Algérie - Actualité littéraire

VENTE DE BOUQUINS AU JARDIN KHEMISTI À ALGER: La foire aux livres




VENTE DE BOUQUINS AU JARDIN KHEMISTI À ALGER: La foire aux livres
En cette journée ensoleillée, ils ont déjà accaparé les lieux. Sur les différents stands installés les uns à côté des autres formant une sorte de demi-cercle, des éventails de livres, de magazines et de brochures sont étalés de diverses manières sur des tables en forme rectangulaire.

Le jardin Khemisti, sis en plein centre d’Alger, jouxtant la Grande-poste, est l’un des endroits les plus fréquentés par les lecteurs algérois. Et pour cause, cet espace est devenu le lieu privilégié pour nombre de ces derniers! Ici, des centaines d’ouvrages de toutes sortes attendent preneurs!
Les bouquinistes, installent quotidiennement, dès le petit matin leurs stands, exposant une gamme variée de bouquins.
En cette journée ensoleillée, ils ont déjà accaparé les lieux. Sur les différents stands installés les uns à côté des autres formant une sorte de demi-cercle, des éventails de livres, de magazines et de brochures sont étalés de diverses manières sur des tables en forme rectangulaire. Chacune, placée sous une tente de couleur rouge vif.
Il est à peine midi, la placette grouille de monde. Les potentiels acheteurs flânent ici et là. Certains passent en jetant un coup d’oeil furtif sur les livres exposés. Tandis que d’autres s’arrêtent un instant pour feuilleter les premières pages de tel ou tel livre qu’ils jugent intéressant.

les apparences
Abderrahmane, brun, grosses lunettes sur le nez, la quarantaine, est l’un des anciens bouquinistes de la place. Assis sur une chaise à l’ombre, il scrute, l’air pensif, le mouvement de la foule qui va et vient. Seulement deux personnes traînent le long de son stand sans toutefois chercher quelque chose de précis. En l’accostant, celui-ci semble comme arraché à sa séance de méditation. De façon calme et posé il prend le temps de donner les prix de ses livres aux clients qui le sollicitaient. «Je ne me plains pas, y a pas à dire, ça travaille», nous dit-il avec assurance avant de renchérir: «Tous les jours, les gens affluent en grand nombre à toute heure de la journée pour acheter des livres.» S’étalant davantage sur son métier, il tend le bras pour prendre l’un des livres en appuyant: «Regardez, un Zadig de Voltaire à seulement 200 DA, c’est pratiquement donné.»
On constate néanmoins que le bouquin en question n’est pas en très bon état. La couverture et certaines pages du livre sont usées même abîmées, ce qui peut justifier un tel prix.
Comment se procure-t-il ses ouvrages? «Souvent, on les achète chez des particuliers, parfois, des citoyens nous apportent des livres qui traînent dans leurs caves ou greniers avant qu’ils ne soient consumés par l’humidité et le temps.»
Bien que les apparences disent le contraire, parmi ces livres quelque peu usés pour la plupart, se trouvent de vraies perles de la littérature et de l’histoire de l’humanité. «Combien de fois, de simples citoyens sont venus nous remettre des ouvrages rares, ô combien précieux, datant de nombreuses années», insiste Abderrahmane.
Cela est sans doute bénéfique pour le commerce!
Par ailleurs, celui-ci appuie tout de même qu’au-delà du simple geste de vendre un livre en échange d’une somme d’argent, sa profession lui permet aussi de «créer des liens avec des jeunes, des moins jeunes, intellectuels ou simples fonctionnaires, rendant ainsi un simple jardin en un espace de débat constructif et d’échanges permanents».
Quelques mètres plus loin, Réda, un autre bouquiniste, beaucoup plus jeune que le premier nous dépeint lui, sans grand enthousiasme les petites galères auxquelles ils sont souvent confrontés. Occupé à échanger avec ses clients, il prend quand même le temps d’expliquer: «Franchement, en plus d’être peu rentable, ce métier a bien trop d’inconvénients.»
Il poursuit non sans déplorer le fait que cette profession reste marginalisée par les autorités. «Certes, nous avons l’autorisation de la mairie pour vendre nos livres sur cette place, mais aucun règlement nous protège sur le long terme.»

