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Un patrimoine haut et en couleur Darna, Sur les cîmes du Djurdjura




Un patrimoine haut et en couleur                                    Darna, Sur les cîmes du Djurdjura
C'est dans la féerie des pics de Lala Khadidja et dans le majestueux décor de ses montagnes, que le village de Darna a célébré, les 30 et 31 août derniers, la première édition de la Fête du souvenir et de la mémoire dans la tradition ancestrale de la fraternité.
Implanté dans un paysage luxuriant de maquis denses et aromatiques, Darna avec son relief escarpé est un véritable éden de l'altitude, qui transporte le visiteur dans un havre de sensations de détente et de sérénité. Comme tous les villages de la Haute Kabylie, les sols pierreux sont infertiles et les reliefs accidentés à Darna qui, excepté l'oliveraie et les parcelles éparses de figuiers, ne produisent point de subsistances nourricières pour la population. L'élevage de petits troupeaux, essentiellement d'ovins et de caprins, ainsi que de bovins mais en nombre très réduit, constituait un appoint compensatoire d'existence des villageois montagnards.
A cela, un artisanat de subsistance était très développé, notamment le tissage, la fabrication de bijoux en argent, les poteries, les petites huileries rudimentaires de fortune, les agrégats de meuneries archaïques traditionnelles, tout un attirail d'inventions réalisé dans l'urgence, où l'on puisait le pain quotidien de familles nombreuses vivant dans la précarité.
L'armurerie, un métier ancestral du village de Darna
Ainsi, le village de Darna a eu une prédilection pour un métier artisanal ancestral, celui de l'armurerie légué depuis des temps immémoriaux par des générations successives qui l'ont gravé d'une empreinte de raffinement et de noblesse artistique à travers les âges et le temps.
Des familles entières se consacrèrent à ce métier avec passion, devenu une tradition, y exceller et en faire un véritable art apparenté à une culture de terroir. A ce jour, les palmarès d'archives de la célèbre firme de fusils de chasse de grande renommée la «Saint Etienne», en France, nous renseignent sur des noms d'armuriers de notoriété reconnue de Darna. Un contexte colonial, de rudes épreuves d'existence, dans cette implacable réalité et une phase d'une histoire de colonisation et de paupérisme endémique, la jeunesse masculine du village n'avait d'autre alternative, et ce, dès l'adolescence, que l'émigration en quête de main-d uvre pour assurer une pitance à leurs familles nombreuses assujetties par le code d'infamie ségrégationniste de l'indigénat.
La croissance des flux migratoires devenait une déchirante réalité de la communauté, d'abord par des départs de jeunes vers toutes les régions d'Algérie, et ensuite à l'étranger, essentiellement en France. Il en a été ainsi des artisans armuriers qui, pour exercer leur métier, s'en allaient vers les régions où l'on pratiquait la chasse au gibier, à l'exemple de l'ex-Géryville actuellement El Bayadh, Saïda, Bel Abbès et bien d'autres à l'est du pays.
Au cours de ces pérénigrations, certains se sont sédentarisés dans ces régions, où l'on retrouve actuellement leur descendance.
Il en est de même pour ceux qui ont émigré en France, mais en moindre nombre, et qui reviennent à leur village natal à la force de l'âge, hélas pour y mourir, épuisés par de pernicieuses maladies contractées au labeur de forçat, dans les entrailles des mines et d'usines aux conditions de travail inhumaines. C'est ce paramètre historique qui a motivé Nadine Sidhoum, de parents originaires de la région et résidante en France, pour mener une recherche généalogique de patronymes susceptibles d'être dans la descendance des entités familiales du village de Darna.
Cette approche sociologique s'est révélée très concluante à travers le nombre de participants présents à cette manifestation inédite de rapprochement, de rencontres et d'échanges. De France, d'Oran, de Bel Abbès, de Tlemcen, de Aïn Témouchent, de Nedroma, de Béjaïa, de Constantine, ils étaient tous là, en force, avides de renouer les liens séculaires avec les progénitures de leurs ascendants.
Avec la contribution très active de l'association culturelle Amsemrigou (armurier) qui dans la symbolique culturelle rappelle le métier des ancêtres de Darna, assistée par le comité du village et des autorités locales, une émouvante fête du souvenir et de la mémoire s'est déroulée pendant deux journées, pour le plus grand bonheur de toute la population et d'une très nombreuse assistance composée majoritairement de jeunes et de femmes particulièrement heureuses de ces retrouvailles fêtées dans la convivialité traditionnelle. C'est en présence du chef de la daïra des Ouacifs et du président de l'APC d'Iboudrarène que l'ouverture des festivités a officiellement été annoncée par l'immense barde et chanteur Lounis Aït Menguellet, un repère de la pérennisation de la culture traditionnelle d'oralité et des valeurs millénaires de la région.

«Home sweet homme»
Agrémentées par des expositions de produits du terroir, huile, miel, fromage et d'une gamme très riche de produits artisanaux, les festivités ont connu un succès éclatant couronné par deux conférences, la première centrée sur la symbolique mémorielle des noms et des lieux du village, soutenue par l'auteur de ces lignes, la deuxième didactique avec une projection sur la biodiversité et la faune animale du Djurdjura, développée par Bensidhoum Messaoud, professeur à l'université de Tizi Ouzou. Pour revisiter des repères d'histoire à travers la vie et le parcours d'un fils prodige de Darna, une cérémonie d'évocation et de recueillement s'est déroulée à la maison natale de celui qui, très tôt, a accompli un acte précurseur de courage et d'universalisme du combat pour la liberté et la dignité des peuples, j'ai nommé Rabah Ousidhoum, né le 24 juin 1903 à Darna, un farouche révolté anticolonialiste qui a émigré en France au cours des années 1920, pour devenir un fervent militant engagé contre l'oppression et l'asservissement du genre humain. Engagé dans l'armée française en 1928, il déserte celle-ci pendant la guerre du Rif au Maroc, pour combattre le colonialisme aux côtés de l'émir Abdelkrim. Blessé, il retourne en Algérie pour repartir aussitôt et de nouveau en France, où il reprend la lutte au sein du mouvement syndical français, dont il devint un leader populaire de premier plan et un remarquable dialecticien admiré pour son éloquence oratoire de grand tribun.
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