Il était un notable et un savant d'Alger . Il a écrit Le Miroir dans lequel il dénonce les exactions des soldats français à Alger peu après la conquête de l'Algérie par la France.
Hamdane Ben Othman Khodja appartient à une famille de notables algérois, son père, Othman, un jurisconsulte de renom, jouissait d’une grande estime auprès de l’administration de la Régence d'Alger, représentée à sa plus haute échelle par le dey. Ayant montré des compétences inouïes en matière de lois, le dey lui confia la supervision des comptes budgétaires et les dossiers contenant les noms et les grades, ainsi que les traitements des janissaires. En plus de l’administration, le père de Hamdane exerçait également le métier d’enseignant qu’il transmettra plus tard à son fils. Son oncle Mohammed Hadj, quant à lui, s’occupait de Dar El Seka, l’équivalent de l’Hôtel des Monnaies de nos jours.
Khodja est né à Alger en 1773 dans une famille d'origine turque appartenant à la haute administration de la régence d'Alger . Son père était un lettré koloughli, un ouléma et le defterdar de la Régence, et sa mère, une mauresque. Il reçut une excellente éducation et voyagea beaucoup . En 1784, lorsque son oncle eut la responsabilité de porter un cadeau du dey à Istanbul, il l'accompagna.
Après son retour d’Istanbul, Hamdane passa à une étape supérieure de son apprentissage, il se consacra ainsi à l’étude de la philosophie, de la théologie et des sciences de son temps. La médecine occupait une partie importante de cette passion dévouée au savoir. Il écrira plus tard un ouvrage traitant des moyens de se prémunir de l’épidémie et qu’il intitula Ithaf al mounsifin wa el odaba fi el ihtiraz min el ouaba (Le don fait aux justes et aux lettrés pour se prémunir des maladies épidémiques).
Après la mort de son père, il lui succéda comme enseignant en théologie puis rapidement son oncle le prit dans son affaire et l'envoya le représenter dans des villes comme Tunis, Livourne, Marseille, Londres et Gibraltar, lui donnant ainsi l'occasion d'apprendre le turc, le français et l'anglais . Khodja devint un des marchands les plus importants et les plus riches d'Alger, où il était très sollicité par des collègues désireux d'être associés à ses opérations commerciales qui s'étendaient à l'empire ottoman comme à l'Europe .
Après l’occupation d’Alger, il fut nommé membre de la municipalité que Bourmont constitua. Selon H. Khodja, ce n’était qu’une mascarade, car : « Les délibérations étaient silencieuses et pour la forme ; enfin notre participation était nulle au fond ».
En sa qualité de membre du conseil municipal d'Alger ,il participa à la commission française d'indemnisation des personnes dont les biens avaient été démolis pour cause "d'utilité publique" jusqu'à la dissolution de cette commission et la fin des indemnisations. Il servit ensuite d'intermédiaire entre le bey de Constantine, Hadj Ahmed et les Français
Face aux exactions commises par les troupes françaises, il rédigea en 1833 un manuscrit qui se voulait à la fois historique et politique, Aperçu historique et statistique sur la régence d’Alger, intitulé en arabe al Mir’āt’ (Le Miroir). Un témoignage qui demeure avant tout, un plaidoyer et un réquisitoire : un plaidoyer en faveur de la Régence et un réquisitoire contre l’administration de Bourmont et de Clauzel.
Le manuscrit a été écrit par lui en arabe, et a été traduit en français par H.-D. Oriental et publié à Paris en 1833 aux éditons Goetchy fils et Cie; sous le titre [Aperçu historique et statistique sur la régence d'Alger, intitulé en arabe : "Le Miroir" ; par sidy Hamdan-Ben-Othman-Khoja,... Traduit de l'arabe par H.... D.. 1833. ]
Une "Réfutation de l'ouvrage de Sidi Hamdan" parut dans l'Observateur des Tribunaux en 1834 à quoi Hamdan Khodja répliqua, la même année et dans la même revue, par une "Réponse au maréchal Clauzel", ce dernier étant vraisemblablement l'auteur de la "réfutation"
Les initiales H.-D. poussent à croire que le travail de traduction fut l’œuvre du Tripolitain (Tripoli d’al Gharb) : Hassouna Daghiss (Hassuna D’ghies.).
Pourtant, Personne ne peut affirmer ni infirmer, si c’est bien lui l’auteur de la traduction, car H. Khodja, lui-même, ne le confirme pas. Ce dernier, dans une lettre datée du 28 décembre 1833 qu’il adresse au général Voirol, écrivit que l’ouvrage a été imprimé à Paris et, que son fils Hassan en aurait reçu un exemplaire qu’il devait remettre à la Commission [ Commission d’Afrique, créée pour enquêter sur la situation en Algérie ]. Chose qui n’a pas pu se faire car le livre arriva tardivement. Par contre, il ordonna à son fils de le remettre au général afin qu’il examine son travail : « J’ai donné ordre à mon fils de vous le remettre et je réclame .de votre justice d’examiner ce travail sans faire attention à son auteur, car chacun écrit d’après l’éducation qu’il a reçu et de son propre jugement ». D’ailleurs, ce qui est singulier c’est que dans le Miroir, il ne fait aucune allusion à l’aide que lui aurait apportée Daghiss : en effet, la seule fois où il parle de lui, c’est quand il souligne la traduction que fit ce dernier de l’œuvre de Vattel, traduction qu’il a fait du français vers l’arabe.
le mémoire a été publié en annexe du livre de Michel Habart intitulé "Histoire d'un parjure".
