Algérie

Béjaïa L'élevage du poulet à du plomb dans l'aile


La flambée des prix des céréales sur le marché mondial a mis à mal les aviculteurs de Béjaïa dont certains songent déjà à changer de créneau, ont indiqué des intervenants dans la filière. «La filière, totalement extravertie, travaille désormais à perte. Sans l'aide de l'Etat, on va droit à la ruine», a prédit M. Madjid Mekhzène, président de l'association des aviculteurs qui préconise, comme parade immédiate, «la baisse de la TVA sur les intrants de 17 à 7% et la réduction des tarifs douaniers sur les intrants entrant dans l'aliment de volaille». «Nous sommes dans une crise des coûts de production», a poursuivi M. Mekhzène, indiquant que les céréales (maïs, soja, tourteau, son, et contrôles minéraux vitaminés) constituent 80% de l'aliment de volaille. «Leur prix détermine directement celui de l'aliment. Or le prix du poulet n'a pas beaucoup varié depuis des mois et a même connu des baisses significatives en début d'automne. Conséquence, les pertes se sont creusées et beaucoup d'éleveurs se sont retrouvés sur le carreau», a-t-il argué. Sans chiffrer l'ampleur de la désaffection, M. Mekhzène cite, de tête, une brochette de ses confrères contraints, à leur corps défendant, de remettre le tablier car «obérés de dettes». L'exemple le plus éloquent est celui d'un ancien éleveur à Chellata (Akbou) qui, bien que prospère naguère, a fini par jeter l'éponge. Pour échapper au purgatoire, il a dû vendre toute son exploitation à une grosse entreprise agroalimentaire de la région. «C'est une batterie de 5.000 poulets qui a été perdue. Et c'est regrettable», a-t-il regretté. Visiblement, ils sont nombreux à vouloir «faire la malle» et aller vers des créneaux d'activités moins risqués. M. Harrani, actif sur la place avicole locale et membre du bureau de l'association des aviculteurs en est de ceux-là. «Je suis fatigué. J'ai envie de prendre une retraite anticipée», a-t-il confié. Ex-armateur de pêche, il a troqué le «poisson contre le poulet» car, à l'origine, l'avenir lui paraissait plus rose sur la terre ferme que sur l'eau. C'était les années 80, coïncidant avec la mise sur orbite de la filière, «soutenue et choyée alors comme un bébé», a-t-il dit. Et c'est tout naturellement qu'il a fait sa conversion, aidé de surcroît par sa vocation de technicien agronome. Il en est résulté, au demeurant, une réussite fulgurante comme en témoigne ses investissements qui se comptent en millions de dinars, désormais. Mais, celui que ses confrères surnomment le «gentleman farmer», est aujourd'hui au prise avec une béante sinistrose. Calculatrice à la main, il parle chiffres et tire la sonnette d'alarme sur les équivoques troubles du marché. Fondant son analyse sur la base d'une batterie de 4.800 poules pondeuses qui consomment 6 quintaux d'aliment par jour, soit une ration quotidienne de 120 grammes par sujet, il en conclut à une dépense mensuelle de 500.000 DA, sachant qu'un quintal d'aliment se négocie à 2.800 DA. En intégrant les autres charges, il établit son coût à près de 640.000 DA. En revanche, sa production en oeufs, établie à 120 plateaux/ jour, vendue à 150 DA l'unité ne lui rapporte que 540.000 DA, soit un déficit d'au moins 100.000 DA. «A ce coût-là, il est préférable de les nourrir à la semoule qui est subventionnée», a-t-il fait observer, en ajoutant que «les temps ont changé pour les gallinacés, ils picorent de la devise en grains». En fait, pour lui, «la crise s'est installée dans la durée», d'autant que la filière, au-delà des turpitudes du marché des céréales, repose sur «une foule de contraintes qui rendent sa survie absolument aléatoire», a-t-il asséné. L'activité dans la wilaya de Béjaïa se singularise par de petits élevages (moins de 10.000 sujets), et qui, en plus, se trouve polluée par une armada d'éleveurs non agréés. Sur 1.593 établissements recensés, 932 n'ont pas d'agréments, selon M. Mekhzène qui relève, pour ce cas d'espèce, les quiproquos des textes régissant l'activité. «Il est exigé pour l'exercice de la profession des superficies d'un hectare. Or, en raison du relief montagneux de la wilaya et du caractère de l'indivision des parcelles, il y a très peu d'aviculteurs qui possèdent des aires dépassant un quart d'hectare. Si bien que tous les candidats, même animés de bonne foi, n'obtiennent pas d'agrément et vont gonfler les effectifs des clandestins», a-t-il déploré. «Le comble, ce sont les aviculteurs qui font figure de pionniers, ceux qui ont embrassé la profession dans les années 80, qui sont souvent au coeur du contentieux», a-t-il fait remarquer, en se désolant du fait que l'aviculteur, à ses yeux, demeure un «éternel incompris». «Le consommateur, les banques, les assurances, la sécurité sociale, tous se dressent, à force d'exigence, contre la profession», a-t-il estimé. La wilaya de Béjaïa est considérée comme le 3e pôle avicole national, avec une production de 40.000 quintaux de viande blanche et 300 millions d'oeufs.
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