200 oliviers sacrifiés pour une déchèterie, qui dit moins '

Alaghen est un village agricole situé entre Tazmalt et Akbou, dans la vallée de la Soummam. Constitué essentiellement de champs d'oliviers, Alaghen dépend administrativement de la mairie de Tazmalt. Traversé par la RN26 et la voie ferrée Béjaïa-Alger, ce village est longé par l'oued Sahel, ceinturé par le barrage de Themdet Serdout après qu'il ait «grignoté» une grande superficie des terres, lors de sa montée spectaculaire dans les années 1990.Les terres d'Alaghen sont cultivées par les familles propriétaires. On trouve aussi des terres dites de domaine, «le commis», propriétés d'Etat qui ne peuvent être vendues, louées lors de la récolte annuelle. Au pays de l'olive, l'oléiculture est importante, mais pas seulement. Les terres ici sont fertiles et les arbres fruitiers nombreux : figuiers, orangers, citronniers, néfliers, grenadiers.Travailler son jardin pour y récolter au moins l'ail, l'oignon, le piment, la menthe et les épices, la citrouille et la pommes de terre, rythme les traditions et les activités économiques familiales. L'élevage est aussi un secteur actif, du taureau pour la viande à la chèvre pour le lait, en passant par les «poules électriques», les poulets de chair, de viande blanche, et les poulets dits «kabyles», poulets de ferme, de viande rouge. «Alaghen est connu pour le produit de ses terres dans tous les alentours depuis des générations.On travaillait même le blé ici. On a tout, il suffit de semer une graine et de récolter la saison qui suit», racontent les agriculteurs. Alaghen abrite également son école primaire et son CEM. Un vieux village bouillonnant de jeunes. Les décharges sauvages sont un des grands problèmes de gestion de la région. Un problème à l'échelle nationale qui ne semble pas se résoudre, ni du côté de la responsabilité individuelle de chacun ni du côté des communes où le ramassage des poubelles n'est pas adéquat, quand il est fait. Il en est ainsi pour Alaghen où les amas de déchets rendent visiblement malades terres et arbres.TronçonneusesQue faire pour y remédier?' Une solution serait peut-être d'augmenter la capacité du ramassage déjà en place, et de construire une déchèterie publique dans une des zones industrielles de la commune. Mais pourquoi faire petit quand on peut faire monstrueux?' La mairie de Tazmalt, elle, voit grand avec un projet algéro-espagnol ambitieux entrepris par Delta Environnement. Elle construira une déchèterie privée à tonnage payant, intercommunale, voire interwilayas, pour valoriser la matière de Maillot (wilaya de Bouira) à Sidi Aïch (wilaya de Béjaïa).Mais où construire ce futur propre?' En plein milieu des oliviers bien sûr, à Alaghen. C'est bien connu, la campagne, comme le Sahara, est vide. Ainsi, un terrain de deux hectares, situé entre le CEM, les maisons et l'oued Sahel, a été choisi par l'APC. «Pour cette déchèterie, ils sont en train de couper et déraciner 200 à 300 oliviers, ils ne vont pas les replanter», explique un éleveur alerté par le bruit des tronçonneuses et venu constater les dégâts.«Pourquoi construire une déchèterie en face de notre CEM, et sans nous informer?'» s'indignent les parents d'élèves. C'est en face d'une déchèterie que les collégiens penseront à leur lendemain. Comme le gaz de schiste, la déchèterie n'est évidemment pas polluante. Le cocktail chimique des fumées évacuées par les chaudières et les incinérateurs sera avalé par l'ogre du dioxyde, les particules de métaux lourds seront absorbées par l'ogre du plomb, et les eaux utilisées pour le nettoyage des déchets seront bues par l'ogre des trois puits qui ceinturent le site, et qui alimentent plus de 15 villages.Ces trois ogres ramèneront les rejets toxiques en Ogrerie pour protéger l'air, la terre, l'eau et la santé publique. Si l'idée de fond n'est pas mauvaise, le choix du site, lui, est incompréhensible. «C'est une terre de domaine qui ne peut pas être vendue, elle est d'ailleurs louée tous les ans pour la récolte des olives», rappelle un oléiculteur qui loue des terres ici chaque année. Comment une terre de domaine a-t-elle pu être cédée?'Aucune annonce publique n'a été faite, pré-accord de construction malgré la législation qui le requiert. L'APC approchée par les villageois mécontents se défend. Elle assure que les habitants ont été mis au courant. Enfin, dix. «Ces habitants d'Alaghen ont signé leur accord, affirme-t-elle, les travaux commenceront dans deux semaines.»L'APC insiste aussi sur le caractère probe de ses démarches. «Nous avons présenté la déchèterie lors d'une réunion de sensibilisation. Une commission d'étude a été envoyée pour étudier le site», confirme un représentant. Les laborantins venus contrôler la composition du terrain sur place auraient en effet confirmé que celui-ci est conforme. Mais conforme à quoi?' Sans doute, à l'Algérie de demain.