Algérie - Tlemcen

Tlemcen, «Dites-le avec les fleurs!»




La présence à profusion de deux sortes de négoces dans une ville peut donner un aperçu sur le niveau de culture et de civilité de ses habitants: l’activité de libraire et celle de... fleuriste. A Tlemcen, si 3 ou 4 librairies arrivent à fonctionner vaille-que-vaille, il y a par contre, zéro marchand de fleurs! Pourtant dans la cité des Zianides, les amateurs de fleurs ne se comptent pas forcément sur les doigts d’une seule main et les occasions de les offrir ne s’y présentent pas moins souvent qu’ailleurs. N’empêche qu’aujourd’hui, la seule manière d’y trouver des fleurs (vivantes et pas en plastique) est de les cultiver soi-même ou de les «piquer», à l’intérieur d’un jardin public!


«Du temps de la colonisation, il existait certes plusieurs fleuristes à Tlemcen, mais nous, les Arabes, nous n’en achetions pratiquement jamais. Il faut dire que nous avions d’autres chats à fouetter!», nous confie avec une moue dubitative, Hadj Noureddine... Après l’indépendance, quelques rares fleuristes se sont résolus à vendre des fleurs dans cette ville qui a l’habitude, peut-être, de cacher outre mesure ses émotions, mais ils n’ont pas fait florès. Jusqu’à sa mort, il y a 3 ans, on pouvait trouver cependant dans le stand de Hadj Abdelkrim, au marché couvert de Tlemcen, des bouquets de narcisses pendant l’hiver et du lys blanc ou rouge ainsi que des oeillets à la mi-printemps. Avec un air distingué, il les sortait de derrière ses mottes de coriandre et de persil pour les céder à petit prix ou, mieux, les offrir gratis à ses meilleurs clients!


Chaque jour de beau temps que Dieu fait, et particulièrement durant la saison du printemps, au lieu-dit Souk El-Ghzel, à Tlemcen des marchands amoureux de la nature, proposent des plantes d’ornement dans des bidons d’emballage d’huile (bien sûr vides) à des prix fluctuant selon la tête du client. De temps à autre, sur la placette de Rhiba, des jeunes venus d’Alger ou de Blida installent leurs camions, le temps d’écouler leur «cargaison» de basilic en mottes ou de rosiers bourgeonnants plantés dans des pots métalliques qu’ils vendent à 350 dinars l’unité. Mais pour trouver des bouquets de fleurs, il faut se lever tôt! Ou aller carrément chez les fleuristes du quartier Michelet à Oran, comme le font d’ailleurs certains jeunes Tlemceniens, bon chic, bon genre, pour chercher les fleurs qui rehausseront leur cérémonie de mariage ou de fiançailles, l’été.


Aujourd’hui, même les jardins publics de Tlemcen sont de moins en moins fleuris. Pour faire ce constat, il suffit d’y aller faire une promenade. On finirait presque par croire, chemin faisant, que l’idée même de jardin public est pour certains ronds-de-cuir, quelque chose «d’inutile et de coûteux». Dans leur esprit rien ne remplacerait peut-être une bonne couche de carrelage pour faire «place nette» à l’intérieur de tout espace vert, à 100.000 lieux à la ronde. Le sort fait, il y a une dizaine d’années, à l’un des deux jardins de Bab Ouahran, à la sortie nord-ouest de Tlemcen, est un exemple de cette mentalité disons «très bulldozer».


Le Tlemcen ancestral a pourtant cultivé le goût et la poésie des fleurs tel qu’en témoigne notamment un chant célèbre de haouzi de la part du grand poète du 18e siècle Ahmed Ben Triqui. Ce chant appelé «Errabiiya «(Les Printanières») énumère une liste de fleurs et indique pour chacune le «discours» social et sentimental qu’elle véhicule (dixit le musicologue Boukli-Hacène Salah)



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