Alger - Revue de Presse

Haute finance en algérie : où en est-on ?




La haute finance concerne les techniques, les instruments et les opérations liés aux marchés financiers. Fondamentalement, le tout a pour but, surtout, de mobiliser l'épargne privée pour financer les investissements privés et publics.

Dans ce sens, en Algérie, un premier pas a été fait, par la création d'un marché financier : la bourse des valeurs mobilières d'Alger (BVM). Mais avec moins d'une dizaine de titres côtés, entre actions et obligations, son rôle est encore insignifiant dans le financement de l'économie nationale.

 Pourtant, on ne peut ignorer la haute finance ou être plus ou moins indifférent envers elle. D'abord, par son impact de l'extérieur sur l'économie algérienne, ensuite, sur le plan intérieur, par les possibilités de mobilisation de l'épargne privée qu'elle peut offrir, particulièrement, en favorisant les financements alternatifs aux financements publics. Aspect qui nous intéresse le plus dans cet article, en tant qu'une des solutions possibles pour ménager les ressources financières publiques sur lesquelles, avec le temps, s'exerceront des tensions insoutenables, surtout si l'Etat demeure le plus gros investisseur.

1-Haute finance mondiale et économie algérienne

Les activités financières mondiales, d'une manière ou d'une autre, à un moment ou un autre, ont des conséquences économiques et financières sur notre pays. Ainsi, l'emballement du système financier mondial enclenchant une crise financière d'ample envergure, à partir de la mi-2007, a eu deux impacts sur l'Algérie. L'un, financier, a provoqué la chute des prix mondiaux des hydrocarbures et donc

 de nos revenus extérieurs. L'autre a influé sur notre politique économique. En effet, la crise dite des « subprimes » qui a failli emporter de puissantes économies nationales libérales, a obligé leurs dirigeants à mettre en veilleuse le libéralisme en faveur de l'interventionnisme. En Algérie, l'effet de contagion ne s'est pas fait attendre, une autre politique économique fondée sur un rôle beaucoup plus actif de l'Etat est venue se substituer à la politique libérale débridée au cÅ“ur de laquelle s'est située la privation tous azimuts. Même notre mère nourricière : la SONATRACH allait y laisser…sa peau. Comme le dit un proverbe français « à quelque chose, malheur est bon ».

 Autre impact, à une échelle réduite, micro-économique, est celui du changement de propriétaire d'origine étrangère d'une entreprise de télécommunication : Djezzy, où le tenant des actifs de cette société, un groupe transnational égyptien, les a cédés à un autre groupe, russo-norvégien, dans le cadre d'une opération de fusion acquisition. Ce transfert d'actifs, à travers le marché financier mondial, n'a pu permettre aux autorités publiques, ni d'en connaître les détails, ni d'exercer, en temps opportun, leurs prérogatives légales en la matière. Les opérations de fusion acquisition ou absorption sont courantes à travers les marchés de capitaux mondiaux où des blocs d'actions s'échangent ou s'achètent, entre les grands groupes, en fonction de leurs stratégies de croissance extérieure ou de redéploiement géographique des activités de services ou autres. Dès lors, plusieurs filiales disséminées dans le monde, appartenant aux groupes impliqués dans les transferts d'actifs, vont changer de propriétaires. Parfois les conséquences sont terribles, la fermeture sans état d'âme de certaines filiales par le nouveau patron, par exemple pour raison de rentabilité, jetant dans la rue des dizaines, sinon des centaines d'ouvriers et cadres, d'où un problème social qu'un Etat doit résoudre et encore, s'il en a les moyens financiers.

