Algérie - Arts et Cultures Divers


Alger
Alger la blanche

Capitale du pays auquel elle a donné son nom, Alger la blanche - qui avec son agglomération comptait 2 130 000 habitants en 1987, année du recensement - est une grande métropole africaine, méditerranéenne et arabe. Sur le site d'un comptoir punique (l'Icosium romain), Alger la blanche a été fondée sous son nom actuel comme port du royaume ziride à la fin du Xe siècle (IVe siècle de l'hégire).

Capitale ottomane puis coloniale, Alger a pu, face à l'Europe, utilement exploiter sa position médiane sur le littoral du Maghreb central, dans des conjonctures et à des fins différentes, même si son site primitif, peu favorable à son rôle et à son extension actuels, a dû s'élargir vers le sud-est et n'offre plus qu'un quartier historique écorné et dégradé : la Qaçba. À l'étroit même dans ses nouvelles limites, confrontée aux problèmes de ses fonctions multiples à la tête d'un état très centralisé jusqu'en 1983, Alger a fait du Sahel et de la Mitidja qui l'avoisinent une aire complémentaire où elle a projeté beaucoup de ses activités - gestion et production - et de son habitat jusqu'à la crise actuelle, économique, sociale, culturelle et politique plus sensible ici qu'ailleurs en Algérie.
1. L'HERITAGE DE L'HISTOIRE
Au passé Alger doit sa position, son site initial - la Qaçba -, l'orientation de ses extensions coloniales et son rôle centralisateur.
Sa situation est celle de bien des grands ports méditerranéens, sur une baie arquée ouverte au nord, adossée à la retombée est des collines du Sahel, incluant le massif de Bouzaria, près du débouché littoral d'une plaine fertile, la Mitidja. Au-delà, elle commande l'accès, vers l'ouest, à la vallée du Chelif, vers l'est, aux hautes plaines constantinoises, voies naturelles traditionnelles qui relient la Tunisie au Maroc. Au sud, la vallée de la Chiffa l'ouvre, à travers les steppes, au Sahara, au Mzab et à l'Afrique sud-saharienne. Le site lui-même était au Xe siècle celui d'îles (Al-Djazaïr, des Benou Mezghana). Reliées à la côte par une jetée en 1529, elles protégèrent la rade de l'Amirauté, port de commerce et de course pendant les guerres de l'époque turque. Ce port étiré depuis au sud-est vers la Mitidja et l'oued el-Harrach, flanqué du rail et de la route le long de l'étroit passage ouvert entre mer et Sahel, a été conçu du XIXe siècle à l'indépendance comme le lien majeur du pays avec la puissance coloniale.

ALGER LA BLANCHE, ALGERIE, ALGER, PHOTO De la medina, qui dévale de la citadelle (Qaçba) à la marine, seule la partie haute conserve un peu de l'urbanisme précolonial : sur moins de 1 kilomètre carré s'étend un quartier surpeuplé, surtout de migrants des campagnes, et souvent menaçant ruine, hormis d'anciens palais et des mosquées, surtout d'époque turque. C'est le témoin d'une ville qui compta 100 000 habitants, avec ses faubourgs de Bab Azoun et Bab el-Oued, d'un XVIIIe siècle ...
prospère, Bab el-Oued, d'un XVIIIe siècle prospère, avant de retomber à 30 000 environ en 1830. Sauf Bab el-Oued, les quartiers coloniaux s'étirent vers le sud-est le long des axes de communication et du port, accolant au centre résidentiel et commercial du début du XXe siècle des quartiers populaires (El-Madania), ouvriers et industriels (Hussein Dey, El-Harrach) ceints d'habitats précaires, que dominent résidences et villas des "Hauts", de Bouzaria à Kouba.
Son rôle centralisateur, Alger l'a dû à l'origine plus à l'appel fait en 1516 à Baba 'Arudj et à Khaïr ed-DIn (Barberousse) qu'à sa position et à son site : capitale de l'odjaq (milice turque) et de son dey élu, quasi indépendante de la Porte après 1711, elle resta, après 1830, comme siège du gouvernement général et des assemblées coloniales, le centre d'un pouvoir plus autoritaire installé par la France avec juridiction sur un territoire étendu, des infrastructures et des fonctions couvrant toutes les activités économiques et politiques. De 1962 aux années 1980, cet héritage a joué d'autant plus que l'initiative généralisée de l'État pouvait seule assurer un développement du pays.

