Algérie - Théâtre

Tlemcen, Quand les élus ignorent le théâtre



Jeudi, tard dans la nuit, le rideau est tombé sur le premier festival du théâtre international. Mais cela ne pouvait se faire sans le coup de gueule de Ali Abdoun, l’un des principaux organisateurs de cette manifestation, metteur en scène et directeur de la troupe «L’Astuce».

Durant toute son allocution de clôture, il fustigera tous les élus locaux qui brilleront par leur absence pendant le festival, allant même jusqu’à dire au public venu en nombre «que l’APC de Tlemcen ne nous a pas aidés. Elle ne nous a pas donné un centime. Au contraire, elle était partie pour faire chavirer la tenue de ce festival, comme elle l’a fait avec le festival de musique andalouse. Je demande au public ici présent d’exiger des élus leur festival traditionnel de musique andalouse. Le malaise qui règne à la mairie ne doit pas réduire l’impact de ces identités culturelles (ndlr: musique et théâtre), il y va de la crédibilité de toute une ville». Le public répondra par des applaudissements en standing ovation.

Certains même du fond de la salle exigeront la démission pure et simple du comité des fêtes de l’APC et des élus qui les ont privés cette année des belles sorties nocturnes dans la fraîcheur de Sahridj M’bedda (Le Grand Bassin). Ali Abdoun n’oubliera pas de remercier la directrice de la Maison de la culture, le directeur du CCF de Tlemcen, l’Association des professeurs de français des lycées, les Amis du livre de Ghazaouet et El-Mouahidiya et Tahaddi de Nédroma qui ont contribué à la réussite du 1er Festival international du théâtre.

Mais au-delà de ces problèmes, Tlemcen a vécu pendant 5 jours dans l’ambiance du quatrième art, avec art au complet, vision, audition, espace scénique. Et puis les différentes troupes qui se sont succédé sur les planches de la Maison de la culture ont été à la hauteur de l’évènement qui les attendait. Même le public, longtemps sevré de théâtre, avide de comédie et de fables, manquant de repères, a su s’adapter aux montages scéniques, tels la symbiose dans l’harmonie du poète Boumediène Medhahri et d’artistes peintres, et même lorsque la petite troupe venue de Laval, dirigée par Jean-Luc Bansard, présentera un conte «Le Petit Chaperon rouge» revisité, montrant un loup qui n’est autre le Nazi et un chaperon portant un foulard jaune. Il est à noter que lors de la clôture, un remake de toutes les pièces a été présenté au public qui scandait joyeusement les noms des petits comédiens: Aurélien, Elodie, Léonie, Adeline, Océane, Adélaïde... mais aussi Farah, Didène, Samir et tant d’autres.

C’est ce qui a fait dire au linguiste Benrabah Mohamed, enseignant à l’Université de Grenoble et auteur de «Langue et Pouvoir», «que les différentes troupes théâtrales, et c’était le pari qu’avaient tenu depuis février les organisateurs, ont contribué à la continuité de cette amitié franco-algérienne qui doit exister malgré les aléas parce que la construction, la renaissance de l’Algérie passent par la reconnaissance de toutes les cultures que tous les envahisseurs ont ramenées, parce que l’algérianité ne se conjugue pas qu’en arabe et en Islam, elle se conjugue en romain, en vandale, en byzantin, en phénicien, en turc pour casser les tabous».

Il est à signaler que durant la clôture, fidèles à l’essence même d’un festival, les troupes se sont employées pendant une heure seulement à un travail collectif au plan théorique et pratique à la fois, avant de parvenir à mettre sur pied une oeuvre artistique où la recherche esthétique figure en première place. A plus d’un titre, cette oeuvre dépasse largement le plan de l’amateurisme et se rapproche audacieusement du travail créatif propre à l’art professionnel parce que justement co-dirigé par Ali Abdoun et Jean-Luc Bansard.

 Et en l’absence des élus et des responsables de la ville, le rideau se baissera à la Résidence Zoheir, où des virtuoses de la guitare tels Amine Chaïb Draa, et du luth comme Tewfik Benghabrit, ont su gracieusement animer une soirée musicale et poétique avec l’échange de cadeaux, d’idées et de promesses d’avoir à Tlemcen un théâtre qui réponde aux attentes du public. «Si je continue à travailler à Tlemcen, c’est parce que j’ai la responsabilité de ce public mais aussi parce qu’un grand du théâtre et de la culture, M. Kamel Bendimred, me soutient dans toutes mes activités», dira encore une fois M. Ali Abdoun, qui ne décolérait pas de son coup de gueule.

Un protocole de jumelage culturel et artistique, sans la présence d’officiels, a été signé entre Tlemcen et Laval juste pour dire aux responsables de la ville qu’ils sont là et qu’il suffit d’ouvrir les yeux pour les voir.


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