Algérie

Concurrence douteuse dans la téléphonie mobile



C?est une amende sans précédent que vient de prononcer le conseil de la concurrence en France. Il a condamné les trois opérateurs de téléphonie mobile Orange, SFR et Bouygues Télécom à verser 534 millions d?euros au Trésor public. Motif ? Une enquête a montré qu?entre 2000 et 2002 les trois opérateurs ont scellé un accord par lequel ils convenaient de stabiliser tarifs et parts de marché. A l?échelle de l?Europe, il faut remonter en 2001 pour retrouver une amende plus importante, celle infligée au « cartel des vitamines », regroupant les laboratoires coupables de s?être entendus sur les prix dans les années 1990. L?affaire n?est pas au bout de ses rebondissements, l?association « UFC-que choisir », à l?origine de la mise en route de l?enquête, estime que le préjudice subi par les consommateurs s?élève à 1,2 milliards d?euros. Les opérateurs incriminés ont fait appel de la décision tandis que les consommateurs s?apprêtent à engager une action collective afin d?être indemnisés. Mieux encore, la condamnation dans le lot d?Orange, filiale de France Télécom (256 millions d?euros - contre 220 pour SFR et 58 pour Bouygues Télécom), donne de la matière incandescente aux brasiers des luttes internes à l?UMP, pilier du gouvernement de droite. L?actuel ministre de l?Economie, Thierry Breton, proche du duo Chirac-de Villepin a dirigé France Télécom, la maison mère d?Orange, en 2003 et 2004. L?affaire de l?accord anti-concurrentiel des opérateurs de téléphonie mobile pourrait donc l?éclabousser si l?enquête venait à montrer que la pratique de cartel s?est poursuivie au- delà de l?année 2002, ce que ne manque pas d?affirmer l?ancien ministre de l?Industrie, Patrick Devedjian, proche de Nicolas Sarkozy, rival du chef de l?Etat et du Premier ministre dans la course à l?investiture pour la prochaine élection présidentielle de 2007. Plusieurs leçons méritent d?être tirées de cette colossale affaire. La première concerne la fragilité de la concurrence dans le secteur des télécommunications et de la téléphonie mobile en particulier. Les barrières d?entrée y sont fastidieusement élevées : il faut remporter une licence GSM ou UMTS au prix fort, puis développer un réseau selon un cahier des charges exigeant, puis assurer des nouveaux services en permanence. 72 milliards d?euros auraient été nécessaires en investissements pour développer le réseau français actuel. Cette situation pousse les opérateurs à rechercher à accroître leur profitabilité en réduisant « le risque concurrence ». Dans une activité, plus la mise est grande et moins la concurrence est « acceptable » aux yeux des investisseurs. La deuxième leçon est bien que les instruments de régulation qui ont accompagné l?ouverture du secteur de la téléphonie mobile se sont avérés un peu courts pour dénicher « la cartélisation » de l?activité, ce n?est pas l?Agence de régulation des télécommunications française qui a découvert le pot aux roses mais une association de consommateurs. L?action civique organisée s?est avérée plus vigilante. Elle a pressé le conseil de la concurrence à aller au bout de son investigation. Il ne faut pas compter sur l?Etat marchand pour moraliser l?économie de marché. Troisième leçon, rien ne protège les 12 millions d?abonnés algériens contre un accord de cartel entre Djezzy, Mobilis et Nedjma, les trois opérateurs nationaux de téléphonie mobile. Le seuil de saturation du marché est de plus en plus proche et les nouveaux abonnés que l?on pourra gagner seront de plus en plus ceux que l?on arrachera à un autre opérateur et de moins en moins des primo-abonnés. Qui peut traquer l?ombre d?un accord de « trêve concurrentiel » sur la tête des consommateurs algériens ? Et à qui devra-t-il s?adresser ? Au XVIIIe siècle, l?enthousiasme du capitalisme montant a laissé croire à des économistes anglais que la concurrence pure et parfaite était disponible dans le marché comme l?air dans la nature. Les gourous sont morts mais les gouvernants algériens perpétuent la secte.



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