «mensonge»...et autres. C'est leur langage à eux face à un pouvoir politique qui semble fermer toutes les portes du dialogue. Même ceux considérés comme étant l'élite du pays censée jouer le grand rôle d'orienter, d'éclairer et encadrer les citoyens, sont défaillants. Ces élites s'en défendent arguant l'absence d'une société civile consciente et active. Une société civile «demandeuse d'élite». Une position «mesquine» de la part de ceux dont le rôle principal est justement de faire naître l'engagement absolu de tous les citoyens dans un projet de société qui servira et l'individu et la société. Quand à l'Etat, son rôle est de réguler, rien de plus. Si l'élite peine à trouver ses repères, qu'adviendra-t-il alors du simple citoyen' Le mal est plus profond qu'on ne l'imagine. L'autre défaillance de l'Etat, pour en revenir à cette histoire de parkings, réside dans son projet de réalisation de parkings gérés par ses services. Au moins une dizaine de grands parkings ont été annoncés dans certaines communes de la wilaya d'Alger. Ils tardent à se concrétiser. L'APC d'Alger-centre a essayé d'innover en installant des machines tout au long de la rue Ben M'hidi, à la place des gardiens non reconnus. L'automobiliste introduit les pièces de monnaie (20 DA l'heure) et la machine lui remet un ticket prouvant qu'il a bien payé sa place. Les machines sont à leur place mais elles n'ont été utilisées que par certaines personnes étrangères au lieu. «Il n'y a que vous qui utilisez ces machines, laissez tomber, les riverains ne sont pas d'accord», lance un jeune, à l'adresse d'une dame qui a trouvé l'idée de mise en service de ces machines «assez intéressante pour tout le monde». Pour tout le monde, c'est trop dire ! C'est clair, cela n'arrange aucunement les jeunes gardiens. A chacun ses raisons, à chacun ses arguments. Une chose est sûre, beaucoup de citoyens, principalement les automobilistes qui se considèrent les premières victimes de cette anarchie, incriminent plus les pouvoirs publics que les jeunes qui exercent illégalement ce travail. Pour ces mêmes citoyens, la responsabilité de l'Etat est totalement engagée. En attendant donc que «l'Etat bouge» pour apporter les bonnes solutions, le jeune «en mal de repères», et surtout sans travail, est autorisé à «travailler pour survivre».K. M.




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