Une foule assez dense
Poussant un soupir de découragement, il dit: «Ce n’est pas un métier stable, du jour au lendemain on peut nous délocaliser de ce lieu». Aussi il appréhende les contraintes du climat: «C’est l’hiver, et c’est la pire saison pour nous, car on ne peut travailler quand il pleut, mais surtout, très peu de monde vient acheter des livres dans le froid.»
Le long de son stand, une variété riche d’ouvrages est étendue. La littérature française et russe est très présente. On trouve de tout, Victor Hugo, Stendhal, Balzac, mais aussi Léon Tolstoï ainsi que le célèbre Fiodor Dostoïevski. «Ces livres sont les plus vendus, en effet», confirme Réda. «Cela dit, des classiques des plus célèbres écrivains algériens à l’image de Kateb Yacine, Mouloud Feraoun, Yasmina Khadra et bien d’autres se vendent aussi comme des petits pains.» En ce qui concerne la catégorie de clients qu’il reçoit tous les jours, Réda fait savoir que son stand est souvent fréquenté par des étudiants «après il y a de tout, car il y en a pour tous les goûts», conclut-il, soulignant au passage que les ouvrages d’histoire de l’Algérie sont très demandés par les acheteurs.
Asma, une jeune étudiante, habituée des lieux, affirme en passant par le stand de Réda que régulièrement «il suffit que je fasse commande pour n’importe quel titre de livre pour qu’il me soit apporté quelques jours après», chose fait-elle remarquer qui n’a pas lieu dans les librairies.
A quelques pas du stand de Abderrahmane, un bonhomme d’un certain âge, d’apparence farfelue, s’affaire à trier et à arranger ses livres de façon compulsive. Une foule assez dense s’amasse au fur et à mesure autour de lui. Les uns lui demandent les prix des livres, les autres cherchent des titres particuliers. Bien qu’occupé, il répond gaiement à toutes les questions de ces lecteurs affolés. Il se nomme Abderrezak, l’un des bouquinistes les plus connus et les plus sollicités par la clientèle.
Ce personnage, dynamique et souriant, grand de taille, a pour particularité vestimentaire, sa casquette de marin. Il n’est ni pêcheur ni navigateur, juste un éternel amoureux du verbe. «Les livres, les feuilles, oui, ça c’est toute ma vie» lance-t-il non sans une pointe de nostalgie dans les yeux. Il poursuit tout sourire «là où certaines personnes ne voient qu’un amas d’ouvrages usés et inutiles, moi, j’y aperçois de véritables trésors, une vraie mine d’or». Des trésors qu’il tient avance-t-il à transmettre perpétuellement au plus grand nombre de lecteurs possible. «Tous les types de lecteurs passent chaque jour que Dieu fait par mon stand, certains me demandent même de les conseiller et de les orienter dans leurs lectures» souligne-t-il.
Un point que s’est empressée d’authentifier une de ses fidèles clientes; Fadhila, la cinquantaine, enseignante à l’université d’Alger 2 «c’est effectivement le cas, je viens régulièrement le voir pour débattre de questions inhérentes aux sciences humaines et autres.» Selon Fadhila, le métier de bouquiniste est salutaire car il sert aussi à compléter le travail des librairies, car dans ces endroits, souvent l’offre ne correspond pas à la demande. «Croyez-moi ou non, mais j’ai trouvé de vraies perles littéraires dans cet espace qui a l’air tellement ordinaire comme ça» conclut la dame avant de quitter les lieux.

le retour du froid
En ouvrant bien les yeux, l’on remarque très vite que sur cette placette, tous se côtoient: adolescents, personnes âgées, jeunes adultes, universitaires, fonctionnaires, l’espace de quelques instants avec comme passion commune «la recherche du savoir».
Lila, étudiante en économie, connaît elle aussi très bien cette place, «ce qui me plaît ici, c’est qu’il y a une ambiance particulière, c’est beaucoup moins froid que dans une bibliothèque ou une librairie» explique-t-elle de manière joviale. Et d’ajouter sur le même rythme: «On peut discuter de nos goûts littéraires avec des gens qu’on connaît à peine, ce qui est assez spécial je trouve.»
Par ailleurs, les bouquinistes rencontrés sur place ont fait savoir que cet emplacement connaît une affluence particulière pendant les week-ends et les vacances scolaires. Néanmoins, la foule risque de diminuer sensiblement dans les semaines qui viennent avec le retour du froid. Ce qui ne va pas faciliter la tâche de ces vendeurs!
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