Alger - SILA : Salon International du Livre d'Alger

La Mauritanie, invitée d'honneur du SILA 2025 : un pont culturel entre le Sahel et la Méditerranée


La Mauritanie, invitée d'honneur du SILA 2025 : un pont culturel entre le Sahel et la Méditerranée

Fondé en 1992, le SILA s'est imposé comme un hub incontournable pour les éditeurs, auteurs et lecteurs du Maghreb et d'Afrique subsaharienne. Cette année, l'événement dépasse les frontières du livre pour inclure des conférences, des signatures, des ateliers de lecture et des performances artistiques, rythmant dix jours de rencontres intellectuelles. Avec plus de 200 000 visiteurs attendus, il incarne parfaitement son thème en favorisant les échanges interculturels.

La Mauritanie, pays de contrastes où le Sahara embrasse le fleuve Sénégal, arrive en force. Dirigée par le ministre de la Culture, des Arts et de la Communication, El Houssein Ould Medou, la délégation mauritanienne déploie un programme foisonnant : expositions d'œuvres littéraires, tables rondes sur les patrimoines communs arabo-africains, et spectacles mêlant musique griotique et poésie hassaniya. Un temps fort est la conférence-débat sur les "référentiels communs entre l'Algérie et la Mauritanie", qui explore les liens historiques et linguistiques entre les deux nations. Par ailleurs, des discussions bilatérales avec la ministre algérienne Malika Bendouda portent sur la création de parcs culturels conjoints – l'un à Adrar en Algérie, l'autre à Tagant en Mauritanie – pour préserver un héritage partagé. Ces initiatives scellent une "nouvelle dynamique culturelle" entre les deux pays, renforçant les liens au-delà des frontières sahariennes.

Cette présence mauritanienne au SILA n'est pas fortuite. Elle reflète la vitalité d'une scène littéraire en pleine ébullition, où le français, langue de l'héritage colonial, se mue en outil d'émancipation et de dialogue. En invitant la Mauritanie, l'Algérie souligne son rôle de "trait d'union" entre le Maghreb et l'Afrique de l'Ouest, un pays bilingue où l'arabe hassaniya côtoie le français dans les écoles et les médias.

Aperçu de la littérature francophone mauritanienne : des sables aux pages

La littérature francophone mauritanienne, bien que discrète sur la scène internationale, est un joyau hybride, nourri par un plurilinguisme ancestral (hassaniya, poular, soninké, wolof) et une multiculturalité entre Arabes, Berbères et communautés noires. Son émergence remonte à la colonisation française, qui impose le français dès le début du XXe siècle via l'administration et l'enseignement. Mais c'est après l'indépendance en 1960 que l'écriture francophone s'affirme, influencée par la Négritude de Senghor et Césaire, tout en puisant dans l'oralité griotique : contes, proverbes, épopées comme T'heydinne (patrimoine UNESCO).

Les premiers pas sont timides. En 1965, Oumar Bâ publie Poèmes peul modernes, une œuvre pionnière qui infuse le lyrisme peul dans la langue de Molière. Assane Diallo suit de près, posant les bases d'une poésie engagée. Les années 1990 marquent l'entrée en scène des romanciers : Moussa Ould Ebnou, premier auteur arabo-berbère, explore dans ses récits l'identité mauritanienne fracturée. Puis viennent les années 2000, dominées par les thèmes brûlants de l'esclavage persistant et des émeutes raciales de 1989, qui divisent le pays entre Maures et "Noirs".

 

 

Parmi les figures emblématiques :

  • Bios Diallo, dont La Saigne (2005) dépeint avec crudité les plaies sociales du pays.
  • Abdoul-Ali War, voix puissante contre l'injustice : Le Cri du peuple (2009) et J'ai égaré mon nom (2012) scrutent l'exil intérieur et la quête identitaire.
  • Mama Moussa Diaw, avec Les racines du fleuve (2018), un roman de révolte et d'espoir face à l'injustice.
  • Ousmane Moussa Diagana, poète aux vers hybrides, et Mariem Mint Derwich, qui infuse féminité et spiritualité dans ses textes.
  • Habib Ould Mahfoudh, passeur culturel dont les essais et chroniques enrichissent la francophonie mauritanienne.

Les thèmes récurrents ? La cohabitation conflictuelle ethnique, l'esclavage (abolition formelle en 1981, mais réalité persistante), la féminité dans un monde patriarcal, et le lyrisme patriotique teinté de prière sahélienne. Cette littérature est un "trait d'union" entre Afrique subsaharienne et Maghreb, mêlant oralité (chants de mariage, odes islamiques) et écriture moderne, dans une esthétique hybride marquée par l'intertextualité. Des études comme celle de Mbouh Séta Diagana (Littérature francophone de Mauritanie, 2020) ou l'anthologie de Mamadou Kalidou Bâ (2016) soulignent son émergence tardive mais vigoureuse, avec une eighty d'œuvres publiées en Mauritanie et en France.

Malgré une diffusion limitée – due à un marché éditorial naissant –, l'internet et les revues comme Interculturel Francophonies amplifient sa visibilité. Au SILA, cette littérature trouve enfin une scène : des stands dédiés exposent ces trésors, invitant à redécouvrir un pays où le mot est un oasis dans le désert.

 

 

Vers un horizon partagé

La Mauritanie au SILA 2025 n'est pas qu'une célébration : c'est une affirmation. En déployant ses couleurs culturelles – du griot au roman francophone –, elle tisse des liens durables avec l'Algérie et le monde arabe-africain. Pour les auteurs mauritaniens, c'est l'occasion de briser l'isolement, de dialoguer avec des plumes maghrébines et subsahariennes. Dans un monde fragmenté, ce "carrefour des cultures" rappelle que la littérature, comme le Sahara, unit plus qu'elle ne divise. Rendez-vous à Alger, où les sables mauritaniens rencontrent les vagues méditerranéennes.


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