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Face à la défection des visiteurs étrangers



Face à la défection des visiteurs étrangers
L'Algérie était, en 2013, la quatrième destination touristique en Afrique. Avec près de 2,7 millions d'entrées, le pays a vu le nombre de touristes le visitant progresser depuis quelque temps, même si comparé à la Tunisie et au Maroc il reste en retrait. En effet, la Tunisie attire presque 2 fois plus de touristes que l'Algérie, et le Maroc 4 fois plus.En revanche, au vu de son retard, le rythme de croissance du secteur en Algérie est plus rapide que chez ses deux voisins (voire tableau). Entre 2010 et 2013, le nombre d'arrivées en Algérie a augmenté de 35%, alors que le total des recettes engrangées a progressé d'environ 50%, selon les statistiques de l'Organisation mondiale du Tourisme. Durant la même période, les croissances ont été respectivement de 8,7% et d'un peu plus de 2% pour le Maroc, alors que les performances de la Tunisie ont enregistré des reculs aussi bien sur le nombre de visiteurs que sur le montant des recettes.Selon d'autres statistiques du World Travel and Tourism Council (WTTC), les perspectives du secteur sont même encourageantes à long terme (voire graphe 1). L'Algérie devrait ainsi accueillir plus de 3 millions de touristes cette année et près de 4 millions à l'horizon 2025, avec des recettes en hausse de près de 3%.Les perspectives prometteuses sont pourtant à prendre avec des pincettes compte tenu d'abord du contexte sécuritaire. Les attentats en Tunisie ont lourdement impacté le secteur et l'onde de choc arrivera jusqu'en Algérie, elle-même touchée par l'attentat de Aïn Defla, il y a quelques jours et l'assassinat à l'automne dernier d'un touriste français.Craintes«Aujourd'hui, les touristes nord-américains et européens évaluent la menace terroriste par pays, mais aussi par région», explique Mourad Kezzar, expert dans le secteur du tourisme qui rappelle que l'assassinat, en octobre 2014, d'Hervé Gourdel, «s'est accompagné par des annulations sur la Tunisie, le Maroc et même sur la Turquie». Certains informations ont d'ailleurs fait état d'annulations de voyages en Algérie par des touristes européens suite à cet attentat.Pour certains voyagistes, cela «a plombé la demande» surtout pour la destination du Sud, habituellement prisée par les touristes étrangers. Certains pays n'ont pas tardé à réagir pour alerter leurs ressortissants. Sur la carte du gouvernement français, tout le Sud de l'Algérie est classé rouge. Pour le reste, il est indiqué que «les déplacements professionnels et touristiques sont possibles dans les villes d'Alger et de Tipasa, d'Oran et de Tlemcen, sous réserve de faire preuve d'une grande vigilance».Pour Mourad Kezzar, «s'il est évident que la situation dans le Sud et le dernier attentat de Aïn Defla vont peser sur les arrivées de l'automne prochain en Algérie, l'attentat de Sousse lui aussi va influer sur cette demande en Algérie». Par ailleurs, il n'est pas sûr que «les dispositifs de sécurité en place soient capables de prendre en charge la présence simultanément en Algérie de 10 groupes de 20 occidentaux en voyage de découverte mais ne se déplaçant pas ensemble».Quelques rares voyagistes étrangers continuent pourtant à miser sur la destination Algérie. L'agence française Horizons Nomades propose pour le mois d'août une semaine de balade dans les Aurès, et pour octobre des randonnées dans la Tassili N'adjjer. «Les touristes qui continueront à venir en Algérie, seuls ou en voyages organisés, sont surtout motivés par le ressourcement et la découverte», souligne Mourad Kezzar. «On ne vient pas en Algérie pour bronzer, ni pour profiter du meilleur rapport qualité/prix de notre hôtellerie. On vient pour le tourisme d'affaires, de mémoire et dans le cadre du tourisme culturel», précise-t-il.AlternativeAu-delà du type de tourisme, ce sont surtout les Algériens eux-mêmes qui représentent la plus grande proportion de touristes en Algérie. Qu'ils soient issus de la communauté algérienne à l'étranger ou surtout résidents dans le pays, ils sont la principale source de revenus touristiques. Quand le pays accueillait 2,5 millions de touristes, les étrangers ne représentaient que 250 000 personnes. Les recettes en devises procurées par les arrivées de touristes ne représentent que 0,5% des recettes globales d'exportations.Dans ces conditions, quelle valeur ajoutée pour le secteur si la majorité des touristes passant les frontières est composée d'Algériens résidant à l'étranger (ARE) ' Pour Mourad Kezzar, cette catégorie de touristes a bien des «spécificités» par rapport à des visiteurs