La question est : pourquoi ne l’a-t-il pas clairement spécifié, étant donné qu’il ne manque pas de le féliciter pour son travail de traducteur : « Je ne lis pas le français, cependant j’ai bien connaissance de la traduction fidèle en arabe, que M. le chérif Hassuna Deguiz a faite du droit des gens de Wattel ».
Le texte original en arabe du Miroir n’a jamais été retrouvé, seule la version en français existe ; et c’est à partir de cette dernière, qu’il fut traduit, présenté et commenté en langue arabe par Mohamed Larbi Z’biri. [(1985), Al Mir‛āt Alger, SNED. ]
Sans mettre en doute l’authenticité ou réfuter l’ouvrage ,l’original aurait mieux permis d’appréhender toute la richesse du texte et d’en exploiter les idées et, surtout de mettre fin aux doutes et aux rumeurs qui supposaient que le manuscrit avait été écrit par un publiciste français, donc n’aurait jamais été traduit. D’autre part, il existe une autre publication du Miroir où le texte est suivi d’une réfutation des amis du maréchal Clauzel ainsi que d’une réponse à la réfutation
En 2009, lors du symposium organisé à Alger, portant sur thème « L’Algérie, durant la période ottomane : Les relations politiques, économiques et culturelles », les Archives Nationales d’Alger (A.N.A) se sont vues offrir par le gouvernement turc, deux manuscrits écrits en langue arabe. Le premier, intitulé "Le Miroir d'Alger" ("مرآة الجزائر"), écrit en 1837 par Mohamed Redha, le fils de H. Khodja et le second est une copie d’un deuxième livre de H. Khodja dans lequel il traite et appuie les réformes engagées par le sultan ottoman, Abdelhamid II »
Le Miroir se divise en deux parties. La première est répartie en douze chapitres, les six premiers sont consacrés à décrire le pays, les habitants en faisant d’eux des êtres attachants, respectueux de leurs traditions ancestrales. Nous remarquons que pour désigner les habitants : Algérois, Kabyles, Arabes, Turcs ou Kouloughlis, il utilise le mot « Algériens », est-ce à dire que déjà les notions d’État et de nation avaient pris forme dans son esprit, et que de ce fait, il pouvait les appliquer à la Régence en rassemblant les différentes communautés qui se côtoyaient sans vraiment avoir à l’esprit ce sentiment d’unité ? Était-il le seul à le penser ou bien d’autres partageaient-ils sa vision ? Car par rapport aux correspondances qu’il adressait à l’administration turque, et telles qu’elles ont été traduites en arabe, nous pouvons observer que les vocables utilisées généralement pour désigner les populations sont « ‛ahl » ou « raʽiyya » ou sujets ou tout simplement il oppose les musulmans aux infidèles.
Les chapitres restants sont consacrés au gouvernement, à ses lois et à sa législation. Il insiste sur le fait que la Régence était un État fondé sur des principes républicains, qui n’a rien à voir avec un État corsaire sans foi ni loi comme le pensait l’Europe, Il écrit :
« Dans le cours de mon voyage en Europe, j’ai étudié les principes de la liberté européenne qui fait la base d’un gouvernement représentatif et républicain. J’ai trouvé que ces principes étaient semblables aux principes fondamentaux de notre législation, si ce n’est qu’il existe une différence imperceptible dans l’application ».
Toutefois, il ne nie pas l’aspect négatif de certains deys, de leurs erreurs qui ont entrainé le déclin de l’État algérien et l’occupation française.
La seconde partie relate le début de l’occupation française, de son administration et des erreurs tactiques et des exactions commises envers la population et ses biens. Il met l’accent sur les promesses non tenues de certains généraux, il les accuse d’avoir déshonoré leur intégrité ; c’est la partie miroir ou la partie négative de l’occupation, son but étant de faire passer un message libéral et de toucher l’opinion publique sur la question de l’indépendance de l’Algérie.
Ce n’est plus le Turc ni le Kouloughli qui parle mais l’Algérien qui est attaché à sa patrie : » […] chez nous nous n’étions pas hommes d’Etat, ce n’est que sur cette terre que nous avons acquis nos titres, et nos dignités… ; ce pays est donc notre patrie ! ».
Avant de poursuivre, cette citation mérite que l’on s’y arrête, car elle soulève plusieurs interrogations par rapport à la perception de « patrie » qui elle-même renvoie à des interrogations sur les notions de peuple, de communauté et de nation.
Ainsi, lorsque H. Khodja parle de patrie il désignait sa terre natale, et par peuple(s) l’ensemble des communautés de la Régence qui formaient une nation, un peuple de tribus tous unis par leur attachement à leur terre.
Après avoir en vain demandé au Sultan ottoman d'intervenir, il quitta Paris en 1836 pour s'établir à Istanbul où il mourut entre 1840 et 1845.
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Posté par : patrimoinealgerie