Sous la pression
de la rue, l'Etat a fini par délier les cordons de la bourse et répondre
généreusement aux protestataires qui ont su faire bon usage de leurs moyens les
plus persuasifs.
Comme par
enchantement il a découvert subitement toute l'étendue de ses richesses
jalousement cachées à la populace dont de grands pans venaient de perdre
patience et de réclamer plus d'équité dans la répartition des richesses. Une
situation qui invite une première question: si nous sommes capables de nous
permettre toutes ces largesses pourquoi s'en être alors privé pendant tout ce
temps et pourquoi n'avoir pas anticipé la satisfaction des revendications afin
d'éviter des perturbations très préjudiciables ? Nous sommes en plein dans le
surréalisme si on ne divorce pas tout de suite des réflexes de gestion basique.
Les salaires de tel corps seront augmentés de 10 000 à 50 000 Da mois,voire plus, avec effet rétroactif à partir de janvier 2008
(Un rappel de 40 mois) sans oublier les primes et autres indemnités qui ont
pris carrément l'ascenseur.
Sous l'effet de
la contagion d'autres ont tout de suite exploité la soudaine disponibilité des
décideurs et n'ont pas hésité à se servir de leurs calculettes pour déterminer
le montant des arriérés que l'état leur doit : un demi milliard de rappel
chacun ! Époustouflant ! Avions-nous, dans le cadre d'une gestion rationnelle,
les ressources financières pour faire face à cette inflation des salaires sans
aucune incidence sur l'avenir de la trésorerie ?
Une véritable
révolution ; tous les équilibres salariaux sur lesquels veillait
scrupuleusement la fonction publique entre les différentes catégories
socioprofessionnelles et autres péréquations volèrent en éclat sans aucune
autre forme de procès !
Il est fort à
craindre que cette philanthropie traduite par le geste auguste du semeur de
dinars à profusion produise les mêmes effets que le fameux Programme
anti-pénurie (Pap) et la frénésie des achats qu'il a
produit en bouleversant dangereusement les habitudes de consommation.On
abandonne les règles de prudence, l'essentiel était de se faire plaisir et
d'oublier toutes les précautions liées à l'austérité qui était en vigueur
Pour bien nous
prendre au collet quelques temps plus tard, les grands stratèges de la liberté
du marché qui guettaient la moindre opportunité investirent sur notre manque de
vigilance pour nous inonder avec leur pacotille et se débarrasser par la même
occasion de leurs stocks d'invendus en nous ouvrant généreusement …les perfides
lignes de crédit après l'épuisement délibéré et précipité de nos réserves
financières.
On venait de se
faire passer le collet au cou
Personne ne peut
oublier où cette engouement dans la dépense avait conduit le pays quelques
années après.Une crise couronnée par les douloureux
événements de 88 qu'on a essayé d'expliquer par une conjugaison de facteurs
dont le plus important à notre avis n'était pas l'impérieuse soif de liberté et
de multipartisme mais bel et bien le sevrage brutal qui devint inévitable et
qui menaça dangereusement jusqu'à la subsistance de base tel le pain après une
période de folle bombance. En effet le but du pap., d'une immense générosité
dans ses objectifs initiaux, avait été dévoyé pour nous inciter à importer
massivement à tel point que les rayons des fameux souk el fellah et galeries
Algériennes croulaient sous des tonnes d' articles superflus jusque là inconnus.On pouvait facilement se trouver nez à nez ,au
détour d'une travée des grandes surfaces de l'époque,avec un piano à queue à Birine ou un zodiac du coté d'Arris
sans oublier les fromages hollandais et autres gâteries qui pourrissaient dans
les rayons. Pour s'être laissé trop facilement charmé « pour une vie meilleure
» on s'est engouffré avec armes et bagages sous les fourches caudines du Fmi et
de ses crapuleuses conditionnalités. Comble de l'humiliation il fallait sous sa
dictée, commencer par se parjurer et démanteler tout ce qui a été
laborieusement construit par une génération de valeureux pionniers si on
voulait mériter l'absolution de nos péchés de nation souveraine.
C'était la
culture des acquisitions faciles grâce aux subventions étatiques et tout
concourait à débrider la dépense dans l'importation de produits parfois
exotiques, les voyages à l'étranger et conséquemment le développement des
réseaux de trabendistes et autres pontes du commerce informel.
A bien analyser
le phénomène on s'aperçoit que la rationalité dans la gestion prudentielle des
deniers devint facultative et même anachronique le jour ou l'on a décidé de
multiplier le salaire de MM les députés par 3 sans aucune justification ni contrepartie.Ce jour là chaque Algérien s'est senti agressé
par cette mesure discriminatoire et donc provocante pour le reste de la société
En conséquence il s'est libéré de son devoir de réserve et la résignation à sa
misérable condition de salarié pour se poser la question fatidique: POURQUOI ?
