«Nous sommes
faits de la même matière que les rêves» Shakespeare
Il y a des
évidences qui, pour être admises, ne nécessitent ni de gros bagages
universitaires, ni de partis qui ont plusieurs décennies d'âge et encore moins
d'avoir fait, réellement, une ou plusieurs guerres. Il y a aussi une foule
d'expériences vécues par l'humanité et par les pays les plus démocratiques, les
plus développés, qui ne demandent que quelques adaptations et du courage
politique pour que la greffe prenne en Algérie. Mais pour beaucoup de
responsables algériens, le mot d'ordre et la stratégie sont immuables :
pourquoi faire simple, vite et bien, alors qu'on peut compliquer, tourner le
dos au réel et faire perdre au pays des énergies, du temps et de l'argent ? A
écouter des dirigeants de la majorité présidentielle, beaucoup de citoyens
seraient enclins au désespoir, à la violence, au nihilisme, et à ne voir que
duplicité, mensonges et ruses paysannes. C'est parce que des hauts responsables
ne savent pas parler aux populations et n'ont aucune culture et morale
politiques que la défiance a atteint des sommets. Cet
état de fait installe une situation paranoïaque. Les Algériens veulent
fortement un changement radical, mais pacifiquement, alors que des tendances
lourdes, au sommet, travaillent pour le statu quo et poussent à la violence.
Les partis au
pouvoir ressassent inlassablement, avec moult lapsus et contradictions que
l'Algérie n'a rien à voir avec ce qui se passe dans tous les pays arabes,
malgré tous les mouvements qui secouent le pays. En clair, cela voudrait dire
que les révoltes et «révolutions » y compris à nos frontières, que les émeutes,
grèves, répressions et manifestations étouffées ne sont pour rien dans les
réformes annoncées. Nier les forces et les capacités de contestation de son
propre peuple n'est ni plus ni moins qu'un déni qui affaiblit le pays, le
gouvernement, l'Etat et le pouvoir. Au profit de qui ? Rendre hommage à
l'opposition, à la société civile, aux élites, à toutes les forces qui
proposent et revendiquent, les écouter, sont les ingrédients majeurs pour des
consensus, un front intérieur fort et pour tous les progrès. Faire référence à
des T.V. mixtes (privé/public), en dépit du bon sens, à la France et à l'OTAN, pour
stigmatiser ses propres militants, dire qu'il n'y a pas de vision à ce jour,
pour l'audiovisuel alors qu'il y a de vraies pratiques de fermeture et de
censure, revient à pédaler dans du couscous. Au moment même où le roi du Maroc,
avec Malice, veut modifier la monarchie par étapes, parce que justement, il y a
la Libye, la Syrie, le Yémen, l'Egypte et
les mouvements sociaux et politiques en Algérie et au Maroc. Parce que
justement, tous les dignitaires et potentats arabes ne peuvent plus jouir, en
toute impunité, en Europe et ailleurs, des fruits de la prédation, etc.
C.Q.F.D. Mais la société et la société civile en Algérie n'entendent pas aller
à la violence, tout en refusant l'immobilisme, le déni des libertés et les
atteintes aux pluralismes, pourtant inscrits dans la constitution et dans les
chartes et conventions du système de l'ONU, signées par l'Etat algérien. Retour
sur les premiers états généraux de la société civile, des 14-15 et 16 juin
2011.
Epinglées avant
leur ouverture et sans en connaître les composantes d'une grande diversité, les
compétences autonomes universitaires, associatives, syndicales et culturelles
qui ont mené les débats et articulé, avec le monde de l'entreprise, les textes
de la clôture, les assises de la société civile, sont pourtant une balise à ne
pas sous-estimer. Bien entendu, des figures symboliques d'appareils sclérosés,
dont certains avaient fait le détour par la commission Bensalah,
étaient à « Club des Pins » jour et nuit. Bien entendu, certains, une infime
minorité, ont tenté d'emmener les discussions dans les ruelles de la pensée
unique. Sans succès aucun. C'est de bonne guerre, car ces courants existent,
ont beaucoup à perdre, surveillent et défendent leurs rentes bec et ongles. Et
alors ? Des réformes, une révolution pacifique ou violente, des mutations
profondes n'empruntent que rarement, une voie royale
et que les batailles non engagées sont toujours perdues.
La méfiance
exprimée en toute liberté à l'égard des premiers états généraux de la société
civile est respectable. Les réserves, sur le registre exclusif politique
s'agissant d'un contre-pouvoir, d'un champ civique et citoyen, d'un espace et
d'une pratique où le pouvoir et sa conservation ne sont pas des objectifs,
reflètent un climat et des réalités indiscutables. Un résultat acquis durant la
rencontre, qu'il faudra consolider chaque jour, est relatif aux divers
syndicaux autonomes. Il sera désormais difficile, sinon impossible de ne pas
les associer à tout ce qui concerne leurs adhérents, leur territoire reconnu
par la constitution. La revendication claire et nette ne peut pas être
occultée. Ce qui reviendrait à réduire à néant un regain de confiance, non pas
en direction du politique, des réflexes civiques et citoyens émergents à
l'échelle du pays. Plus d'un millier de participants dont beaucoup avaient un
stock énorme de colères, de dépit mais aussi de désirs pour que le pays
enclenche une vraie dynamique de modernité, de démocratie, de libertés et de
tolérance. A la clôture, les premiers états généraux de la société civile, dont
l'état où elle est après des décennies de pensée unique et de fermetures, ont
pris date. Dans les recommandations adaptées après des heures et de heureux et
de francs débats, il a été inscrit frontalement une série d'objectifs et de
revendications à même d'ancrer la société civile, qui est un contre-pouvoir,
hors des luttes politiques et politiciennes, comme acteur constitutif de la
nation. Cependant, l'évènement saillant, dont il faudra suivre avec une
attention particulière les suites, a été l'adoption, par tous les participants,
de « la charte de la société civile ». Le démarquant de la sphère politique qui
a ses propres mécanicismes de légitimation, la société civile, avec sa charte,
entend fermement marquer ses territoires, les protéger et remplir librement ses
objectifs et mener démocratiquement et pacifiquement ses combats. Le but à
atteindre est clairement celui de voir la société civile être inscrite dans la
loi des lois. Ce qui serait la consécration.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 23/06/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdou B
Source : www.lequotidien-oran.com