Civils et civilisations

L'armée appelée pour réparer une conduite d'eau à Béjaïa. L'armée qui s'interpose entre manifestants et gendarmes à In Salah. L'armée qui construit des usines et des véhicules, l'armée qui investit dans la production, l'armée appelée par une partie des opposants pour démettre le Président, l'armée demandée pour intervenir en Libye.Cinquante ans après l'indépendance et devant l'inefficacité du civil, les Algériens semblent vouloir s'en remettre à l'armée. En attendant que l'on fasse appel à elle pour lutter contre la corruption, nettoyer les villes, gérer les télévisions privées ou refaire l'autoroute Est-Ouest, Abane Ramdane et sa «primauté du politique sur le militaire» aurait de quoi se poser des questions.En réalité, ce n'est pas aussi simpliste puisque c'est le gouvernement, civil, qui a fait appel à l'armée pour intervenir à In Salah, et c'est l'armée elle-même qui a décidé de ramener le président Bouteflika de son exil. La question serait plutôt liée au rôle fluctuant de l'armée, au moment où c'est paradoxalement le premier président civil du pays qui brise les records de longévité au pouvoir en se maintenant par l'allégeance forcée et la distribution de la rente.Si les civils au pouvoir ont horreur des civils qui n'y sont pas, la nature a aussi horreur du vide, de la mollesse et de l'immobilisme, et l'armée pourra prendre, comme dans l'industrie ou la gestion démocratique des foules, des rôles qui ne lui sont pas impartis. Grâce à l'attitude du gouvernement au sujet duquel beaucoup se demandent finalement à quoi il sert et qui il sert, devenant risible quand il se plaint et s'étonne qu'à In Salah on ne lui fasse pas confiance, mettant en doute ses propos rassurants sur les risques pour l'environnement. Franchement, comment avoir confiance en les représentants de l'énergie quand le dernier ministre du secteur est recherché par toutes les justices internationales '