 Du fait de la structure de son commerce extérieur basé sur la mono exportation, le degré de vulnérabilité de l'économie algérienne est élevé, il le devient encore plus avec son ouverture aux investissements des entreprises étrangères. Il ne s'agit nullement de les empêcher, surtout si les apports de capitaux étrangers participent au développement économique et social du pays. Mais il devient indispensable de bien s'informer sur les sociétés transnationales et leurs pratiques ainsi que sur la finance mondiale, afin de se prémunir, dans la mesure du possible, de certains risques qui leur sont liés. A cet effet, il serait opportun de créer un centre d'information et d'analyse sur les transnationales et la finance mondiale ou deux centres distincts, pour l'un et l'autre, selon une vision algérienne. L'un ou les deux centres, en fournissant des informations traitées, permettront aux autorités publiques de prendre les décisions adéquates, bref, prendre des décisions en toute connaissance de cause, ce qui est désigné par le concept d'intelligence stratégique.

2- Haute finance et financements publics

L'intelligence stratégique suppose aussi qu'à un problème futur crucial influant sur la vie de la nation et le bien-être du citoyen algérien, on cherche, dès aujourd'hui, les solutions idoines et qu'on décide de les appliquer.

 A notre sens, dans le domaine de la finance publique, le problème qui risque de se poser est celui des déficits budgétaires eu égard aux besoins croissants d'une population de plus en plus nombreuse, en supposant même une stabilité des cours des hydrocarbures. Il est possible que les pouvoirs publics aient fait leurs calculs, en se disant qu'avec l'achèvement de grands projets, particulièrement, les grandes infrastructures routières, l'Etat aurait une plus grande aisance financière. Ce qui n'est pas sûr. Toujours est-il face à ce que peut nous réserver l'avenir, la meilleure démarche est celle qui consiste, inlassablement, à réduire la pression exercée sur les ressources financières publiques et trouver des financements alternatifs aux financements publics, là où la possibilité existe, en mobilisant l'épargne nationale privée, entre autres et c'est ce qui nous intéresse, grâce à certaines pratiques liées à la haute finance. Pour illustrer notre propos, prenons deux cas de figure.

 Dans la réalisation des infrastructures routières, le financement est exclusivement public. On peut imaginer que pour certains tronçons d'autoroutes à péage, on crée une entreprise mixte publique-privée (nationale ou étrangère). Elle aura à charge la concrétisation du projet et le soin de mener à bien l'opération d'exploitation de l'autoroute. Selon les termes du contrat, soit elle le fait elle-même, soit elle monte une opération de concession de l'exploitation à d'autres entreprises. Le financement du projet pourrait s'effectuer avec des fonds levés sur le marché financier algérien, en contre partie d'une émission d'obligations, pour une durée appropriée. Les titres seront remboursés sur retour d'investissement : les flux de revenus générés par l'exploitation de l'autoroute à péage ou ceux, issus de la cession de la concession. Le principe peut même être appliqué aux transports ferroviaires, reliant deux villes ou plusieurs villages pas trop distants. Alors le rôle de l'Etat qui ne débourserait pas un sou, sauf pour les études préliminaires, serait de contrôler sur le terrain, si les termes du contrat sont scrupuleusement respectés.

 Ce type de mécanisme dit BOT (Build Operate and Transfert) est répandu à travers le monde et même nos dirigeants, vers 2002/2003, ont pensé l'utiliser pour réaliser l'autoroute est-ouest, en passant un contrat de concession avec une entreprise américaine. Dans ces conditions, le financement aurait été extérieur (La Tribune du 30/09/2003). L'idée a été abandonnée. Tant mieux, ne serait-ce avec la crise financière qui s'est caractérisée par un assèchement des liquidités mondiales, la réalisation de notre autoroute de 1200 Kms aurait été en …panne sèche. Autre cas de figure qui serait envisageable, celui du désengagement de l'Etat vis-à-vis du financement public des déficits d'entreprises publiques économiques (EPE) non stratégiques, en lui substituant un financement privé.

