Algérie

Bon repos, cher monsieur Nicolas

Amies lectrices, amis lecteurs, vous avez failli être privés de chronique cette semaine ! Je vous rassure, il ne m'est rien arrivé même si j'ai eu récemment quelques sueurs froides sur les routes de Franche-Comté et de Bourgogne. Des routes où un nombre incroyable de tarés et de beaufs semblaient s'être donnés rendez-vous pour démontrer qu'il n'y a aucune limite à la bêtise en matière de conduite automobile. Pour l'anecdote, imaginez un instant la scène : une autoroute à deux voies avec deux camions, dont l'un avec citerne, qui roulent de front et empêchent tout dépassement. Pourquoi ? Allez savoir. Peut-être une opération escargot ponctuelle ou bien un doigt levé ou encore un appel de phares qui auraient irrité les deux routards. Bref, derrière l'attelage, se déroule une longue cohorte d'impatients avec, en particulier, une grosse berline immatriculée en Allemagne, qui va à droite (c'est fermé), qui va à gauche (fermé aussi), qui s'engage un instant sur la bande d'arrêt d'urgence puis renonce (de l'intérêt, dira-t-on, de la télésurveillance sur autoroute), et tout cela à moins d'un mètre de la citerne. Puis, finalement, l'un des camions décide de se rabattre. La berline déboîte, manque alors de faire un tête-à-queue - lequel aurait provoqué un beau carambolage - puis prend plusieurs centaines de mètres d'avance pour ensuite se déporter brutalement sur la droite et s'engager au dernier moment dans une aire de repos. Comportement incompréhensible mais tellement banal.

 Mais revenons à l'essentiel. J'ai failli ne rien écrire, ayant perdu toute inspiration et sérénité. Impossible d'aligner deux phrases cohérentes. La raison est simple mais laissez-moi vous racontez comment cela s'est passé. Dimanche 26 juillet au soir : je traînais ma paresse estivale sur le net, passant d'un site à un autre, essayant de trouver la motivation pour nettoyer une boîte de messagerie en voie d'implosion quand, soudain, un courriel urgent a surgi à l'écran. « Dernière minute : le président Sarkozy hospitalisé après un malaise », tel était le message du snap (une dépêche urgente dans le langage des professionnels de l'info). Et là, de battre, mon c?ur a failli s'arrêter et ce n'était qu'un début ! Après une nuit courte et agitée, réveil aux aurores, connexion sur la toile et chasse aux nouvelles. Tiens, un autre urgent : « Sarah Palin se retire de la vie politique ». Mais, on s'en tape ! Donnez-nous des nouvelles de Nicolas !

 Dieu merci, il y avait la télévision. Un festival. Des envoyés spéciaux devant l'hôpital du Val-de-Grâce, des consultants tirés du lit ou contactés sur leur lieu de vacance. Un branle-bas médiatique qui apaisait à peine l'angoisse. On nous a appris très vite que tout allait bien, que les rumeurs de problèmes cardiaques étaient infondées et que le président sortirait de l'hôpital dès lundi matin. Une petite voix me dit alors, c'est bon, calme-toi, tu vois bien qu'il n'a rien de grave, mets-toi au boulot, les amis du Quotidien seraient contents de recevoir ta chronique en avance. Facile à dire. J'avais les jambes en coton, la main qui tremblait et le toquant déchaîné. Sur le net, le buzz s'est organisé. On parlait de tout et de rien parce que personne n'avait d'information réelle. On comparait avec le comportement des présidents précédents.

 On épiloguait sur la dangerosité du footing en plein cagnard, on glosait mais personne, oui personne, ne pensait à rassurer les milliers d'internautes qui, comme moi, étaient dans l'attente de nouvelles. Je me suis encore rabattu sur les télévisions. Plateaux et débats. J'ai souris un peu, imaginant ce qui se passait. Les patrons de l'info, les grandes stars, étant pour la plupart en vacances (normal, cumuler plusieurs emplois durant dix mois exige que l'on se repose pendant l'été), la place était libre pour les ambitieux. Dans les rédactions, certains se sont dit : « je n'ai pas intérêt à me louper ou c'est la fin de ma carrière. Alors, j'y vais à fond. Sarko à l'hôpital, c'est la news de l'été. » D'autres, encore plus sioux, ont sûrement compris qu'ils tenaient la chance à ne pas rater, l'occasion d'exister, de se faire un nom, ou plutôt un visage, de prendre option pour la suite – un bouquin, pourquoi pas, ou au moins le droit de dire « c'est moi qui était au desk ce jour-là ! ». A ce moment-là, je me suis mis à regretter la salle de rédaction, les appels qui arrivent de partout, les informateurs à qui on n'a rien demandé mais qui téléphonent tout de même et ceux que l'on cherche à joindre et qui ne répondent pas. La frénésie de la chasse à l'info…

 Et puis, le président est sorti de l'hôpital avec son épouse. J'ai commencé à aller mieux. L'angoisse diminuait, tout allait rentrer dans l'ordre. Mais... Pourquoi son épouse lui tenait-elle la main ? Etait-ce pour le soutenir ? Pourquoi est-ce elle qu'on a filmé au moment où démarrait leur voiture ? Nous cachait-on quelque chose ? Et comment être rassuré après avoir entendu cet envoyé spécial de TF1 expliquer longuement que le président devait sortir à 10h mais qu'il est sorti une bonne heure plus tard ? Alors, au lieu de me mettre à écrire ma chronique, j'ai continué, en tremblant, à attendre les nouvelles, à traquer la rumeur sur le net et à suivre les journaux télévisés en boucle.

 La journée de mardi n'a pas été plus sereine que la veille. Un porte-flingue de l'UMP a parlé d'accident cardiaque. Aïe ! Etions-nous au début d'un grand scandale politique où seraient dissimulés des secrets à propos de la santé du chef de l'Etat ? Que non ! Car, mercredi matin, ouf, ouf, et triple ouf, Nicolas Sarkozy en personne personnellement (formule empruntée à l'auteur de polars italien Andrea Camilleri) nous a, que dis-je, m'a rassuré. Ce fut dit : Il va bien, il est juste fatigué et il faut qu'il se repose un peu. Voilà une bonne nouvelle. Une excellente nouvelle. Reposez-vous monsieur le président, ménagez-nous, pardon, ménagez-vous et faites donc retraite. Prenez tout le temps qu'il faut. Un mois, six, un an ou même deux. Cela vous fera du bien. En fait, pour tout vous dire, je crois que cela fera du bien à tout le monde.

 C'est ainsi, amies lectrices, amis lecteurs. Vous savez tout. Nous sommes mercredi, je me sens mieux, bien plus serein et rassuré. Il est temps de me mettre au travail et d'écrire enfin ma chronique.






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