2. IMPORTANCES ET DIVERSITES DES FONCTIONS CENTRALES
Siège du pouvoir central, des ambassades, de l'unique université jusqu'en 1968, Alger était aussi celui des banques nationalisées, des sociétés nationales industrielles et des offices commerciaux, comme elle reste celui des principales entreprises capitalistes privées. Son activité est, depuis les années 1980, de plus en plus dominée par le tertiaire, déjà fort, en 1977, de 236 000 travailleurs dans les wilayat d'Alger et Blida (50,2 p. 100 des actifs employés). Ce secteur d'emploi, le premier même en zone rurale, cas unique alors en Algérie, touchait 65 p. 100 de ceux d'Alger même. Certes, de 1966 à 1977, la diffusion des services dans tout le pays y avait accru d'un tiers ce type d'emploi, ramenant de 30 à 25,4 p. 100 la part d'Alger ; mais cette diffusion, en y projetant des fonctions centrales, avait bénéficié à sa zone rurale : la région entière, avec 15,2 p. 100 des habitants du pays, en groupait 39,3 p. 100 (38 p. 100 en 1966). Les cadres administratifs, économiques et culturels restent très surreprésentés à Alger, en dépit de la décentralisation lancée dès 1981. Ainsi, si le nombre des médecins des services publics, peu accru (de 713 en 1985 à 853 en 1991), est passé de 19 à 11 p. 100 du total algérien, la libéralisation, y a multiplié les médecins privés, et porté dans la capitale le taux de desserte à 1 médecin pour moins de 600 habitants, contre 1 pour plus de 1 000 dans le pays. En fait, là où la population algéroise recevait de l'État des services supérieurs à la moyenne, ceux-ci ont décliné, tandis que leur niveau continuait de s'élever, durant les années 1980, ailleurs dans le pays : ainsi, malgré la constance relative de l'effectif des classes d'âge, le nombre des écoliers de la wilaya capitale a régressé, de 1985 à 1990, passant de 266 000 (100 p. 100 des enfants scolarisables) à 242 000 (dont 118 793 filles) ; celui des collégiens du niveau moyen, de 159 804 à 124 390 (62 140 filles) ; seul celui des lycéens s'est accru. Le nombre de téléphones, passé de 1 pour 12 à 1 pour 11 Algérois, n'a crû que de 22 p. 100. Leur taux reste de 24 p. 100 de ceux du pays, contre 30 p. 100 dix ans plus tôt. Avec 337 000 automobiles (1 pour 6 Algérois), Alger n'a plus désormais que moins de 3 sur 10 des véhicules du pays.

Mais cette "remise à la norme" du pays par le déclin masque le rôle majeur acquis ici, plus que dans la plus grande partie du pays, au rythme de la montée du chômage et de la hausse du coût de la vie durant la décennie de 1980, par l'économie informelle, surtout de luxe, structurée par un marché jouant de la spéculation sur le dinar et l'importation clandestine banalisées comme trabendo.
Si les exportations du port ont régressé de 50 p. 100 de 1980 à 1990 (à 888 000 t) tout en restant à 55 p. 100 du volume national, ses importations ont crû, elles, de près de 40 p. 100 (à 5,5 millions de tonnes, toujours 31 p. 100 du volume national), formées de plus en plus de biens de consommation. Dar el-Beïda est resté, avec 4 millions de voyageurs par an, au centre d'un trafic aérien pour 40 p. 100 intérieur, accru jusqu'en 1990. Alger demeure le premier carrefour routier et le premier noud ferroviaire du pays. Mais, même si les transports y emploient toujours près de 1 actif sur 10, les déficiences de son réseau urbain d'autobus se sont aggravées, laissant, à côté d'une surcharge de voitures particulières, une place croissante aux taxis, clandestins compris. Le manque des moyens publics a, depuis 1986, assoupi le chantier de prestige du métro : le trafic des trains de banlieue n'a été qu'intensifié, ce qui n'a pas empêcher d'achever un périphérique, de l'aéroport à El-Biar, et une autoroute vers l'est.

Alger , restée aussi - de plus en plus avec sa région - le premier pôle industriel d'Algérie, a souffert plus que d'autres du déficit de devises, qui gêne l'importation de matières premières et d'équipements, et de l'ouverture aux produits importés aux dépens des investissements. Malgré le médiocre succès de l'appel croissant au capital privé, l'espace des anciennes wilayat d'Alger et de Blida conserve, grâce au secteur du bâtiment, plus que ses quelque 175 000 travailleurs de 1977 (70 000 en 1966), qui, face au tertiaire et à l'informel, y représentent plus du tiers des emplois (37,5 p. 100 en 1977 ; 20 p. 100 en 1966). Mais l'industrie de transformation, plus que le bâtiment, ne garde les siens qu'au prix d'une baisse de productivité qui répugne au privé, et qu'acceptent mal les entreprises publiques restructurées, que l'accord de 1994 avec le F.M.I. menace d'une proche privatisation.