 Le lourd endettement des EPE auprès des banques, a conduit le bras financier de l'Etat: le trésor public, à financer les créances bancaires, particulièrement, les découverts, en les transformant en titres publics remboursables à plus ou moins longue échéance, sur ressources publiques disponibles et/ou sur ressources empruntées, suite aux émissions de bons du trésor. A y regarder de près, la technique utilisée est celle de la titrisation qui consiste à sortir du portefeuille des banques des créances jugées irrécouvrables contre des liquidités d'origine publique. Récemment, le Fonds National de l'Investissement doté d'un capital de 150 milliards de D.A. a été chargé d'alléger les tâches du Trésor Public pour le financement des grands travaux publics, mais aussi de financer et recevoir les titres des EPE issus de la titrisation des créances bancaires détenues sur ces EPE.

 Afin de réduite la pression sur les ressources publiques, il est possible d'utiliser la même technique financière, pour le même objet, mais sans que l'Etat y soit impliqué financièrement. Dans ces conditions, hormis pour les créances des EPE dont la situation est déplorable, avec des possibilités de redressement financier faible, les banques pourraient elles-même rééchelonner la dette à très court des autres EPE en dette plus longue et la financer avec l'émission du titre financier adéquat sur le marché financier, donc sur épargne privée. Ce type d'opération peut concerner aussi les créances d'entreprises privées détenues par les banques. Lorsque les opérations sont menées selon les règles de l'art et en toute transparence, le risque de pertes financières est minime.

 Ce genre de pratiques est courant dans les pays développés de

marché, néanmoins le processus de titrisation a été dévoyé, en servant surtout d'instrument de spéculation, eu égard à sa vocation première, celle de servir d'instrument de refinancement d'acteurs engagés dans le soutien d'activités économiques

 En Algérie, la technique de titrisation a été codifiée dans un texte de loi, en date du 12 mars 2006, néanmoins, elle concerne uniquement le refinancement des créances bancaires liées aux prêts immobiliers. Il conviendrait de revoir cette loi en l'enrichissant d'autres types de créances susceptibles d'être titrisés accompagnés des règles à respecter.

Conclusion

Après la crise financière mondiale et suite à l'affaire Djezzy, nos dirigeants ont pris la mesure des dangers que peut représenter la haute finance mondiale sur notre économie, comme celle de favoriser, sur le plan national, la haute finance, permettant de trouver, particulièrement, les financements alternatifs aux financements sur ressources publics.

 Dans ce sens, des efforts ont été entrepris. Nous citerons la constitution du FNI susceptible de se refinancer sur le marché financier, comme du FSIE (Fonds de Soutien de l'Investissement pour l'Emploi) qui a choisi la voie du financement alternatif au financement public, en mobilisant la petite épargne des particuliers pour former son capital, l'encouragement des banques à se lancer dans la mise en place de sociétés capital investissement, régies par la loi 06-11 du 24 juin 2006 (JORA du 25/06/2006). Il y a aussi celle sur la titrisation qui nous paraît trop restrictive, sans compter cette possibilité de s'assurer contre un risque de crédit. Le type d'assurance visé est l'assurance caution, instituée dans l'article 59 bis de la loi 06-04 du 20 février 2006 (JORA du 12/03/2006). Dans le jargon financier universel, cette assurance s'apparente à un dérivé de crédit : le CDS (Credit Default Swap) qui consiste, moyennant une prime, à recevoir le montant des pertes subies sur des créances détenues sur une personne morale ou physique.

 Il faut dire que l'ensemble des initiatives prises ne s'est pas encore traduit par une activité plus ou moins intense à travers la BVM d'Alger. Le défi majeur est de pouvoir attirer l'épargne privée, et là deux obstacles de taille, d'abord, la très faible culture de la haute finance au sein des couches sociales où existent des gisements d'épargne, ensuite, le phénomène du marché informel qui siphonne une grande partie des liquidités engagées dans des activités hautement rentables.  

* Professeur Faculté de sciences économiques et de gestion, Annaba.






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