Algérie

FRAUDE ET ESCROQUERIES À L'ASSURANCE Les compagnies nationales comptent agir



Confrontées à la fraude importante, à des litiges commerciaux et au non-versement des primes d'assurance, les compagnies d'assurances nationales réagissent, en décidant notamment de ne plus traiter avec les assurés auteurs avérés d'escroqueries à l'assurance.
Chérif Bennaceur - Alger (Le Soir) - La fraude à l'assurance notamment automobile prend de l'ampleur en Algérie. A l'occasion d'une rencontre organisée hier à l'hôtel El Aurassi sous l'égide de l'Union des assureurs et réassureurs (UAR), le président-directeur général de la Compagnie algérienne des assurances de transport (CAAT) a estimé que les affaires considérées comme douteuses représentent quelque 20%, des proportions «incommensurables ». Selon Abdelkrim Djaâfri, la fraude à l'assurance atteint au niveau mondial des proportions de 10 à 25%, notamment en Afrique. Certes, un dispositif de lutte contre la fraude à l'assurance existe en Algérie avec l'institution depuis plusieurs années de l'Agence de lutte contre la fraude automobile (ALFA). Lancée sous l'impulsion des pouvoirs publics et l'égide de la Société nationale d'assurances (SAA), la CAAT et la Compagnie algérienne d'assurances et de réassurance (CAAR), cette agence effectue des enquêtes sur la base des dossiers de sinistres soumis par des compagnies d'assurances publiques et privées.
Un millier de dossiers douteux !
Si des assureurs suspectent des cas de fausses déclarations ou de surévaluation du montant des indemnisations et autres dysfonctionnements, elles soumettent les dossiers suspects à l'ALFA qui diligente des enquêtes. Informées, les compagnies d'assurances prennent des mesures en conséquence, s'agissant de la régularisation des dossiers ou le recours à la justice. Dans ce cadre, la compagnie d'assurances privée Alliance Assurances a soumis à la société, durant le premier trimestre 2012, une vingtaine de dossiers dits douteux. Sur ce nombre, seize ont été identifiés comme frauduleux selon le président- directeur général d'Alliance Assurances, Hassan Khelifati. Un nombre d'affaires douteuses important, selon le président de l'UAR, Amara Latrous, évoquant l'existence d'un millier de dossiers suspects recensés depuis des années. Et cela même si le dirigeant de l'UAR rappelle que les compagnies nationales ont pu économiser un montant de 500 millions de dinars, durant les cinq dernières années grâce à la vigilance notamment.
Le paiement des primes, une obligation !
Autre problème auquel sont confrontées les compagnies d'assurances, le non-versement des primes lors de la souscription, une pratique assez répandue dans le secteur même si aucune estimation n'a été avancée. A ce propos, le premier manager d'Alliance Assurances a évoqué l'opportunité de légiférer, dans le cadre des réformes engagées dans le secteur. Il s'agit fondamentalement de rendre obligatoire le versement des primes lors de la souscription, en adaptant le code CIMA maturé en avril 2011 lors de la Conférence interafricaine des marchés d'assurances (CIMA). Ainsi, les assureurs ne pourront pas assurer, souscrire un contrat d'assurance dont la prime n'est pas payée ou renouveler un contrat d'assurance dont la prime n'a pas été payée, sous peine de sanctions.
Tout auteur d'escroquerie, persona non grata
De même, les compagnies d'assurances sont confrontées à des cas d'escroquerie avérée ou potentielle par des tiers. Des affaires de ce type sont traitées par la justice et concernent tant le secteur public que le secteur privé, relève le président-directeur général de la Caisse nationale de la mutualité agricole (CNMA), Kamel Arba, rétif, néanmoins, à se prononcer tant que les instances judiciaires n'ont pas encore tranché. Rétif, le P-dg d'Alliance Assurances l'était également car tenu à la réserve d'autant qu'une affaire de ce type l'opposant à un opérateur économique privé est en cours de procédure judiciaire. Soucieuses de laisser la justice suivre son cours, les compagnies d'assurances ne comptent pas rester passives. Certes, la solidarité inter-compagnies a été réputée assez défaillante, relèvent des observateurs. Ce que les assureurs publics et privés réfutent, en arguant que les compagnies échangent des informations et se concertent entre elles, au sein notablement de l'UAR. Voire, les compagnies comptent passer à une phase offensive. Ainsi, les assureurs n'écartent pas la possibilité de «ne plus traiter avec des assurés auteurs d'escroqueries» et autres abus sur lesquels la justice aura tranché, a indiqué le manager principal de la CNMA. En d'autres termes, tout assuré qui serait reconnu coupable d'escroquerie sera considéré comme persona non grata. Et dans la mesure où les compagnies d'assurances ne peuvent, argue-t-on, commettre sciemment des actes frauduleux et escroquer leurs clients, sous peine de faillir à leurs engagements et perdre des parts de marchés.
300 000 dossiers d'indemnisation encore en suspens
Comme les compagnies d'assurances sont confrontées à des difficultés en matière d'indemnisation, notamment les retards pris à régulariser les dossiers de sinistres intercompagnies, malgré les efforts déployés en vue d'améliorer la qualité de service et provisions développées. En ce sens, le président de l'UAR a indiqué lors de cette rencontre que sur les 721 000 dossiers de sinistres (automobiles) en suspens, un nombre de 407 000 dossiers, soit 60%, ont été, à la fin juin 2012, déjà traités et réglés, pour un montant d'indemnisations de 4,5 milliards de dinars. Les 40% restants, soit plus de 300 000 dossiers, devraient être réglés, espère-t-on, dès la fin de l'année pour aboutir à un montant global de 7 milliards de dinars. Par ailleurs, les assureurs qui devraient recevoir près d'un million de déclarations de sinistres à la fin 2012, note M. Latrous, revendiquent toujours la révision à la hausse de la tarification en matière de responsabilité civile obligatoire dans l'assurance automobile.
Déficit de l'ordre de 275%
Confrontés à un déficit chronique de la branche automobile, de l'ordre de 275% en termes de primes collectées inférieures par rapport aux indemnisations versées, les compagnies veulent revoir la tarification qui leur a été imposée et qui ne couvre pas leurs charges. Et cela même si l'assurance automobile représente 51% du chiffre d'affaires du secteur (87 milliards de dinars déjà réalisés en 2012), avec 36 milliards de dinars d'indemnisations en 2010 et 43 milliards de dinars d'indemnisations en 2011. Rappelons que la prime moyenne en RC équivaut à 1 500 DA par an, inférieure de 7 fois par rapport à celle au Maroc et de 5 fois par rapport à la Tunisie. En ce sens, les assureurs comptent relancer le ministère des Finances avec des arguments solides, sur la base d'une étude scientifique, relève Hassan Khelifati. Il s'agit en fait d'une expertise affinée sur les pertes financières subies par les compagnies dans le but de rééquilibrer leur trésorerie et éviter les supputations de dumping.
Le plafonnement des remises, en attente
Et ce, dans le contexte où le constat à l'amiable suscite l'absence d'engouement des clients, déplore le président de l'UAR qui compte pourtant sur la relance de cette procédure. Et dans la mesure où l'engagement des compagnies à plafonner les réductions à l'assurance facultative (50% de remises pour les sociétés et 30% pour les particuliers), entre autres dispositions du protocole signé depuis quelques mois, n'est pas totalement effectif sur le terrain. A ce propos, le P-dg d'Alliance Assurances a indiqué que des mécanismes d'application de ce protocole sont en train d'être mis en place.
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