Algérie

Cinquième recensement général de la population et de l?habitat Vers la confirmation de la chute de la natalité en Algérie ?


Dans moins de dix jours, et avec un retard d?un mois sur la date prévue, le coup d?envoi du cinquième recensement général de la population et de l?habitat (RGPH) sera donné.Se déroulant dans de meilleures conditions sécuritaires que celui de 1998, cette entreprise et surtout les résultats auxquels elle donnera lieu sont très attendus notamment par les spécialistes en démographie. En premier lieu, il doit confirmer ou infirmer la fin de la transition démographique enclenchée, selon les mêmes spécialistes, en 1986, date du troisième recensement réalisé par l?Algérie indépendante. En effet, selon les données disponibles chez les démographes et autres institutions nationales (ONS et ministère de la Santé), c?est à partir de cette date que l?indice synthétique de fécondité (ISF) ou le taux de fécondité chez l?Algérienne a entamé sa courbe de fléchissement. C?est aussi à partir de cette date que l?Algérie a commencé à s?aligner sur ses voisins maghrébins qui avaient initié bien avant elle des politiques audacieuses de limitation des naissances. Or, cette date coïncide avec ce qu?on appelle communément le contre-choc pétrolier et la crise économique et sociale qu?il a occasionnée et qui perdure jusqu?à nos jours. Ce qui contredit certaines thèses très répandues chez les démographes mettant en concomitance la maîtrise de l?accroissement démographique avec le développement économique.Le tableau de l?évolution de la fécondité chez la femme algérienne se présente ainsi. En 1970, le taux de fécondité de l?Algérienne était de l?ordre de 8,1 enfants par femme. A la même date, la Marocaine procréait en moyenne 7 enfants et la Tunisienne 6,3. Jusqu?ici, ces données ne présentaient aucun paradoxe par rapport aux spécialistes puisque la Tunisie avait opté pour un contrôle de la natalité dès 1956, date de la promulgation du Code du Statut personnel dans ce pays, interdisant notamment la polygamie et interdisant le mariage des filles âgées de moins de 18 ans. Pour sa part, le Maroc s?est engagé dans une politique similaire à celle de la Tunisie avec moins de panache. Quant à l?Algérie, elle s?était ouvertement résolue dans une politique nataliste. Rappelons sa position lors du Congrès mondial sur la population à Bucarest en 1974 où le représentant de l?Algérie avait soutenu que le développement économique constitue le meilleur moyen contraceptif. Moins de deux décennies après, ce dogmatisme laissera place à un autre puisque l?Algérie, en proie à une crise multidimensionnelle et prenant conscience de ses échecs en matière de choix économique, commence à clamer que la démographie constitue un frein au développement. Ainsi donc, en 1986, on relève une chute substantielle du taux de la natalité chez l?Algérienne puisque ce taux est passé à 5,4 enfants par femme alors qu?il était de l?ordre de 4,4 pour la Tunisienne. Cette chute va s?accentuer dans les trois pays de l?ensemble maghrébin, mais avec un rythme beaucoup plus soutenu en Algérie. En 1993, ce taux a chuté à 4 et, deux ans plus tard, il a atteint 3,62, atteignant du même coup le taux du Maroc. En 1998, date du quatrième RGPH, ce taux a encore baissé et a atteint 2,65. Dans les années 2000, ce taux a encore régressé jusqu?à tomber plus bas que le fatidique taux de 2,1, considéré par les spécialistes comme le seuil de renouvellement de génération. Cette baisse de la natalité est exprimée autrement selon d?autres sources. Celle de l?ONS l?exprime par deux sortes de données : taux d?accroissement naturel qui passe de 3% en 1990 à 1,45% en 2000 ou 864.000 naissances en 1985 contre 600.000 naissances en 2000.Evidemment, cette chute vertigineuse de la natalité qui a attiré l?attention des démographes sans interpeller les politiques est jugée paradoxale. Elle coïncide avec la plus grave crise économique de l?Algérie indépendante (86), se confirme durant l?apogée de l?islamisme politique qui condamne ouvertement l?usage des moyens contraceptifs et s?aggrave après la maîtrise de la situation sécuritaire. Toutes les explications se rapportant à l?âge de mariage des filles, à leur scolarisation et à la diffusion de l?usage des moyens contraceptifs n?épuisent pas toute la question, selon les démographes (notamment Zahia Ouadah Bendidi de l?IEP de Paris et Oufriha Fatima Zohra de l?Université d?Alger). Certes, l?