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une dispute entre deux colons
La guerre d'Algérie s'est retrouvée au centre de la querelle entre Paris et Ankara. Le match: deux colons, un colonisé.
La presse algérienne a beau tenter de gonfler la polémique entre la France et la Turquie sur l’Histoire et les accusations de génocides, cela ne prend pas. D’abord parce que c’est loin, dans le temps et dans la géographie, ensuite les Algériens n’aiment pas les seconds rôles quand il s’agit de leurs disputes régulières avec la France et, enfin, parce que le régime local ne le veut. En ces temps de quête de soutien anti-révolution et anti printemps arabe et pour bien vendre les fausses réformes, le pouvoir en Algérie ne veut pas remuer les ossements, ni les tombes. Les coups d’état internationaux sont de mode. Surtout dans le monde arabe et là où il y a trop de pétrole et pas assez de démocratie.

Que faire? Rien. Attendre. Il s’agit de l’histoire algérienne en des mains étrangères, mais cela ne nous concerne pas, explique le silence officiel. Une belle posture pour un régime qui a fait de la repentance (osons le mot) et de la mémoire, les préalables pour régler le bon voisinage avec l’ancien colon et qui a fait «exploser» la promesse du traité d’amitié chiraquien à cause de cela.

La guerre d'Algérie au centre de la polémique franco-turque
En réaction à l'adoption par les députés français d'une proposition de loi pénalisant la négation du génocide arménien de 1915, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a accusé vendredi 23 décembre la France d'avoir commis un génocide en Algérie. Pour illustrer, Erdogan donnera l’exemple du père de Sarkozy, supposé être un ancien massacreur en poste.

«Si le président français Nicolas Sarkozy ne sait pas qu'il y a eu un génocide, il peut demander à son père Pal Sarkozy (...), qui a été légionnaire en Algérie dans les années 1940, a-t-il ajouté. Je suis sûr qu'il (Pal Sarkozy) a beaucoup de choses à dire à son fils sur les massacres commis par les Français en Algérie. ».

Manque de pot, Pal Sarkozy n’a pas été en Algérie. «Je n'ai jamais été en Algérie, je n'ai pas dépassé Marseille. Et j'étais pendant quatre mois à la légion» a-t-il expliqué. Que se passe-t-il en Algérie pendant ce temps-là? Rien. Les puissants lobbys des anciens Moudjahdidines (combattants indépendantistes) qui ont failli faire capoter la visite de Sarkozy en Algérie en 2007, ont gardé le silence.

Les deux colons se disputent, le colonisé observe
Le meilleur angle pour s’amuser de cette polémique, c’est de la voir au regard de l'histoire. La querelle apparaît comme une dispute entre deux anciens colons, sur le dos d’une ancienne colonie. Car si le titre de méchant colon a été donné à la France pour cause de proximité dans le temps, l’ancien socle de l'empire ottoman n’a pas fait mieux et l’a fait bien plus longtemps. Avant le débarquement français, c’étaient les pères de l’actuelle Turquie qui assuraient la régence du pays et de ses tribus. Mythe ou réalité, la colonisation française est expliquée, officiellement dans les manuels scolaires, par le fameux coup d’éventail donné par le Dey Hussein au Consul français Pierre Duval, un certain 30 avril 1827. Le casus belli est suffisant selon le mythe. On est donc toujours dans le remake sur le dos de l’Algérie, presque deux siècles après.

