Algérie - A la une



Si vous n'êtes pas de la localité, vous n'avez pratiquement aucune chance de connaître Feroukha. À moins que vous ne soyez un passionné de la géographie des petits points perdus introuvables sur les cartes d'état-major, il n'y a aucune raison de vous intéresser à ces hameaux jetés au milieu de nulle part. On dit souvent qu'ils sont les oubliés de Dieu mais ils sont surtout oubliés par les hommes, surtout ceux dont c'est le métier de s'en rappeler et qui sont payés pour ça. Passons, Feroukha est un lieu-dit qui ne dit rien à personne en dehors de ceux qui le subissent en y vivant et de quelques êtres étranges qui collectionnent les connaissances insolites. Mais il y a... pire, Feroukha abrite une retenue d'eau vaseuse. On ne sait pas vraiment à quoi elle sert mais comme d'autres « trucs » du genre qui essaiment la terre d'Algérie et d'ailleurs, on sait à quoi elle ne sert pas. La mare boueuse s'appelle Boudjrou. Bien sûr, le nom ne vous dit rien. Déjà que vous n'avez aucune chance de connaître Feroukha, vous n'allez pas réussir l'exploit de connaître Boudjrou. Chaque été que Dieu fait et peut-être bien ceux qu'il ne fait pas, les Algériens découvrent des lieux comme ceux-là, du genre on ne savait pas l'existence et qui se révèlent dans d'insoutenables douleurs. Chaque été, les correspondants de presse locaux nous livrent des drames qui renvoient à d'autres. La mort d'enfants est toujours insupportable. D'abord pour d'évidentes raisons biologiques, ensuite parce que souvent, là où il y a mort d'enfants, il y a la responsabilité des adultes. Dans le « meilleur » des cas, elle est coupable, dans le pire, elle est criminelle. Et puis ce sentiment rageur dont on ne peut pas se départir : ce sont toujours les plus faibles qui meurent dans ces circonstances. Géographiquement loin de la mer et... naturellement orphelin de piscines, ils vont, le corps cramé par un soleil inclément et la tête pleine téméraire, chercher un moment de fraîcheur dans des trous au milieu de l'enfer. A l'orée de chaque été, la Protection civile et la télé les « sensibilisent » sur... leurs conditions de laissés-pour-compte. « Il ne faut pas nager dans les barrages et les retenues collinaires, c'est dangereux », qu'on leur dit. Autant leur demander de manger des brioches s'ils n'ont pas de pain. Cette année, on n'a pas trop insisté en raison du coronavirus. Mais ça n'aurait rien changé à... leur condition. Ils sont loin de la mer, ils n'ont toujours pas de piscine et il n'y a même pas d'eau dans les robinets au cas où ils auraient des... robinets. Un enfant est mort samedi, noyé dans une retenue d'eau du nom de Boudjrou, au lieu-dit Feroukha, situé à Soumaâ, non loin de Blida.S. L.

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