âge de mariage de la Maghrébine d?une manière générale a sensiblement reculé en un demi-siècle. Les données statistiques disponibles le confirment : pour l?Algérie on est passé de 18,3 ans en 1966 à 27,6 ans en 1998, au Maroc on est passé de 17,3 ans en 1960 à 26,2 ans en 1995. Concernant la scolarisation des filles, elle a accompli des pas de géant. La parité entre garçons et filles au niveau des premiers paliers de l?enseignement primaire et secondaire est établie depuis plus d?une décennie. Ces dernières années, en Algérie, la féminisation de l?université presque de l?ordre de 60% est admise par tous. D?autre part, certains métiers, et pas des moindres, se sont féminisés à des proportions dépassant les 50%. En dehors de l?éducation nationale, la médecine est assurée par les femmes. Et la magistrature est l?autre espace où la féminisation enregistre des avancées inéluctables. S?agissant de l?usage de la contraception, en Algérie les femmes qui ont adopté ce moyen de contrôle des naissances étaient à peine 8% dans les années 70. Cette proportion est passée à 57% en 1995. A titre de comparaison avec le Maroc, à la fin des années 60, seulement 5% des Marocaines utilisaient un moyen contraceptif. En 1998, elles sont plus de 59% à recourir à la contraception. Mais pour les spécialistes, ces facteurs n?expliquent pas à eux seuls la chute de la natalité en Algérie et chez nos voisins. Pour Emmanuel Todd et Youssef Courbage, coauteurs d?une enquête sur la démographie au Maroc où il y a des parallèles avec l?Algérie et la Tunisie, ils expliquent cette chute de natalité par un processus d?individuation enclenchée au Maroc. Pour sa part, Oufriha Fatima Zohra estime qu?une révolution silencieuse, du fait des femmes, est en marche. D?autres estiment que les chocs violents vécus par l?Algérie et les différentes pressions déclarées ou sournoises exercées sur le pays, ne sont pas totalement étrangers à ce tassement de la natalité. Ils appellent à la mobilisation d?autres sciences, tel que l?anthropologie historique pour appréhender correctement ce phénomène. Soulignons que dans une déclaration très récente passée inaperçue, le ministre de la Santé appelle à l?encouragement de la natalité en Algérie. Mais comme première conséquence de cette chute de la natalité, la pyramide des âges est en train de connaître un bouleversement notable. A partir des données vérifiées de l?ONS et des projections, on estime que les moins de 20 ans représenteront uniquement 35% en 2008. Ils étaient 48,2% en 1998 et plus de 50% jusqu?en 1987. Quant à la tranche d?âge entre 20 et 59 ans, elle constituera 57% de la pyramide des âges en 2008. Elle ne dépassait pas 45% en 1998 et 35,9% en 1966. Les plus de 60 ans vont effleurer la barre des 10% de la population globale en 2008. D?ailleurs, les spécialistes mettent en garde contre un vieillissement aussi rapide de la population que la chute de la natalité. Ainsi donc, le prochain recensement doit confirmer ou au contraire atténuer des craintes déjà soulevées par les spécialistes en démographie sur la question. Et pourquoi ne pas inciter les décideurs et les spécialistes à initier un débat serein sur ce problème ?D?autre part, il est attendu du prochain recensement de fournir plus de données sur la nouvelle configuration urbaine de l?Algérie du 21ème siècle. Désormais, il est admis par tous que 60% des Algériens vivent en ville. Ils n?étaient que 40% en 1977 et 33% en 1966. Cette disparité rappelle une autre plus prononcée : la densité est de 235 habitants au km2 au nord du pays contre 135 habitants au km2 au sud. Dans le même ordre d?idées, lors du dernier recensement de 1998, on a relevé que les villes moyennes et les petites villes exercent plus d?attraction que les grandes, synonymes auparavant de pourvoyeuses de travail et de conditions décentes d?exercice. Ainsi, on a relevé qu?entre 1987 et 1998, les villes de plus de 100.000 habitants ont connu une progression de l?ordre de 1.9%, contre 5.75 % pour les centres urbains de 10 à 20.000 habitants et 12.75% pour les villes de 5 à 10.000 habitants. Est-ce que cette tendance s?est réconfortée lors de la décennie séparant les deux recensements ou au contraire il s?agit d?un phénomène conjoncturel circonscrit dans le temps ? Autrement dit, est-ce que les programmes de réalisation de logements dans les grandes villes ont eu la part belle à atténuer cette tendance ou, au contraire, les Algériens, soucieux d?un autre cadre de vie que celui que leur offre la grande ville, optent de plus en plus pour les petits centres urbains, notamment ceux proches, pas très loin des grandes agglomérations ? Autant de questions auxquelles le cinquième recensement doit apporter des réponses...


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