3. Un frein mis à la croissance démographique dès avant la crise sociale,
Alger est la capitale la moins "macrocéphale" du Maghreb, une des plus équilibrées des pays arabes, d'Afrique et du Tiers Monde. De 1962 à 1987, son évolution démographique a démenti les projections catastrophistes de "croissance exponentielle" de la population : celle-ci n'a même pas doublé, et a retrouvé un rythme moyen de croissance inférieur de 10 à 15 p. 100 à celui du pays entier. Autour de l'indépendance, un apport massif avait substitué, dans un parc de logement inchangé, environ deux fois autant d'habitants qu'il était parti de pieds-noirs, portant la population du Grand Alger à 942 000 habitants, 1 140 000 avec la banlieue, en 1966, au taux de 2,7 habitants par pièce. Une croissance marquée par la fécondité naturelle d'une population jeune et un excédent migratoire s'est poursuivie jusque vers 1972. Dès lors, la tendance s'est inversée, tant en raison d'un abaissement précoce du taux de natalité propre à la population urbaine que du fait de l'inversion du bilan migratoire due, dans les années 1970, à la redistribution de cadres, techniques et administratifs, vers les villes et créations urbaines de l'intérieur.

Toutes les communes issues de l'Alger colonial et, sur les Hauts, El-Biar ont, depuis 1977, connu une perte absolue du nombre de leurs habitants, et la Qaçba une stagnation. Certes, ce recul va parfois avec celui de l'espace logeable : l'effondrement de maisons bicentenaires de la Qaçba prépare celui d'immeubles mitoyens, solidaires. Hors ce cas, celui des 1 400 logements du Hamma détruits en 1984 pour "rénovation", et la faible part des 10 000 logements précaires détruits alors relevant du centre-ville, le parc immobilier y a été, pour l'essentiel, conservé. Mais des locaux y ont été transformés en bureaux, d'autres laissés vacants à des fins spéculatives, des regroupements en grands appartements contribuent au desserrement de résidents des classes aisées, dont une partie s'est installée, dans le Sahel, dans les villas de lotissements aérés. Il y a là, amorcé dès 1972, un phénomène classique de centre-ville.

Ce desserrement a pour rançon la croissance de banlieues denses : les communes sud et est du Grand Alger , Djasr Qçentina, Baraki et, surtout, Les Eucalyptus, au sud d' El-Harrach . La ville nouvelle de Bab ez-Zouar , toujours en wilaya d' Alger , en diffère bien : outre l'université Boumediene, elle a reçu dans ses grands ensembles, au cours des années 1980, cadres, fonctionnaires et salariés, surtout jeunes. Quant aux wilayat limitrophes de Tipasa, Boumerdès et Blida (celle-ci surtout autour du noyau industriel de Sidi Moussa) elles ont reçu, de 1977 à 1987, respectivement 16,7 p. 100, 15,4 p. 100 et 10,9 p. 100 des 142 240 migrants sortis d'Alger, les grands ensembles de Reghaïa, à la limite est de sa zone industrielle (Z.I.), servant à recaser les expulsés du Hamma.

Ces banlieues croissent d'autant plus vite que, Bab ez-Zouar excepté, le recul de la démographie naturelle y a été moins précoce que dans le reste de l'agglomération. Reghaïa et Djasr Qçentina, des Z.H.U.N. (zones d'habitat urbain nouveau), comptent surtout de grands ensembles ; Les Eucalyptus et Sidi Moussa, surtout des lotissements serrés, juxtaposés, avec peu d'équipements et d'espaces publics. Les taux de croissance annuels ont atteint, en 1977-1987, 14 p. 100 à Djasr Qçentina et 24 p. 100 aux Eucalyptus, qui ont reçu l'un quelque 20 000, l'autre 47 000 migrants, presque tous venus d'Alger. Sidi Moussa a accueilli 11 000 migrants, et Reghaïa 12 000 ; leurs populations respectives se sont accrues d'environ 7 et 8 p. 100 par an (des taux analogues avaient été enregistrés dans la période 1966-1977).



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