D'où découle en toute logique : l'inévitable et surtout légitime : POURQUOI PAS
MOI ?
A compter de ce
moment le rubicond était franchi et il fallait être d'une naïveté déconcertante
ou d'une grave infirmité intellectuelle pour ignorer ou indifférer les
retombées d'une telle décision dont les effets ont mis à nu le creusement
irréfléchi des inégalités sociales. Qu'attendre alors comme réaction normale du
médecin, de l'ingénieur, du professeur ou du salarié lambda, enfin de tous ceux
qui sont réellement sur la brèche et qui maintiennent le pays à flot au prix
parfois de leur vie quand on gave inexplicablement des structures et des
fonctions dont l'utilité pour la nation parait toute relative mais lourdement
budgétivore. Malheureusement plus on donne plus on excite l'appétit encore
d'avantage et la hargne d'arracher ce que l'on estime être « des droits »
devient irrépressible jusqu'à l'atteinte de la ligne de mire tacitement
désignée par l'ensemble de la classe laborieuse, notamment dans sa partie
encadrement : REJOINDRE LES DEPUTES. La tyrannie de la rue consciente qu'elle
est maintenant de la force de ses moyens de pression, n'imposera aucune limite
à son sentiment de revanche contre l'étouffement qu'elle subissait pour aboutir
à une sorte de spirale infernale. Pour un pays dont les ressources proviennent
essentiellement des hydrocarbures soumis nécessairement aux conjonctures du
marché mondial, le pactole national a certainement une existence aléatoire.
Sa longévité
dépend de la pondération dans son utilisation. Quelle est donc cette formule
mystérieuse capable de se permettre indéfiniment tant de prodigalité sans le
grever dangereusement. Pour combien de temps encore pourrions
nous maintenir ce niveau de dépenses ?
Et après !
Dans ce combat
pour la dignité persiste un secteur qui demeure très marginalisé voire exclu de
la politique générale du pays.Il s'agit des retraités
pour lesquels on maintient encore l'application draconienne de la rigueur
budgétaire et n'ont donc aucune possibilité de participer à la curée nationale
.Pour une augmentation ridicule sur la pitoyable pension du retraité cette
partie de la population qui a donné le meilleur d'elle-même au pays et versé
ses cotisations jusqu'au dernier sou doit attendre chaque mois de Mai pour être
enfin fixée sur son sort.Le temps que les brouillards
et les poussières d'une rumeur savamment distillée et un battage médiatique
étalé sur le reste de l'année se décantent pour découvrir concrètement ce que
voulait bien lui annoncer pompeusement leur tutelle à travers une broussaille
inextricable d'articles et de décrets. Malgré les cinglantes déceptions du
passé ,ils gardent à chaque fois l'espoir d'être victime d'une erreur de
déchiffrage même après avoir fait appel aux initiés aux circonvolutions
juridiques et calculs des taux pour se confirmer combien représentent en
monnaie sonnante et trébuchante 2,3,5 et même 10% de nos jours et s'ils disent
vraiment ce qu'ils veulent dire.Chaque année la même
histoire se répète et on s'attend comme d'habitude à la douche froide,la
déception, car la montagne de notre système de retraite ne pourra accoucher que
d'une famélique souris ! (Les mauvaises langues ont cru savoir que cette année
il y a des chanceux parmi cette population qui vont bénéficier dans la
prochaine distribution des bienfaits de la république d'une augmentation
mensuelle de moins de…1000 DA) quand de faux actifs ne sont pas satisfaits par
une proposition 100 fois plus importante !
Aller parler de
justice sociale
Tant de
littérature et tant de promesses et aboutir à ces résultats lamentables après
avoir certainement mobilisé une armada de cerveaux pour trouver les sources de
financement nécessaires. Il est vrai que cette catégorie usée et abusée jusqu'à
l'os n'a aucun levier, encore moins le pouvoir coercitif pour influer sur le
cours des événements mais il n'est tout de même pas trop glorieux de les
achever par le mépris (mahgourti oukhti
aicha ! ou aicha ma « tête à claques » selon le dicton populaire). Ils peuvent
toujours crier au scandale aux quatre coins du pays, mais qui sera vraiment
sensible à leur précarité et entendra leur appel de détresse.Faire
une grève ou une marche ? Mais qui fera attention à leurs mouvements,
dussent-ils crever de faim sur le parvis d'un quelconque ministère ! On s'est
toujours demandé dans quelle planète vit cette catégorie de responsables qui
nous gratifient sans aucun égard ni le moindre scrupule et presque machinalement
de ces taux insultants et s'ils se contenteraient eux d'une pareille fumisterie
sur leur salaire. Les habitants de leur galaxie ont-t-ils
entendu parler du pouvoir d'achat en Algérie et comment évoluent les
prix?
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Posté Le : 23/06/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Amara Khaldi
Source : www.lequotidien-oran.com