Algérie

Face à une démographie alarmante des entreprises: La métropole oranaise saura-t-elle renouer avec l'entrepreneuriat ?



«Creusez un puits avant d'avoir soif.» Proverbe chinois

Dans une récente et importante communication consacrée à l'entreprise en Algérie, le professeur Ahmed Bouyacoub constatait, à partir de calculs effectués sur la base des données statistiques officielles sur la PME, deux phénomènes économiques extrêmement préoccupants pour la wilaya d'Oran. D'une part, la wilaya a été classée 48ème, c'est-à-dire la dernière du pays, en terme de création d'entreprises avec un taux de 11,95% sur la période 2003-2009 alors que la wilaya d'Illizi, classée 1ère d'ailleurs, a connu le chiffre record de 127% et celle de Sidi Bel-Abbès est classée 20ème avec un taux de 74,47% ; d'autre part et pour ce qui concerne la durabilité sur le marché, les données des deux dernières années (2008-2009) indiquent une véritable «hécatombe» en terme de mortalité des entreprises puisque la wilaya a perdu durant cette courte période plus de 15% de son stock, soit un peu plus de 2600 entreprises sur 19000, alors que le taux de mortalité national moyen est relativement bas (3,07%) notamment par rapport au niveau moyen mondial qui est de 10%.(1)

 Comment donc peut-on expliquer cela lorsque l'on sait que la wilaya d'Oran est parmi les 5 premières en termes de taux de concentration géographique et classée 13ème en termes de densité d'entreprises pour 1000 habitants.

 Est-ce une question de disponibilités de ressources financières et de débouchés ? Impossible ! Au titre du seul programme d'équipement de l'Etat pour la période 2005/2009, la wilaya d'Oran a bénéficié d'un montant de 221 milliards de DA dont 178 gérés par la wilaya et qui «… programme a permis la prise en charge des préoccupations liées aux besoins fondamentaux des citoyens et d'assurer la réalisation et la réhabilitation des infrastructures de base nécessaires à son développement ainsi qu'à l'épanouissement de son essor économique» (2).

 Est-ce un problème de disponibilité de ressources humaines qualifiées ? Difficilement acceptable compte tenu d'une population approchant les 100.000 étudiants entre universités, grandes écoles et autres centres de formation supérieure. La wilaya souffre-t-elle d'un manque d'entrepreneurs ? Peu probable tant la métropole fourmillait de TPE quand le secteur privé était encore persona non grata.

 Peut-être une affaire d'obtention de prêts ? Difficile à admettre, la Banque d'Algérie ayant injecté pour la seule année 2009 plus de 3000 milliards dont plus de 53% au secteur privé, dont plus de 40% au titre de l'exploitation. Par ailleurs et si on se réfère aux déclarations des responsables bancaires, plus de 500 milliards DA ont été octroyés aux TPME même si plus de 60% ont bénéficié aux entreprises du Centre et de l'Est pour des raisons de sollicitations plus nombreuses semble-t-il (3).

 Ou bien seraient-ce, comme le souligne A.Bouyacoub, d'autres facteurs à savoir les facilités administratives, la disponibilité du foncier industriel, un climat d'affaires accueillant...

 Ces données devraient en toute logique interpeller fortement aussi bien les chercheurs que les décideurs publics et privés locaux et les mobiliser autour d'un processus collectif de diagnostics fonctionnels et stratégiques pour, dans une première phase, déterminer, sans complaisance, les causes économiques, sociales, organisationnelles et même culturelles qui sont à l'origine de cet état dont le moins qu'on puisse dire est qu'il risque, s'il n'est pas circonscrit, de devenir «une épidémie» qui mettrait en danger l'avenir même de ce qu'on se plaît à désigner pompeusement comme «la 2ème capitale du pays». Ensuite, il faudra se poser ou peut-être se reposer la question fondamentale de l'attractivité et de la compétitivité économiques de la métropole oranaise. Si comme il est loisible de le constater, il y a énormément plus de flux de marchandises et de capitaux financiers que de capitaux industriels de production, l'économie de la wilaya étant plus tirée par la consommation que par la production, il s'agira d'en tirer des enseignements et réfléchir à orienter (réorienter?) les décisions qui engagent l'avenir.

 Dans tous les cas, il faudra faire vite car comme le signale CNRC dans un avis récent : «Près de 25 548 sociétés activant dans l'import-export ont été recensées en Algérie en 2008 et la tendance reste toujours pour l'importation, puisque les chiffres annoncés montrent que 90% de ces sociétés font uniquement de l'importation. Par ailleurs, la répartition de ces sociétés montre que près de 40% (10 1989) sont concentrées dans la wilaya d'Alger. La capitale de l'Ouest, Oran, vient en 2e position avec 2.341 sociétés et un taux de 9,16%, suivie de Sétif avec 1.876 (7,34%), Constantine avec 1.711 sociétés (6,7%), Oum El Bouaghi avec 1.213 sociétés (4,75%), Blida avec 1.025 unités (4,01%) et Batna 517 (2,02%)». L'avis souligne en outre beaucoup que ces sociétés sont étrangères et que «ces intervenants activent notamment dans les wilayas d'Alger à hauteur de 75,20% avec 1 252 sociétés, Oran 5,89% (98 sociétés), Annaba et Blida avec un taux de 3,06% chacune (51), Boumerdès 1,86% (31), Sétif 1,50% (25) et Tipasa avec 1,26 % et 21 sociétés» (4).

* Enseignant-chercheur

LAREGE - Université d'Oran

1- A.Bouyacoub : L'entreprise, un facteur de développement, communication de la séance d'ouverture de l'Université d'été du parti FLN, le 04 août 2010, à l'Université de Mostaganem.

2 - DPAT-ORAN : site dpat.dz

3 - ABEF & CGCI : site CGSI.dz

4 - CNRC: Avis du 23 mars 2009.


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