Algérie

Dis-moi qui tu fréquentes...


La mauvaise fréquentation mène droit aux ennuis. Et les ennuis commencent par des embêtements à ne plus en finir.Les embêtements en justice commencent chez le procureur, lorsque les policiers n'obtiennent pas de résultats probants et le calme n'est pas de retour. Saïd est un jeune teen-ager qui aime la belle vie puisque sa tendre jeunesse l'a vu grandir du côté d'Argenteuil, en France, chez sa tante maternelle, Louiza. M.Une veuve aisée ayant hérité de la fortune de son mari, qui a laissé derrière lui des palmiers au sud et des terres agricoles, comme dirait l'autre: «Ma cha Allah!»
De retour au pays, il est accueilli par le tonton paternel résidant sur les hauteurs à Z'Ghara (Alger). Le commerçant prévient le neveu que vivre dans la capitale exige deux conditions: un boulot et un toit! Les deux sont là, disponibles. Saïd est un lève- tôt et n'a aucun souci pour être ponctuel au travail. Le premier trimestre se passe très bien. Le mois de juin arrive et avec lui, Ramadhan! Qui dit Ramadhan, dit, dans certains cercles, veillées! Et des veillées bruyantes, et ce bruit deviendra vite tapage! Il est trois heures du matin en ce onzième jour de jeûne, lorsque sur une plainte des voisins, la voiture-radio de la Police du coin arrive, tous feux éteints! C'est la rafle, la fouille et l'embarquement de tout ce beau monde vers la sûreté de daïra! Sur place, la fouille reprend car la personne qui a alerté par téléphone, la police, a dit textuellement: «Attention, parmi la dizaine de jeunes ramassés, il y a de gros et dangereux dealers, souvent armés car ce sont de grands récidivistes qui n'ont peur de rien ni de personne, à cause des soutiens qui les protègent et qu'ils tiennent à leur merci!»
Ce qui justifie le nombre appréciable de flics venus dans le quartier s'enquérir de la situation car, il est fréquent de voir les policiers être dérangés pour rien! Mais, cette fois, le renseignement était le bon et nul n'a eu ce réflexe de s'enfuir, le sang-froid semble les couvrir, pas pour longtemps, puisque la deuxième fouille permet de trouver 600 grammes de drogue dans l'une des vestes des jeunes du quartier. Et il se trouve que cette veste appartient, vous l'aurez deviné, à Saïd! Ce dernier ne comprend pas le manège qui a fait que la came se retrouve chez lui! Il est vrai qu'il lui arrive de jeter ses effets personnels n'importe où, mais pas ce soir là! Mystère et boule de gomme! Car, dans l'immédiat, il semble qu'il est loin de trouver l'auteur de ce geste qui va ne lui valoir que des ennuis! Il commence d'ores et déjà à revoir le film du début de la soirée jusqu'à l'intrusion des services de sécurité. Il a beau tourner et retourner les images de la soirée, en vain! Six heures passées en compagnie des gars dont il connaît la moitié, sont longues à revoir dans ces conditions de détention préventive. L'officier de permanence vient d'arriver et prévient tout le monde que l'interrogatoire est repoussé de quelques petites heures:
«Cela vous permettra de reprendre vos esprits et de dire la vérité, car, qu'on se le dise, nous savons qui est le vrai responsable de cette situation. Alors, vous êtes avertis: que celui qui n'a rien à se reprocher, dorme tranquille. Que celui qui a de la paille dans l'estomac, s'apprête à cracher le morceau!»
Tout le monde est «invité» à passer la fin de la nuit au poste, et même le shour est garanti par l'officier en personne! Les dix personnes gardées à vue, tombent comme des ours ayant gambadé toute la journée sur les parois rocheuses d'un ravin sans fond...
Au réveil, le malheureux Saïd a un mal de tête terrible. La nausée qui le prend à la gorge, s'évanouit quand il pense au jeûne, et à la dure journée qu'il va passer au parquet et tout le tralala qui va avec... Et puis 10 individus à entendre n'est pas une tâche aisée pour le procureur et son adjoint en cette journée ramadhanesque!
Le matin de la présentation arrive vite et le malheureux Saïd ne peut informer le représentant du ministère public de l'origine de la drogue trouvée dans sa veste. Il n'a aucune autre explication à fournir.
L'audition est reportée pour le lendemain, en ce qui le concerne, du moins. Trois jours après, l'enquête piétine, par manque de reconnaissance des faits reprochés à Saïd qui ne saisit toujours pas comment la drogue se trouvait dans une de ses poches.
Un point important jouait en sa faveur. Il était arrivé de France où il a grandi et donc, il était impossible pour lui d'avoir fait si vite des relations. Et ce point va lui permettre de retrouver la liberté provisoire, d'attendre la date du procès qui n'aura lieu finalement que deux mois après les faits, les flics avaient remonté la filière qui les a conduits au fameux dealer qui a reconnu les faits, mais pas expliqué comment la drogue s'était retrouvée dans une des poches du pauvre Saïd qui apprit à ses dépens le fameux adage qui laissait entrevoir le «dis-moi qui tu fréquentes, je te dirais qui tu es!».
Oui, Saïd était nouveau dans le quartier, et se devait de voir d'abord avant de se mettre à fréquenter des jeunes, qu'il n'a jamais connus auparavant.
C'est peut-être que cela a coïncidé avec l'entrée du mois sacré et qu'il n'y a vu que du feu! Il faut aussi qu'il reconnaisse que dans le monde entier, dans tous les quartiers populaires, la méfiance est de mise, pour ne pas dire la vigilance doit être de rigueur. Belle leçon, assurément, à méditer car Saïd n'est pas près d'oublier les nuits passées dans les geôles de la police dont les éléments ont fait preuve d'indulgence car nous en connaissons qui... Aie! Aie! Aie! Taisons-nous!
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