Le colon ottoman a-t-il été colon?
Officiellement, l’occupation Ottomane n’est pas qualifiée d’occupation en Algérie. Tout juste une lointaine affaire de protectorat entre cousins musulmans. Occupation, elle le fut pourtant et avec violences, guerres, rapts et viols. Les frères Barberousse, anciens pirates, devenus protecteurs des gens d’Alger face aux espagnols au XVIième siècle ne se gêneront pas pour offrir l’Algérie comme butin à la porte Sublime( Istambul). Le pays ne sera pas colonisé par les vignes, «l’œuvre positive», les gaulois et les fermes, mais par l’impôt, les taxes et la dîme. La colonisation ottomane a laissé, enfin, en Algérie quelque bons reflexes politiques qui persistent jusqu’à maintenant: la tradition de la désignation du Dey par des officiers et selon les soldes qu’il promet, le racisme urbain face aux «hordes» rurales, le centralisme confirmé encore plus par la colonisation française, la culture de la piraterie et de la flibusterie comme économie de base, la rente, autrefois guerrière, aujourd’hui pétrolière, le rapport malsain au bien public, les divisions du pays en tribus, caïds, makhzen et territoires en révoltes permanentes.

Il était une fois l'Algérie ottomane...
«Voyage dans la région d’Alger»

«Le dey, qui n'a de comptes à rendre qu'à la Porte ottomane (…) et qui ne lui en rend guère, est élu par la milice turque composée ordinairement de gens sans aveu, sans ressources et de mœurs dépravées, qui viennent du Levant d'où ils ont été obligés de s'enfuir pour se soustraire au châtiment dû à leurs crimes»,écrit le Dr Shaw dans son livre. Mais «il s'en faut bien que le choix d'un dey se fasse toujours paisiblement; car, tous les Turcs de la milice étant également aptes à être élevés à cette fonction, il y en a toujours quelques uns de plus ambitieux que les autres et qui forment des conspirations dans le but de s'emparer du pouvoir en sacrifiant celui qui en est revêtu. Celui qui, dans ce cas, peut réunir le plus de partisans et tenir la chose secrète jusqu'à ce qu'ils parviennent conjointement à s'introduire dans le palais du dey est à peu près certain de le supplanter après l'avoir inhumainement massacré. Cela fait, il est aussitôt revêtu du caftan de la victime et proclamé de la manière suivante: prospérité à untel que Dieu a voulu élever au gouvernement de l'Etat et de la guerrière milice d'Alger! Sans que les membres du divan (les principaux fonctionnaires) qui sont présents osent proférer un seul mot, parce qu'ils savent qu'ils paieraient de leur vie la moindre opposition. Ils s'empressent au contraire de donner l'exemple de l'obéissance en baisant, les premiers, la main du nouveau dey. Il arrive assez souvent que celui-ci, afin de récompenser ses adhérents, fasse étrangler tous ceux qui étaient attachés à l'administration de son prédécesseur, principalement quand ils ne se soumettent pas de bonne grâce».

L'éternelle retour...
En 1979, le Président algérien Houari Boumedienne meurt. Qui le remplacera? «L’officier le plus ancien dans le grade le plus haut». Ce fut donc Chadli Benjedid qui démissionnera en 1992. Lisez ce qu’écrivait le voyageur dans la régence d’Alger il y a des siècles:

«Quelquefois, c'est par hasard que l'élection se fait, comme il arriva en 1694, après la mort de Chaban-Dodja. On résolut d'élire le premier vieil officier que l'on rencontrerait en entrant dans la ville. Alachat-Amet se trouvait assis sur son tabouret de paille, faisant des souliers. On le prit et on le couronna roi malgré lui. Il régna trois ans et il mourut de maladie, craint et respecté des Turcs qu'il avait su dompter ».

En quelque siècle de présence et de régence, les ottomans ont construit quelques palais, quelques souterrains, des ports et quelques bains. Pour eux. Le reste de la population se contentaient de chevaux et de tentes léguées par les siècles et les ancêtres et avec lesquelles il feront face au colon français. Quelques siècles après, cela nous fait une belle jambe de bois cette polémique entre deux anciens colons. A qui en vouloir? Au dernier sur la liste dit la logique. A tous, dit la mémoire. A nous même aussi. Entre Sarkozy et Erdogan, le pays a le poids d’un simple éventail entre les deux hommes.




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