étrangers, que ce soit sur «la qualité du produit, le prix, les moyens de distribution ou la politique de communication qui l'accompagne». Hébergement, formule famille pour le transport, sensibilité aux messages nostalgiques influent sur les choix des ARE.A titre d'exemple «si l'ARE est porté sur le prix et les formules famille, un pied-noir qui visiterait l'Algérie est peu regardant sur le prix du moment que, souvent, c'est le premier et ultime voyage. Lui, il aura davantage recours aux associations, aux agences de voyages, à l'Internet, alors qu'un ARE préfère traiter directement avec une compagnie aérienne car l'essentiel du séjour est réalisé en famille et le transfert est assuré par la famille». Selon l'expert, sur les 2,5 millions d'ARE qui arrivent chaque année, moins de 1% apportent un plus aux infrastructures hôtelières et touristiques.Samia, 45 ans, est née en France de parents qui eux sont nés Algérie avant d'émigrer. Depuis cinq ou six ans, elle retourne au pays chaque année, seule ou en famille, avec une envie pressante de le découvrir et c'est souvent chez la famille qu'elle séjourne. «Je pourrai louer à l'hôtel, mais je préfère plutôt l'ambiance familiale», dit-elle «On y perd en intimité, mais si ça avait été le but recherché, je serais allée à l'hôtel».L'apportLa valeur ajoutée des ARE est donc «à chercher ailleurs et elle est importante», assure Mourad Kezzar. Elle pourrait se trouver dans l'intérêt pour les sites touristiques et autres musées. Désertés par les Algériens, ces derniers s'avèrent une attraction particulière pour certains émigrés.«J'ai visité le musée des Beaux-Arts avec ma mère et ma s?ur, et je ne m'attendais pas y trouver des ?uvres d'artistes célèbres comme Degas et Gauguin. On a aussi visité Dar Khedawej El Amia et la Villa Abdeltif. Toute cette architecture, cette richesse et cette diversité de notre culture et nos traditions sont des trésors que je ne soupçonnais pas. La plage et la mer on peut les trouver à Barcelone ou à Hammamet, mais pas le reste», confie Samia.Les ARE ont la capacité à valoriser les sites qu'ils visitent, relève Mourad Kezzar. Mais pas seulement, ils apportent également «leur pouvoir d'achat» et à défaut d'utiliser les infrastructures hôtelières, ils auraient «la capacité de faire tourner les économies locales grâce à leurs dépenses».Encore faut-il pouvoir dépenser. Car si l'Algérie offre le plaisir des retrouvailles, elle peut aussi excéder. «Pour retirer de l'argent d'un distributeur avec ma carte Visa, c'est une galère», déplore Samia. «Il fallait aller à l'hôtel Saint George. Quand les distributeurs fonctionnent, ils sont à court de liquidités.Et si vous voulez faire des achats, il vaut mieux avoir du cash. Dans un centre commercial aussi grand que celui de Bab Ezzouar, aucun des terminaux de payement ne fonctionnait. Un problème de réseau, nous a-t-on dit». Par ailleurs, «on a bien remarqué que passé 18h, les femmes n'étaient pas les bienvenues dehors, à moins d'être accompagnées d'un homme et ça c'est frustrant quand on vient pour passer des vacances.»EffortHabitués à cette réalité, les Algériens et Algériennes résidents ont d'autres soucis quand il s'agit de faire du tourisme dans leur propre pays, et c'est souvent le rapport qualité/prix qui dérange. «J'ai le sentiment d'être arnaqué en Algérie», commente un jeune, rentré de Tunisie quelques jours avant les attentats de Sousse. «Pour 10 000 DA/jour, vous êtes en pension complète dans un 5 étoiles là-bas. Pour 16 000 da, vous avez à peine la nuitée dans un complexe touristique en Algérie».Le problème, explique-t-il, «ce n'est pas tant le montant à payer, mais plutôt le nombre et la qualité de services que vous avez en contrepartie de cet argent. Cela n'incite pas à faire du tourisme dans son pays». Ce n'est pas étonnant que 2 millions d'Algériens partent en vacances à l'étranger chaque année. Pour autant, les statistiques montrent que les Algériens résidents sont la principale locomotive du secteur. Selon les chiffres du WTTC, 97% des dépenses de touristes sont induites par le tourisme domestique, contre 3% par les touristes étrangers.Certains organismes publics font d'ailleurs des efforts pour les intéresser. Ainsi, l'Office national algérien du tourisme a proposé pour cette saison estivale des séjours touristiques qui ne dépassent pas les 7000 DA/jour dans plusieurs wilayas du pays au profit de 6000 estivants. Un effort qui a besoin d'être décuplé quand on sait que 100 millions d'estivants ont fréquenté les côtes algériennes durant la saison estivale écoulée, selon le ministère du Tourisme.


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