Algérie

CINEMA ALGERIEN Chronique d'une mort annoncée


Cinéphile depuis la fin des années cinquante, je me trouve mal dans ma peau en assistant, impuissant, au déclin de notre cinéma qui brillait de mille feux. Dans les années soixante-dix, le cinéma algérien était le plus développé des cinémas maghrébins.
Il arrivait en tête du continent par sa qualité et sa maîtrise. Le vent en poupe, le cinéma algérien raflait le plus gros des distinctions décernées aux productions africaines dans des festivals internationaux. En abandonnant progressivement un cinéma emprunté peut-être à des cinémas étrangers, le cinéma algérien était sur le point de se constituer en une véritable école nationale. Considéré comme une œuvre d'un esprit fécond, le film algérien était sur la bonne voie pour se frayer un chemin dans le circuit international ; jusqu'au jour où le destin en décida autrement, ce cinéma qui soulevait tant de passion, amorça son déclin pour diverses raisons. Sans chercher à reproduire quelques préjugés, notre cinéma depuis quelques années déjà va mal, voire très mal. Du moins les diverses informations rapportées par la presse quotidienne nationale et les innombrables interventions de personnalités connues dans le giron du cinéma local l'affirment. Dans ce texte succinct, il convient de faire une place de choix à ce constat alarmant. La production cinématographique algérienne est en crise ! Le qualificatif est approprié à plus d'un titre. Dans les milieux professionnels, le temps est au pessimisme. Enfin, la production cinématographique sombre dans une profonde léthargie que, nous, cinéphiles, on est en droit de se demander si l'on n'est pas en présence d'un phénomène structurel en constante évolution. Les raisons de ce marasme sont multiples :
- Finalement, l'état mécène ne s'engage que pour quelques rares productions historiques, susceptibles de revêtir l'importance d'un enjeu culturel.
- Disparition des salles de projection. Si les unes tombent en désuétude, les autres également en piteux état sont fermées dans l'attente probablement d'une transformation destinée à une autre activité, comme ce fut le cas de l'entrée d'un grand cinéma d'Alger. Il va sans dire que cette situation qui perdure a entraîné une perte et un désintéressement du public et l'arrêt brusque des recettes provenant des entrées.
- La saignée ne s'arrête pas là, puisque beaucoup de nos cinéastes, interprètes désabusés, ont préféré s'expatrier.
- Le coup de grâce est assené par la télévision et surtout l'usage des nouvelles technologies (vidéo, DVD, etc.) Quoique non exhaustives, voilà quelques bonnes raisons de se préoccuper de l'avenir de notre cinéma. Si l'industrie du film à travers le monde a subi des transformations décisives, il n'est pas exclu qu'elle en connaîtra d'autres aussi radicales dans les prochaines années. Qu'adviendra-t-il dès lors de notre cinéma s'il continue inlassablement de péricliter ' Il disparaîtra purement et simplement dans la mesure qu'il ne pourra jamais combler le retard accumulé ! Mais il n'est pas trop tard pour relancer cette industrie du divertissement, inséparable de l'utilisation des loisirs, longtemps inscrit dans la culture de masse. Notre cinéma peut toujours renaître de ses cendres et rattraper son retard si l'état consent à le subventionner comme par le passé. Si pour l'instant l'Etat agit avec parcimonie, implicitement il ouvre une porte à l'investissement privé. Il est évident que la production d'une œuvre cinématographique nécessite un financement. L'on peut considérer qu'il devient de plus en plus difficile de réaliser un film sans se soumettre à des impératifs financiers, y compris au niveau de la distribution. Comme l'avait suggéré par ses différents écrits dans la presse il y a plus de trois décennies, une éminente personnalité très connue dans le monde de la presse et de la critique de cinéma avec laquelle j'avais échangé par courrier électronique des propos amicaux sur l'état actuel de notre cinéma, suggéra, pour alléger le fardeau de l'Etat, «la création de coopératives de producteurs où se réuniraient cinéastes, techniciens et autres interprètes par affinités et pour régénérer une dynamique de production et libérer ainsi de l'enfermement bureaucratique ce beau monde du cinéma assimilés alors à un corps de fonctionnaires». Très belle initiative si elle avait été adoptée à l'époque, sauf que l'Etat resterait toujours le bailleur de fonds. Aujourd'hui, et alors que les organismes étatiques brillent par leur absence dans la relance de cette industrie du spectacle, le cinéma s'achemine inexorablement vers une mort certaine même si on affiche toutes les bonnes volontés d'inviter le privé à prendre le relais. En conclusion, la solution salvatrice ne peut provenir que de l'Etat producteur, pour les besoins d'une infrastructure économique solide et saine.
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