Algérie

Assises de la matière grise



L?évolution de la croissance économique en Algérie va être bridée dans les cinq prochaines années par un facteur inattendu. Non plus par la rareté du capital, l?instabilité politique ou la faible pluviométrie mais par un déficit en ressources humaines de qualité. Il y a sept ou huit ans, la ressource humaine était, avec quelque complaisance certes, encore rangée dans la colonne des atouts de l?Algérie sur les fiches d?investissements. Abondante, bien formée et pas chère. Il y a encore aujourd?hui le site internet de l?ANDI (agence nationale pour le développement de l?investissement) pour y croire : « Le nombre important d?universités, de grandes écoles et de centres de formation professionnelle permet le recrutement de personnels de qualité », peut-on y lire dès le troisième facteur en faveur de l?investissement en Algérie. Mais est-ce peut-être un simple problème de mise à jour faute de webmaster disponible. La vérité est tout autre. Elle vient des investisseurs nationaux et étrangers. Ils citent de plus en plus la difficulté à trouver des collaborateurs compétents dans les métiers qu?ils se sont choisi de développer, en tête des obstacles à leur développement. Il existe des filières professionnelles entières en situation de sinistré. Les directeurs de journaux le savent qui évoquent tout le temps l?impossibilité de recruter de bons journalistes en particulier en français et spécialisés dans un domaine précis. Des projets de PME sont restés dans les cartons faute de préposé au moule dans la céramique, ou d?ingénieurs électromécaniciens dans l?injection du plastique. Le plus souvent, la rareté des compétences disponibles conduit à la rapine. Comme c?est le cas dans le secteur pétrolier où les compagnies s?arrachent les meilleurs ingénieurs en forage. Les assises nationales qui viennent de se tenir sur la stratégie industrielle ont été l?occasion de prendre la mesure du retard pris par l?Algérie dans la qualification de sa ressource humaine. Le savoir-faire dans l?industrie en particulier n?a pas été renouvelé. Pire, il a connu une dramatique érosion. Il y a une vingtaine d?années, l?Etat a organisé l?hibernation de l?outil industriel public en attendant de le mettre en configuration de marché. Les équipes en place se sont disloquées. La formation par l?effort public s?est affaissée, puisque le débouché industriel était en disgrâce. Et rien n?est venu prendre le relais. Toutes les enquêtes menées au sein du secteur économique arrivent à la même conclusion : il n?y a pas de culture de la formation dans les entreprises algériennes. Ce n?est pas leur priorité. Pour les spécialistes, c?est là aussi à l?Etat de montrer le chemin. La formation des élites est redevenue un souci des classes les plus aisées depuis trois ou quatre ans. La percée des écoles privées en est le témoignage biaisé. Des franges des classes moyennes se sont engouffrées dans la brèche et misent à nouveau prioritairement sur une qualification d?excellence de leurs enfants pour assurer leur avenir. Le mouvement a précédé les délibérations de la sphère politique. Tout le monde ne peut pas faire le lycée international d?Alger et partir à l?étranger pour son palier universitaire. Les investisseurs étrangers ne peuvent pas recourir indéfiniment à des expatriés. Le gouvernement tente, en tâtonnant, un plan de rattrapage. Il comporte entre autres un partenariat privilégié avec les grandes écoles françaises, comme le montre la visite spectaculaire il y a deux mois de l?ensemble de leurs directeurs à Alger. Cela ne suffira pas. La démarche n?est pas pensée dans sa globalité. A la fin des assises sur la stratégie industrielle, nombreux se demandaient s?il ne convenait pas de commencer par des assises sur la formation qualifiante et sur la production des élites.
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